L’anonyme le plus connu du monde de l’art moderne ne cesse de faire couler de l’encre. Depuis 1999 ses collages à l’identité immanquable se dispersent sur les murs du monde entier, entre engagement et poésie. À l’occasion de sa dernière œuvre revendiquée, retour sur ses succès les plus marquants.
Sommaire
When life gives you lemons…
Au début du mois, le street artist Banksy publiait sur son compte sa dernière création de street art en date, et en revendiquait ainsi la paternité, après plusieurs jours de suspicion de la part des passants. Sur les murs de Nottingham, au centre de l’Angleterre, une fillette joue au hula-hoop, improvisé avec un pneu de vélo. Devant le pochoir, une vieille bicyclette attachée à un poteau dont la roue arrière manque. Le message apparait donc comme un symbole d’espoir dans cette période troublée et pourrait s’apparenter à l’expression anglaise “when life gives you lemons, make limonade” (“quand la vie te donnes des citrons, fais en de la limonade), une façon optimiste de transformer les petits inconvénients de la vie en quelque chose de meilleur. Ici, la jeune fille ne peut plus rouler sur ce vélo abîmé, mais qu’importe, elle en fait un hula-hoop et s’en amuse, comme nous devons nous adapter aux contraintes liées au Coronavirus par exemple. Pour l’artiste aussi, c’est une façon de rebondir après la perte de la paternité d’une de ses œuvres, suite à un procès perdu.
L’œuvre, sans nom officiel, attire de nombreux curieux et fans de l’artiste, qui donne une valeur ajoutée au petit salon de coiffure qui a vu sa devanture prendre en notoriété.
Quelles sont les œuvres de Banksy les plus connues ?
Banksy nous offre un spectacle mural depuis une vingtaine d’années maintenant. Prolifique, ses œuvres ne se comptent plus. Beware! vous propose de se replonger dans ses 20 réalisations les plus célèbres, histoire de ne pas en perdre une miette.
La petite fille au ballon / Girl With Balloon
Sans doute l’un des collages les plus vus de l’artiste. La fillette en noir et blanc voit s’envoler son ballon rouge en forme de cœur. À côté, un message inscrit “there is always hope” (il y a toujours de l’espoir). Un message poétique qui apparait en 2002 sur les murs de Londres dans le quartier de la South Bank. En octobre 2018, une reproduction de cette œuvre est mise en vente à Londres. Mais au moment d’être adjugée pour plus d’un million d’euros aux enchères, l’artiste britannique déclenche un mécanisme d’autodestruction qui déchiquète l’œuvre. Banksy l’a renommée depuis «Love is in the Bin» (L’amour est dans la poubelle).
Flower Thrower
Le «Flower Thrower» (Le lanceur de fleurs) aussi appelé «Love is in the Air» (L’amour est dans l’air)est devenu une véritable icône. Réalisé au pochoir, cette œuvre de rue est peinte pour la première fois en grand format, en 2003, à Jérusalem, sur le mur qui sépare la Palestine d’Israël. Comme un appel à la paix, ou les cocktails molotov deviennent des fleurs. En 2005, Banksy en conçoit une nouvelle version, toujours visible, sur le mur d’une station-service, à Bethléem, en Cisjordanie. La même année, son livre «Wall and Piece» sort en librairie, une photo de cette œuvre en couverture. Aujourd’hui le prix à payer pour son anonymat vient de lui faire perdre le droit de possession de son œuvre (nous vous en parlions ici), mais dans nos cœurs et nos têtes, ça n’est rien d’autre qu’un Banksy.
Follow Your Dreams / Cancelled
Le graffiti au pochoir apparait en mai 2010 dans une zone à faible revenu de Chinatown à Boston dans le Massachusetts. “Follow Your Dream” (suis tes rêves) est une sorte de mantra que l’on aime se répéter comme si tout était possible. Là, l’inscription est recouverte d’une bannière rouge sur laquelle il est marqué “Cancelled” (annulé), un trait d’humour noir pour souligner que dans le monde moderne, face aux inégalités et autres problèmes sociétaux, ça n’est plus possible.
