L’année 2020 représente un tournant dans la longue carrière de Philippe Ramette. Pourtant, rien de réellement spécial ne semble se démarquer au premier regard. Pour un artiste de sa trempe en tout cas. Le plasticien/sculpteur/photographe français a, en effet, réalisé la plupart de ce dont rêve les artistes. Il a fait le tour du globe en tant qu’artiste, certaines des plus grandes institutions (par exemple, le Centre Pompidou) se sont penchées sur son travail et certaines de ses œuvres trônent, encore aujourd’hui, fièrement comme à Nantes. Mais qu’est-ce donc que cet évènement dont il est question ? Une « simple » exposition à la galerie Hors Cadre d’Auxerre. Dans ce cas pourquoi celle-ci, plus qu’une autre ? Tout simplement, car Philippe Ramette est originaire d’Auxerre. Tout simplement, car c’est la première fois qu’il expose dans cette ville en plus de 20 ans de carrière. Une anomalie qui peut s’expliquer par de nombreux facteurs, mais qui, finalement, ressemble bien au tempérament Philippe Ramette. Lui, qui n’a de cesse de faire un pas de côté.

La contemplation par le détournement, la poésie par la simplicité
« C’est ennuyeux d’avoir toujours le même point de vue sans jamais se remettre en question. Et dans l’éloge du pas de côté, il y a aussi le fait de ne pas se contenter de la réalité. La réalité est telle qu’elle est mais on peut aussi porter sur le monde un regard plus poétique, plus contemplatif… » Qu’il conçoive une sculpture ou qu’il imagine un shooting, Philippe Ramette reste fasciné par les mêmes questionnements. Il ne suffit pas, pour résumer l’art de Ramette, de l’enfermer dans une case, mais bien de décoder son message, ses obsessions et quel regard il porte sur le monde. Car, plus que le comique de situation, ses œuvres sont un moyen pour lui de partager le mode de vie auquel il aspire.
Ce qui est notamment appuyé par les postures que prennent ses modèles, qui sont généralement de biais ou de dos. Le spectateur peut, ainsi, se projeter plus facilement dans l’univers proposé par l’artiste. Un autre aspect majeur de l’œuvre de Ramette est sa fascination pour la figure de la statue et pour tout ce qu’elle symbolise, tant pour son aspect immortel que solennel. Éloge de la transgression (ci-dessous) est un bon exemple du travail que l’artiste a pu réaliser autour de cette thématique. On y voit notamment une jeune fille grimper sur un socle, comme si elle était pressée de rentrer dans l’Histoire.

De plus, si Ramette se met bien en scène à travers ses clichés, ce n’est pas par narcissisme. Il cherche, au contraire, à appuyer son propos. Comme il le rappelle souvent, nous n’observons pas un portrait de Philippe Ramette. Non, nous observons le portrait d’un rêveur, d’un inconnu, de notre voisin, voire, de nous-même. « Je dirais que mon personnage est pudique, impassible face à des situations complètement irrationnelles. Il est parfois tellement pris dans ses pensées qu’il semble avoir oublié les règles élémentaires de la rationalité. Ce personnage a basculé dans une forme de poésie. » Une description, à la fois précise et universelle, tant bien, que finalement, nous sommes tous, à un moment donné, cette personne qui erre sans se soucier de ce qui l’entoure. Tel le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich (l’une des principales inspirations de l’artiste français), le personnage interprété par Ramette a pour vocation de dépasser sa condition d’humain pour devenir une figure universelle. Plus qu’une simple personne qui serait définie, elle est l’incarnation même d’un état-d’esprit. Ici, celui de Philippe Ramette.







Retrouvez le travail de Philippe Ramette sur sa page wikipedia et explorez les maisons hantées immortalisées par la photographe Audrey Marquis.