vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre doré

La street artiste @Foufounart met les vulves à l’honneur

Image d'avatar de Lucie SolLucie Sol - Le 1 septembre 2023

La sculptrice Marion alias Foufounart crée des vulves en relief sur des tableaux, dans la rue ou dans les bois, afin de redonner sa place au sexe féminin mais également aux femmes en général. Cette street artiste féministe nous raconte aujourd’hui comme elle rend à la vulve la visibilité dont elle manque encore aujourd’hui face à son homologue masculin.

vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre doré
Mathilde, série Discrètes

Alors que les sexes d’homme abondent dans les musées mais aussi dans la vie quotidienne, qu’ils soient du fait d’artistes ou non, d’adultes ou d’enfants, de femmes ou d’hommes, sculptés dans le marbre ou crayonnés à la va-vite dans un cahier d’école, le sexe féminin qu’est la vulve est encore aujourd’hui largement laissé pour compte. C’est face à cette réalité que se positionne Marion, qui confirme : « le sexe féminin est très peu représenté dans l’histoire de l’art, dans la société, dans l’espace public, urbain ». La démarche de Foufounart va ainsi au-delà de l’exposition de sexes : en affichant des vulves partout, l’artiste ose affirmer et imposer les femmes dans l’espace public et dans la vie.

vulve en relief sortant d'un papier marron dans un cadre doré
Léna

L’artiste

Dans la rue et sur les réseaux

D’origine lyonnaise, Marion commence à créer en avril 2021 pour ses premiers collages dans la rue, puis se lance le défi d’afficher des sexes de femmes aux yeux de toustes. Elle réalise ses créations avec de l’argile naturelle qu’elle recouvre de papiers fins. Ayant suivi une formation littéraire et non artistique, Marion est complètement autodidacte. « J’ai toujours été intéressée par ce qui touche à la matière, à la sculpture » raconte-t-elle.

Depuis, elle enchaîne les projets, les expositions, doit gérer à la fois son compte Instagram, la réalisation de ses œuvres et sa propre vie, dans un rythme effréné mais qui lui convient. Être sur Instagram lui a fait prendre conscience du nombre d’autres artistes féministes qui travaillent sur les mêmes sujets, et lui a permis d’entrer en contact avec elles. « Cela m’a ouverte sur un monde que j’ignorais ».

Un engagement artistique et militant

Elle s’inscrit au sein d’un courant féministe artistique et militant plus large auquel appartient par exemple @the.vulva.gallery, qui milite grâce à ses aquarelles colorées pour une meilleure connaissance de la vulve, ou plutôt des vulves. En effet, le compte Instagram souligne la diversité des formes qu’elles peuvent prendre dans une démarche inclusive qui déconstruit nos stéréotypes. Instagram est à cet égard un réel vivier de comptes artistiques féministes, comme en témoigne aussi @lanuitremueparis, une illustratrice créant des BD féministes.

vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre argenté
Bucolique pour Flores

Marion expose au Festival Peinture Fraîche dédié au street art à Lyon, au bar San Dragon de Lyon pour l’exposition Flores, à la galerie Art Show Lyon, dans Librairie à soi∙e…

vulve sculptée avec des fleurs
Capucine pour Flores

Elle dédie son travail à la visibilisation de la vulve mais aussi du clitoris, autre grand oublié qu’elle met en valeur en le réalisant souvent sous la forme d’une grosse perle dorée. Ses œuvres se situent à l’intersection de l’art, de l’éducation sexuelle et du politique.

vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre doré
Rose, Discrètes

Dévoiler la beauté de nos vulves

Des qualités esthétiques

Mais les œuvres de Marion n’ont pas seulement vocation à informer de l’existence de la vulve ; l’artiste souligne aussi la beauté de celle-ci, par des procédés artistiques divers. Couleurs, collage de papiers à motif, mise en valeur par des cadres à moulures dorées, placement au centre… Marion fait du sexe féminin un réel objet d’art, que l’on a envie d’accrocher chez soi, et que l’on est fière de posséder sur son propre corps.

vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre doré
Fleur Bleue, série Discrètes