Kissing Coppers
«Kissing Coppers» (Policiers s’embrassant) voit le jour en 2004. Ce graffiti en noir et blanc, représente grandeur nature deux policiers britanniques s’échangeant un baiser passionné. Peinte à la bombe en 2004, le gay baiser fait parler de lui. À l’origine sur la façade d’un pub dans la ville anglaise de Brighton, le propriétaire du pub décide, en 2011, de la vendre à une galerie d’art new-yorkaise, et la fait remplacer par un fac-similé protégé par une vitre en plexiglas. En 2014, elle est vendue aux enchères à Miami pour 575.000 dollars. Le prix de la notoriété.
Show me the Monet
Reprenant parodiquement le Bassin aux nymphéas de Claude Monet, la peinture à l’huile reprend le décor romantique peint à l’époque et emplit la marre de caddies et de plots de signalisation. Une critique ouverte à la société qui pollue la nature sans un regard sur elle et modifie le paysage de façon négative. Le 21 octobre dernier, elle a été vendue aux enchères à Londres, pour la somme folle de 7,6 millions de livres (8,5 millions d’euros), soit la deuxième plus grosse vente concernant ses œuvres.
Well Hung Lover
«Well Hung Lover» (L’Amoureux bien accroché) ou «Naked Man Hanging From Window» (Homme nu suspendu à la fenêtre), est un collage réalisé en juin 2006 sur le mur d’un centre de santé sexuelle, à Bristol, sa ville natale. Elle représente une scène d’adultère sur le point de mal se terminer, digne d’un vaudeville (ou d’un épisode de Game Of Thrones). La scène parle d’elle-même, le mari trompé, la femme coupable et l’amant de celle-ci. Apparu sur un mur d’un bâtiment appartenant à la ville, ce graffiti suscite un vif débat public : art ou vandalisme ? À conserver ou retirer ? Le conseil municipal met donc en place un vote en ligne afin que les habitants puissent trancher la question. Avec 93% de vote en sa faveur, le graffiti de Banksy peut rester en place et devient ainsi la première œuvre d’art de rue légale au Royaume-Uni. Banksy conquiert un peu plus le public et obtient son soutien face à la loi. Fort.
Sweeping It Under The Carpet
C’est en 2006, dans le quartier londonien de Chalk Farm qu’apparait «Sweeping It Under The Carpet» (Balayez-le sous le tapis) avec un message de démocratisation des sujets représentés dans l’art. Il expliquait à l’époque dans un quotidien anglais : “A une époque sombre et reculée, seuls les papes et les princes disposaient de l’argent nécessaire pour se faire immortaliser en peinture. Ceci est le portrait d’une femme de chambre appelée Leanne, qui a nettoyé ma chambre, dans un motel, à Los Angeles. C’était une femme au fort caractère”.
One Nation Under CCTV
«One Nation Under CCTV» (Une nation sous vidéosurveillance) est une œuvre monumentale peinte dans le centre de Londres en avril 2008. Cette fresque de sept mètres, met en scène un enfant vêtu d’un sweat à capuche rouge, juché sur une échelle, qui peint au rouleau le slogan «One Nation Under CCTV». Sur la gauche en contrebas, un policier accompagné d’un chien, filme l’enfant. L’ensemble étant posté à proximité d’une caméra de la ville, Banksy dénonce avec ironie la généralisation inquiétante de la vidéosurveillance.
