Giles Clarke nous livre des photographies fortes qui suscitent l’émotion, en adéquation avec son idéal humaniste du photojournalisme qui n’est pas s’en rappeler celui des pionniers du genre, tels Janine Niepce ou encore W.Eugene Smith, qui toute leur vie durant ont témoigné visuellement de l’importance d’une photographie visant à informer.

L’information, Giles Clarke la pousse dans ses retranchements. Lucide sur son utilisation contemporaine, il la décrit désarticulée sous le joug de gouvernements autoritaires transformés en véritable arme de propagande.
“Une presse au service d’agendas politiques, au détriment de la vérité”.

Mais les images qu’il nous donne a voir sont loin du paradigme. A l’occasion du festival visa pour l’image, le 29 Aout à Perpignan est présenté son travail : “Yemen; Conflict + Chaos”. Une occasion pour nous de faire une rétrospective de son parcours photojournalistique.

Les prémices : de la photographie de mode à l’activisme photographique
La rencontre a lieu milieu des années 80, Berlin-Ouest, enclave artistique à l’état brut, voit se profiler une nouvelle relation : la photographie et Giles Clarke. Les premiers émois sont animés par le rythme lancinant des journées dédiées à un poste d’assistant photo 16 mm dans une boite de production d’informations, et se poursuivent à la clarté de la chambre noire, où chaque soir il s’adonne à “l’editing”.
Giles Clarke fait ses armes, entouré du rideau de fer, il photographie le “ça a été” du Berlin avant la destruction du mur.

De retour à Londres à la fin des années 80, il fait un détour par la photographie de mode avant de s’installer à New York au milieu des années 90 où il travaille dans la chambre noire de Richard Avedon même s’il ne va pas tarder à revenir vers son premier amour : le photojournalisme, il ne manque toutefois pas de souligner que cette dialectique lui a permis de devenir le photographe qu’il est aujourd’hui :
” C’était une période prolifique, même si je ne me suis jamais senti réellement familier à ce monde, c’est là que j’ai pu apprendre le cadrage, la tonalité. Qui font aujourd’hui partie intégrante de mon imagerie. ”
Imagerie que Giles Clarke va finalement consacrer exclusivement à son amour profond pour le photojournalisme , animé par “la souffrance et la colère contre les injustices, mon appareil photo est devenu un outil de sensibilisation et d’activisme”
Le photojournaliste se veut donc consciencieux quant à l’importance de la diffusion d’images fortes poussant à la réflexion. Sa position, fidèle à son engagement est une démonstration de courage face à une société qui ne voudrait pas voir la guerre : ” Je n’ai pas peur de montrer des images dures ou des scènes difficiles qui pourraient faire réfléchir le spectateur. Indirectement, nous soutenons et payons des interventions militaires et beaucoup de gens n’ont aucune idée, ou se soucient peu, des dommages à long terme de la guerre.”



Mais l’information suffit-elle à provoquer une réaction?
Photographie de guerre, arme de paix
Le Yémen, en conflit permanent depuis 7 ans, subit la “pire crise humanitaire actuelle dans le monde” selon l’ONU. Les bombardements incessants détruisent tout sur leurs passages, civils et infrastructures. Ne laissant place qu’à la détresse la plus totale.
Giles Clarke se retrouvant affecté là-bas afin que ses photographies soient utilisées à des fins de campagnes de collecte de fonds, souligne la prudence dont certains médias font preuve : ” Effrayés de déranger le spectateur par quelques manières que ce soit”


Des lors, Giles Clarke se positionne loin du simulacre, en assurant que son travail relève “d’un moment de vérité cristallisé” qui subit des ajustement au grès d’une société du spectacle désabusée.
Mais une première victoire (pour le photographe) se profile lorsqu’en 2016 le sénateur américain Bernie Sanders utilise une de ses photographies afin d’illustrer “la situation désespérée du Yémen”. D’autres acteurs tels que Nicholas Kristof, lauréat du prix Pulitzer pour le “New York Times”, apportent une dimension plus critique à son travail.


Si Giles Clarke tient à garder son discernement, son combat sera poétique et résilient. Il évoque un rapport bienveillant avec ses photographies afin de mettre à distance toute l’impuissance et la souffrance dont il a été témoin, une fois rentrée et avant de s’attaquer à “l’editing” , il se voue à un rituel bien particulier, tendant à réduire sa charge mental.
Avant d’entrer chez moi, je suspends symboliquement un manteau imaginaire de souffrances à mon porte-manteau”
Giles Clarke se bat, et il le fait en toute humilité tout en se protégeant des traumatismes que peuvent déclencher les situations dont il est témoin.

Afin de nous livrer des photographies crues, empreintes d’un regard subjectif et poétique. Mais la double ambiguïté de l’essence même du photojournalisme, entre manipulation de production et de diffusion, peut-elle passer entre les mailles du filet de la propagande ?




A cela, William Betsch, nous répondrait que : “Parfois la mise en scène de la réalité politique et sociale est tellement intériorisée par ses acteurs, aidés qu’ils sont par leurs conseils en image et communication, que les photos ne sont plus que des photos d’apparences de la comédie sociale et n’ont donc aucune valeur de vérité, de critique ni d’interrogation. La photographie n’est alors qu’un des rouages du système général dont l’objectif est le pouvoir et l’avoir et non un quelconque savoir.”
Pour en découvrir d’avantage sur le photojournaliste Giles Clarke : son instagram.