Son engagement ne prend pas le pas sur le caractère artistique de son travail, et il ne s’agit pas d’exhiber des vulves telles quelles mais bien de jouer sur les formes et les motifs. Dans sa série Discrètes, Marion fond les sexes dans le papier duquel elle les orne de sorte à ce qu’ils émergent naturellement du cadre. Cela rappelle le fait que les vulves font partie d’un tout, et que tout comme les vulves sculptées sont intégrées au tableau, les vulves de chair sont intégrées à notre corps.

vulve en relief sortant d'un papier bleu dans un cadre doré avec des étoiles
Stella

Le caractère beau de son travail est crucial puisqu’il s’agit entre autres de faire en sorte d’accepter cette vulve féminine naturelle que l’on ne connaît encore que trop peu. Cela permet de redonner son caractère esthétique à ce sexe trop peu souvent montré, et s’il l’est, de façon toujours très normée.

vulve en relief sortant d'un papier à motifs dans un cadre
Baroque, Discrètes

Sous les fleurs désuettes… des vulves en trompe-l’œil

Par ce titre de « Discrètes » l’artiste souligne son propre procédé artistique mais également la méconnaissance historique des vulves, la discrétion de celles d’argile faisant écho à l’invisibilisation de leurs homologues charnels. Par une métonymie induite par le féminin du nom « vulve » et par la dénomination de certaines œuvres par des prénoms (comme Mathilde) on pourrait aussi voir dans cet adjectif une qualification englobant les femmes elles-mêmes, au-delà de leur sexe. Cela soulignerait comment du point de vue anatomique comme social ou politique celles-ci ont toujours dû se faire « discrètes » : mais qu’aujourd’hui, avec l’art notamment, elles reprennent leur place.

Foufounart investit fréquemment le motif floral, pourtant étroitement lié aux représentations traditionnelles de la femme – faut-il rappeler que les filles naissent dans des roses ? Ce topos de la femme-fleur tend à associer celle-ci à la fragilité, à la beauté, à la délicatesse. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce parti pris artistique ne confirme en rien cette vision puisque c’est une façon pour Marion de s’en amuser, et de la détourner, en utilisant des motifs désuets. Cela permet également un dialogue entre représentations du passé et revendications du présent.

vulve en relief avec des fleurs
Mauricette

L’artiste explique : « l’idée est de créer un clash entre les visuels de fleurs innocentes et désuètes, et la vulve représentée en relief sous le motif. C’est un jeu d’opposition. C’est la même logique quand je travaille sur de la vaisselle en porcelaine de grand-mère, délicate, un peu mièvre : ce qui m’intéresse, c’est de prendre le contre-pied de cette image, de jouer avec celle du sexe cru de la femme, physiologique, et celle des petites fleurs ».

vulve ailée
Sex-Voto à Grenoble

L’impertinence au service du féminisme

Cette capacité à détourner les codes se ressent aussi dans son rapport aux mots, Marion jouant de certaines expressions comme « ex-votos » (objets placés dans des églises par des fidèles en remerciement ou requête d’une grâce) qui deviennent avec elle des « sex-votos ». Elle se réapproprie ce symbole religieux souvent matérialisé par un cœur ailé pour lui donner la forme de vulve, introduisant de ce fait son art jusque dans la sphère religieuse. Elle fait de même pour ses Sacré-cœur.

coeur vulve
Sacré-cœur

Cette mobilisation des ressorts de l’humour et de l’audace pour traiter de vulves se ressent ne serait-ce que dans son pseudo Foufounart, où elle reprend l’appellation aussi familière que floue du sexe féminin, pour lequel on préfère utiliser le terme enfantin « foufoune » que « vulve », en l’accolant à « art ».

vulves ailées en plein Lyon
(S)Ex-voto s’envolant vers Fourvière

Le parti pris du street art

Diffuser la connaissance de la vulve

L’enjeu principal du travail de l’artiste étant la meilleure représentation du sexe féminin et sa diffusion, le choix du street art semble évident. Outre un cheminement artistique, puisque cela relève d’une capacité à investir tout type de lieux, la pratique du street art revêt également une portée politique qui convient parfaitement à l’art engagé de Marion dont les sculptures compensent l’absence d’information et d’éducation autour du sexe féminin. C’est une manière de toucher des individus divers, de tout genre, âge, milieu social ou culture, et de briser le tabou et l’ignorance qui entourent le sexe de la moitié de la population.

