Un nouvel album de Superpoze doit être célébré. Nous ne pouvions pas nous permettre de passer à côté d’un événement aussi rare et d’un monument aussi profond.
Gabriel Legeleux est un artiste. On pourrait arrêter notre présentation ici mais voilà, le parcours du caennais mérite d’être lu. Repéré sur la scène mythique du Cargö après s’être pris de passion pour la musique électronique, il est repéré par le label Kitsuné Records et défend la Normandie avec son pote Fakear. Il compose peu à peu des récits et vogue vers une instru à la fois riche et légère, compacte et minimaliste. Il collabore alors avec des artistes comme Jacques, Lomepal, DJ Pone ou Alex Beaupin et s’aventure dans la composition pour le cinéma ou le théatre.
Une telle frénésie a des répercussions : quid du sujet de son futur projet personnel ? Après avoir tenté pendant des mois, le constat est clair : il manque des mots à ces mélodies, c’est incomplet. Une instru seule peut-elle se suffire à elle-même ?
À l’été 2020, j’ai aperçu dans la bibliothèque d’une maison où je passais quelques jours, un essai de Francis Wolff intitulé Pourquoi la musique ?. Dans l’introduction du livre, on trouve ce tableau qui répertorie les liens entre musique et parole, en allant de la “parole pure” à la “musique pure” :
Gabriel Legeleux aka Superpoze
Sur cette échelle, seule la dixième case est attribuée à la musique purement instrumentale. Je me suis senti « animé » par cette lecture : la musique instrumentale pure, qui n’accompagne rien, qui est émancipée de toute fonction, qui n’est au service de rien d’autre que d’elle-même, est rare, précieuse et à ce titre, il faut en prendre soin.
Superpoze
Quelques semaines plus tard, il est invité par Stephan Eicher afin de composer une pièce. Ce sera la base de cet album.
Au retour de Genève, j’ai passé des jours à trier tout ce que j’avais noté et enregistré depuis 2018. Je me suis lancé dans la création de cet album, Nova Cardinale, dont je venais de découvrir le centre de gravité.
Superpoze
Cet album est une expérience, un voyage. Non, il s’agirait plutôt d’un univers selon Gabriel, qui met en avant aussi le rôle d’acteur de l’auditeur.
Nova Cardinale est un album qui me semble être un monde plus qu’un récit. Un endroit fait de sons dans lequel on peut trouver un chemin, se perdre ou rester immobile et observer les alentours. Un album au sein duquel les morceaux vivent à grande échelle, s’étendent de l’intime à l’emphase. Un album avec de la perspective et des points de fuite. Ce fût un travail d’écriture intime et sensible, et aussi un vrai travail technique de son et de production. À l’écoute de l’album, ces deux aspects me semblent aujourd’hui indissociables.
Superpoze
Perso je l’ai écouté à vélo. J’ai vu des choses défiler et me racontais des histoires sur chacune d’elles.
S’il a entrepris tout le travail d’écriture seul, Superpoze s’est entouré pour l’enregistrement, le mastering et la production avec l’intervention de Sylvain de Barbeyrac, Jérémie Arcache. Aussi sur les cœurs nous retrouvons Yndi Da Silva (aka Dream Koala que Gabrielle connait depuis ses débuts), Corentin Ollivier (rencontré à Caen notamment avec son groupe Concrete Knives), Louise Legeleux et Iris Bry. La pochette a été conçue par par celui qu’on ne présente plus Raegular sur la photo de François Quillacq.
Intellectualiser une démarche n’est pas rare, c’est même plutôt sain. Poser la question de la musique pure sous le prisme de sa légitimité à être une œuvre par sa juste présence, c’est fort. J’ai relu ma phrase trois ou quatre fois mais je ne suis toujours pas sûr. Et c’est pas une note pour la relecture, je laisse ça dans l’article.
Il s’agit donc d’une troisième album purement libre et multi instrumental, du piano à la machine en passant par l’orgue et le xylophone. Superpoze fait ce qu’il fait de mieux : de la musique.