Slave Labour
En 2012 à Londres apparait cet enfant accroupi sur une machine à coudre, en train de confectionner des banderoles de drapeaux britanniques. “Slave Labour” (Travail d’esclave) dénonce froidement le travail forcé des enfants et l’absence de considération pour eux dans les pays dits modernes. Arrachée de son mur en 2013, la peinture est mise aux enchères à Miami. Estimée entre 500.000 et 700.000 dollars, les polémiques l’entourant sont trop nombreuses et la vente est annulée, jusqu’à la fois d’après lorsqu’elle atteindra le prix de 1.1 million de dollars lors d’une vente aux enchères à Londres.
The Girl with the Pierced Eardrum
La fille au tympan percé est bien sûr directement inspiré de “La jeune fille à la perle” du célèbre peintre hollandais Johannes Vermeer. Cependant la perle n’est plus, et en guise de boucle d’oreille la jeune fille possède un boitier d’alarme. Au lendemain de sa réalisation sur une façade d’immeuble, la jeune fille est éclaboussée par un seau de peinture noire. Pas de quoi dénaturer l’œuvre pour autant, cette cour d’immeuble va devenir l’un des endroits d’Angleterre les plus photographiés.
Dismaland
Inauguré en août 2015, Dismaland est un parc d’attraction temporaire réalisé par Banksy avec la collaboration de 58 autres artistes. Situé dans la station balnéaire de Weston-super-Mare, en Angleterre, sur le site d’une ancienne zone de loisirs, le site est décris par Banksy comme “un parc à thème familial inadapté aux enfants“. Dismaland est un mélange entre “disneyland” et “dismal” (lugubre). Composé de plusieurs attractions et décors inspirés du monde du parc d’attraction comme la pêche aux canards ou le carrousel, le cynisme et les critiques sont partout dans cette œuvre participative, critique de la société de consommation.
The Son of a Migrant from Syria
Représentant le fondateur et ancien PDG d’Apple Steve Jobs avec un baluchon et un ordinateur sous le bras, «The Son of a Migrant from Syria» (Le fils d’un migrant syrien) a été peint en décembre 2015 à l’entrée du campement de migrants improvisé à Calais, surnommé la “Jungle”. Cette œuvre est l’une des quatre qu’a réalisé Banksy autour de la crise des réfugiés à Calais. Fait assez rare, Banksy avait accompagné sa réalisation d’un communiqué dans lequel il s’exprimait ainsi : “On nous fait souvent croire que l’immigration est un fardeau pour les ressources d’un pays mais Steve Jobs était le fils d’un immigré syrien. Apple est la société qui dégage le plus de bénéfices, et qui paye plus de sept milliards de dollars d’impôts ; mais cela a pu être le cas seulement parce qu’un homme venu de Homs a pu entrer aux Etats-Unis“. De quoi remettre les choses en perspective.
Brexit
Suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le street artist Banksy crée cette fresque murale géante a en mai 2017, à Douvres, dans le sud-est de l’Angleterre. Réalisée sur un mur proche du terminal des ferries qui relient le Royaume-Uni au reste de l’Europe, elle représente un ouvrier cassant l’une des douze étoiles du drapeau européen, comme symbole de désunion. L’œuvre a disparu depuis 2019.
Free Zehra Dogan
“Libérez Zehra Dogan”, voilà le message de la peinture monumentale réalisée par Banksy et le graffeur Borf le 15 mars 2018 à New-York. Une œuvre pour rappeler les 273 jours de captivité de la journaliste et artiste Zehra Dogan, condamnée pour propagande terroriste. La jeune femme kurde apparait derrière les barreaux, que sont les jours comptés, crayon à la main. Simple et efficace.