vulve dans un tronc d'arbre
Promenons-nous dans les bois 1

Marion investit nos quartiers mais pas seulement, et elle sort encore une fois des sentiers battus – si l’on peut dire – avec sa série Promenons-nous dans les bois réalisée en 2021. Celle-ci consiste en l’installation de plusieurs œuvres-vulves dans un bois proche de Lyon, plus ou moins cachées à l’intérieur de troncs d’arbre, de souches ou sous des feuilles mortes. Ce procédé de dissimulation qui rappelle sa série Discrètes constitue un enjeu récurrent dans son travail. L’artiste joue ici des couleurs et des formes pour fondre chaque sculpture dans la nature, et les deux se subliment l’une l’autre.

vulve dans un arbre
Promenons-nous dans les bois 2

C’est aussi une manière de souligner par l’espace le caractère naturel de la vulve. Cette affirmation est d’autant plus importante dans notre contexte où les femmes font l’objet d’une hypersexualisation constante, y compris dans la vie quotidienne, ce qui les pousse à remettre en question leur corps et à avoir recours à des procédés chirurgicaux pour le modifier. On peut citer à ce titre la vague de nymphoplasties actuelles, des opérations chirurgicales consistant à réduire les petites lèvres de la vulve, justement, qui connaissent une augmentation forte ces dernières années pour des raisons esthétiques.

Être exposée en tant que street artiste

Les œuvres de Marion sont doublement subversives puisqu’il s’agit d’une part de créer des vulves, mais en plus de les afficher ouvertement dans la rue. Cependant, elle est également exposée dans certains lieux dédiés : pour elle, « c’est un autre moyen d’être visible ». Il est difficile pour les street artistes d’avoir des retours directs sur leur travail, et les expositions constituent de ce point de vue une façon privilégiée de « rencontrer les gens, d’avoir des interactions directes avec le public » comme elle le dit, ajoutant que c’est ce qui lui a particulièrement plu lors du Festival Peinture Fraîche. « Mon terrain de jeu préféré reste la rue, c’est là où ça a commencé. Mais là c’est un autre espace ».

Dialoguer avec l’histoire de l’art

Visibiliser l’invisible

Marion n’hésite pas à se positionner face à certains artistes reconnus comme Botticelli et son œuvre Venus pudica. Elle reprend le tableau originel et l’encadre d’exactement 73 vulves, tout en le renommant avec audace et humour Vénus impudica. Si ces vulves-ci ne sont pas au centre du tableau comme d’ordinaire, le simple fait de les positionner autour de la peinture permet de donner à voir ce qui n’est jamais vu, y compris dans des nus : le sexe féminin. Les positionner dans les marges de l’œuvre souligne leur marginalisation artistique et scientifique.

vulves entourant la Venus pudica de Botticelli
Venus impudica, 2022

Le nombre élevé de ces vulves, qui contraste avec la présence d’une seule femme sur le tableau, permet de rendre leur sexe à tous les autres nus féminins qui remplissent les musées, et dont ils sont pourtant toujours privés. Placer les vulves au bord de l’œuvre est une manière d’appeler à l’hors-champ, à l’hors-tableau constitué de tous les nus de l’histoire de l’art. L’Origine du monde de Courbet est l’exemple parfait de cette dissimulation constante de la vulve, puisqu’alors même que l’artiste veut représenter un sexe de femme, la vulve reste absente et le sexe n’est figuré que comme une fente.

femme nue partielle
© Courbet, L’Origine du Monde

Affirmer un female gaze novateur

L’hypersexualisation des femmes existe également dans l’histoire de l’art, et les nus féminins sont en proportion bien plus nombreux que les masculins, alors même qu’ils sont toujours peints par des hommes. Les Guerrilla Girls le clamaient déjà dans leur affiche de 1989 : “Do women have to be naked to enter the Met. Museum? Less than 5% of the artists in the Modern Art sections are women, but 85% of the nudes are female”, et ces chiffres ne sont pas si éloignés de notre réalité d’aujourd’hui.

