Un conte de Noël
Il arriva je ne sais comment.
C’était la première année où je vivais en appartement, et mon choix de ne pas y avoir de cheminée était pour éviter ce genre de désagrément. Même venant de sa part. Même si ce n’est qu’une seule fois par an. Mais pour une fois, il n’allait pas couvrir de suie le salon, et ma mère n’aurait pas à râler ironiquement “merci la magie de Noêl”. Un peu pris au dépourvu, je farfouillais dans mon armoire à la recherche de cookies, offre qu’il rejeta aussi sec que le double whisky qu’il demanda à la place.
Curieuse scène qui se dessinait devant moi, celle d’un vieux bonhomme à la barbe grisonnante serré dans son costume au rouge défraîchi, affalé dans le sofa ikéa et lorgnant sur mon mini sapin en plastique, le tout ambiancé par la lumière blafarde d’une ampoule à basse consommation, c’était quelque chose. Il me dît qu’il ne supportait plus cette machine à conneries inépuisables qu’il appelait humains, qu’il ne restait rien à sauver, que plus personne ne s’écoutait bla bla bla….Bref, voilà les grandes lignes.
Déjà ivre, son discours oscillait entre utopies humanistes, amour des autres etc. et insanités dont je vous passe le récit, mais en gros cela mettait en scène des animaux et des ustensiles de cuisine (et je ne parle pas d’un épisode de top chef). A mesure que son verre se vidait, lui fusionnait avec le fond de mon canapé, et ses phrases n’étaient plus faites que de voyelles mélangées à une toux grasse. Là, il avait l’air d’un parfait Atlas éthylé portant sur lui une fin du monde trop lourde, une Chimène Badi du bad, une douleur plus insoutenable qu’un premier loyer à payer et que le proprio te le demandait en cash. Soudain, il se leva, éructa encore une fois, hurla à la mort et claqua la porte derrière lui. C’était la porte du placard. Les ronflements qui s’ensuivirent me firent renoncer à le virer de chez moi, après tout, lui aussi pouvait bien prendre une pause.
Le lendemain, mon placard était vide, ma bouteille de whisky aussi, seul trônait sur la table un mot “merci et joyeux Noël”.
Je n’appris que plus tard par un de mes amis que le Père Noël n’avait jamais existé, et que la personne que j’avais hébergé pour un soir était sûrement un sdf qui s’était introduit chez moi, ce qui expliquait donc ce carreau cassé. Un monde venait de s’écrouler, et je ne savais pas à qui je devais le plus en vouloir. Par défaut, je décidais alors de porter plainte contre mes parents pour mensonges et abus de confiance toutes ces années durant.
JOYEUX NOEL !
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Illustration : Victoria R. & Alice C.
1 commentaire
T
“plus personne ne s’écoutait bla bla bla…” haha, so good!