The Young Sad Girl
The Young Sad Girl (la jeune fille triste) apparait sur la porte de secours du Bataclan en juin 2018. Un hommage aux victimes et aux survivants de l’attaque terroriste du 13 novembre 2015. Ce pochoir emplit de tristesse sera volé en janvier 2019 avant d’être retrouvé en juin dernier en Italie. (nous vous en parlions ici)
Masked Rat with a Knife
Le rat est depuis des années l’alter ego de Banksy, son animal totem en quelque sorte. Dans son livre “Wall and Piece” il disait ainsi : “Les rats existent sans permission. Ils sont haïs, chassés et persécutés. Ils vivent dans un désespoir silencieux au milieu de la crasse. Et pourtant, ils sont capables de mettre à genoux des civilisations entières. Si vous êtes sale, insignifiant et mal-aimé, alors les rats sont votre modèle ultime“. Ici masqué et portant au bras un cutter (outil servant à découper les pochoirs), le rat se retrouve à l’arrière d’un panneau de parking au centre Pompidou, en 2018 avant d’être volée un an plu tard. Le rat, c’est de l’art.
Season’s Greetings
Le titre “Season’s Greetings” traduisible par “Joyeuses fêtes” est ironique à souhait. Réalisé près d’une aciérie à Port Talbot au Royaume-Uni, un enfant s’amuse à avaler ce que l’on pense être des flocons de neige mais qui sont en réalité des cendres d’une poubelle en feu. Une manière de dénoncer la pollution de l’air et l’innocence des enfants gâchée.
The Shipwrecked Child
Réalisé en mai 2019 à Venise, The Shipwrecked Child ou L’enfant naufragé, représente un enfant brandissant un feu de détresse à la fumée rose. La cause des réfugiés lui tenant particulièrement à cœur, le thème est récurrent et la prise de conscience semble toujours nécessaire. Malheureusement.
I’ll be Home by Christmas
Le 10 décembre 2019 à Birmingham, Banksy dévoile son nouveau pochoir, celui de l’envol de cerfs de Noël dont le traineau est un banc, et le Père Noël, un SDF assoupi. Une dénonciation de la précarité du logement, à l’heure des fêtes et de la surconsommation. Pour donner plus d’importance au propos, l’œuvre avait été dévoilée sur Instagram au cours d’une vidéo jouant sur un effet de zoom arrière sous fond de musique. Le titre ? “I’ll be Home by Cristmas” (je serais de retour pour Noël).
Game changer
Un petit garçon délaisse ses super héros habituels pour jouer avec une poupée représentant une infirmière, symbole des nouveaux héros de l’année 2020. Hommage sans détour au personnel médical en première ligne de la lutte face au Coronavirus, l’œuvre a été réalisée dans l’hôpital de Southampton au Royaume -Unis. Celle-ci sera belle et bien destinée aux enchères, les fruits de cette vente servant à financer l’hôpital public.
Article original en 2019
Modifié le 16 /09/2024
6 commentaires
Y2mate
Cet article sur Banksy est fascinant ! J’adore la manière dont il utilise l’art pour transmettre des messages forts. Les œuvres présentées sont vraiment emblématiques et chacune raconte une histoire unique. Merci pour cette sélection inspirante !
Gaudion
Oui c’est vraiment génial, c’est intelligent et c’est aussi un véritable travail d’artiste du 21 e siècle. Bravo ! !!
papi
c’est génialement génial continuez ainsiliss. Banksy le ciclope
Ecoffey
Rien à dire. C’est vraiment la vérité vraie.
Vanhoutte
Triste parfois est la réalité… mais la regarder en face par le biais de vos douces créations.. pousse à réagir et à vouloir vivre à fond sans oublier ceux qui nous entourent. Merci à vous
Une fan toute récente
Si vous saviez à quoi je pensais en lisant exposition Banksy soit un fou rire de votre part soit il me manque un cerveau ou de la culture 🙈🙉🙊
Picard
Monsieur Bansky
La lutte au pinceau, érigée comme un art de la lutte sociale, arme de représentation massive.
Une œuvre fragile sensible communicative gravée dans la mémoire de la rue.
De beaux tableaux pour une sensibilité autrement plus convaincante que les armes à feu. Votre humanisme me ravit, il sonne juste comme le carillon qui me réveille de mon insouciance. Merci Monsieur Bansky🚶🏻Michel