Marion s’accorde avec cette vision en déclarant que « la femme est représentée en art sous le prisme du regard masculin essentiellement ». Le fait de représenter des vulves en tant que femme artiste n’est donc pas anodin, et permet de revêtir ses œuvres d’une portée féministe en affirmant un female gaze nouveau et éclairant, qui contraste avec les représentations traditionnelles. « Le milieu de l’art reste un milieu très masculin, il y a beaucoup moins d’artistes femmes qu’hommes, et encore aujourd’hui, même si ça commence à bougerOn montre des corps de femmes qui correspondent aux critères voulus par les hommes. Le sexe féminin en lui-même, la vulve, n’est pas ce qui est montré, on a tendance à le cacher, à le considérer comme honteux. Il y a une méconnaissance du sexe physiologique de la femme ».

vulve en relief sortant d'un papier violet dans un cadre doré
Flower, Flores

La vulve, et non pas le vagin

Les rares fois où le sexe féminin est représenté ou nommé, il l’est en tant que fente ; la vulve est effacée au profit du vagin, et c’est d’abord à lui que l’on pense lorsque l’on parle du sexe féminin. Seul 1 individu sur 5 ayant entre 18-25 ans utiliserait le terme adéquat de vulve pour la désigner, tandis que 4 lui préfèrent « vagin » selon l’étude de Camille Moulin dans Sexe féminin et représentations. Enquête menée auprès d’étudiant.e.s d’Île de France. Gynécologie et obstétrique (2021. ffdumas-03347484). Cela aboutit à des représentations biaisées où le sexe féminin n’est envisagé que dans ce qu’il a de complémentaire avec le sexe masculin : le vagin a autant d’importance car il est le pendant du pénis. Il est l’organe nécessaire à la pénétration, tandis que la vulve ne l’est pas.

Le choix de pseudo de Foufounart est aussi une façon de refuser volontairement le terme de « vulve », et d’attirer ainsi notre attention sur le flou qui l’entoure au niveau anatomique comme linguistique. La figuration et la dénomination de la vulve sont de réels enjeux dans nos sociétés actuelles ; comme le soutient la psychologue Harriet Lerner, ne jamais la nommer constitue une « mutilation génitale psychique », puisque cela revient à nier son existence. Le langage joue un rôle crucial dans notre connaissance des objets, de nos corps, et diffuser le terme de « vulve » est essentiel pour comprendre le corps féminin, en tant que femme comme en tant qu’homme, afin de s’accepter, d’en être fière et même pour modifier notre rapport aux relations sexuelles, notamment à l’importance de la pénétration.

vulves ailées
Sex-votos

La méconnaissance de la vulve par rapport au vagin relève d’une vision phallocentrée de la sexualité, où le corps féminin est historiquement envisagé au prisme du plaisir masculin. Pourtant, si le vagin est intérieur, la vulve est elle extérieure, et tout à fait visible, et il n’y a pas de raison scientifique à son invisibilisation.

Le travail de Foufounart soulève donc un large panel d’enjeux, de nature artistique, scientifique ou sociale. Ses œuvres sont une manière d’affirmer nos sexes pour nous affirmer tout court, en plus d’accepter nos corps tels qu’ils sont. L’artiste insiste sur l’importance qu’il y a à s’exprimer sur le sujet et à prendre sa place en tant que femme. Si elle ne se ferme pas la porte à d’autres sujets pour la suite, elle ne craint pas pour autant de s’enfermer dans un art uniquement dédié aux sexes de femmes, qu’elle considère comme un véritable symbole d’affirmation de soi.

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Lucie Sol
Article écrit par :
Etudiante en Lettres Modernes à l'ENS de Lyon, je suis passionnée par l'art, la culture, la littérature et leur partage. J'aime particulièrement les œuvres qui interrogent des problématiques actuelles majeures comme le féminisme et l'écologie, ou qui questionnent les liens entre images et mots. Je vous souhaite une bonne lecture !

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