Dernier opus en date de la saga, le nouvel OSS 117 réalisé par Nicolas Bedos prend place cette fois-ci sur le continent Africain. Si depuis 12 ans et la sortie du deuxième opus, le tempérament d’Hubert Bonisseur de La Bath n’a pas vraiment changé, les mentalités si. L’occasion d’un déphasage dans les règles pour ce personnage emblématique de la France d’après-guerre.
Le Synopsis
L’histoire se déroule en 1981, année charnière de l’élection de Mitterand qui verra la gauche française triompher aux présidentielles. Un constat difficile pour Hubert Bonisseur de La Bath, qui voit ses valeurs et ses petites habitudes mises à mal par la nouvelle génération. De retour d’une mission en Afghanistan où il affrontait l’Armée Rouge, il rencontre Serge, alias OSS 1001, un jeune et fougueux agent qui pourrait bien lui voler la vedette. Alors que Serge se rend en Afrique de l’Ouest, Hubert Bonisseur de La Bath est assigné au traitement informatique des dossiers de l’agence. Finalement, lorsque Serge disparait, OSS 117 est envoyé en Afrique, pour retrouver son jeune collègue et mater une rébellion qui se projette envers le dirigeant Koudjo Sangawe Bamba, allié du président Giscard D’Estaing.

On prend (presque) les mêmes et on recommence
Tout d’abord, c’est avec plaisir qu’on retrouve à l’écriture le scénariste Jean-François Halin (il avait signé l’histoire et les dialogues des deux précédents, dont Rio ne répond plus avec Michel Hazanavicius). Et même si des retouches ont été opérées par Nicolas Bedos et Jean Dujardin, l’esprit OSS est bien là. Mais c’est dans la manière dont il est porté à l’écran et filtré par la mise en scène de Bedos que des perturbations sont à prévoir pour le héros. En effet, le point de vue du réalisateur sur ses personnages n’est pas toujours très tendre, et si on peut lui reconnaitre un sens évident du sarcasme, on tombe facilement dans le bâchage gratuit. Là où la mise en scène d’Hazanavicius captait sans juger, se contentant d’inscrire les valeurs de son personnage principal dans un âge révolu et en constante opposition avec les mœurs actuelles, Bedos peine à trouver le ton nécessaire au déploiement de ses figures machistes et passéistes. Ce faisant, il tombe parfois dans une complaisance qui pourra dérouter le spectateur peu ou plus habitué.

Faut-il rire de tout, devant tout le monde ?
Nous ne jugerons pas de cette question ici, mais plutôt de la manière dont le film s’efforce de jongler constamment entre les degrés de lecture, sans toutefois parvenir à être clair dans le point de vue qu’il adopte. S’il évite parfois les écueils des comédies françaises grassouillettes (on pense notamment à Les Nouvelles Aventures d’Aladin ou Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu), il semble se vautrer d’autre fois dans un racisme postcolonial assumé et pas toujours de très bon goût. Et c’est durant la première partie du film que c’est le plus prégnant, où les vannes beaufs et racistes jaillissent sans toujours être désamorcées. Car ce qui faisait le sel de cette saga, c’était de voir à quel point l’absurdité des remarques et surtout, les réactions des partenaires de Jean Dujardin face à ses traditionnelles remontrances pouvaient amuser, autant qu’elles invalidaient l’idée d’une vision résolument arriérée. Ici, le héros s’est crispé et il en joue, mais pas toujours pertinemment. Notamment dans les apartés entre des personnages aux propos archaïques qui semblent s’asseoir totalement sur toute notion de bienséance, sans qu’ils soient déviés ou décrédibilisés par la mise en scène. L’humour noir et sarcastique du réalisateur de Monsieur et Madame Adelman n’était visiblement pas le plus approprié pour cet exercice, ou au moins est-il selon nous parfois mal jaugé.

Un montage qui ne va pas à l’essentiel
Si l’on pouvait reconnaître un talent au précédent réalisateur, c’est bien son sens ciselé du montage et la précision de sa mise en scène (voir par exemple Le Grand Détournement). Ici, les coupes sont parfois tardives et on s’attarde sur les situations sans qu’elles aient vraiment d’intérêts ou soient suffisamment drôles pour être longuement exploitées. L’attitude de Jean Dujardin n’est pas toujours mise en valeur par les plans qui s’éternisent et qui semblent vouloir capter la moindre mimique sans qu’il y ait vraiment de matière suffisante à cela. Les vannes ont donc parfois moins d’impact, et dans l’ensemble, le film pâtit d’un manque de concision et d’un rythme général quelque peu hasardeux. Sans réel souci des enjeux du récit, les personnages errent parfois durant de longues séquences et l’histoire prend un certains temps à se mettre en place, peinant à tenir le spectateur en haleine.

Des décas-retrouvailles qui se savourent
Rassurez-vous, si vous êtes un adepte de la série, on peut vous dire qu’il est toujours aussi plaisant de retrouver le personnage d’Hubert Bonisseur de La bath après tout ce temps. Souvent grossier et peu adapté à son temps, Jean Dujardin incarne la figure paternelle qu’on connaît, portant fièrement les valeurs traditionnelles de « la France du Général De Gaulle » dans une Afrique archétypale avec son lot de réserves naturelles et de villes occidentalisées, peuplées de dirigeants corrompus et de chasseurs de trophées peu consciencieux. Les noms de couvertures, les sbires communistes et les animaux « mals fichus » n’auront pas raison de ce bon vieil Hubert, dont le personnage s’étiole quelque peu au cours du récit. Si la peur des pulsions homosexuelles et l’impuissance du héros auprès des femmes montrent une figure patriarcale vieillissante (comme le décrit Bedos, Hubert n’a jamais rencontré autant d’obstacles et d’antagonistes), l’agent OSS 117 parvient toujours à se sortir des pires situations en distribuant taloches et bourres-pifs, et en usant d’un sens inné de la déduction, le tout saupoudré d’une bonne dose de chance.

Un film à voir ?
Comme le trapéziste du deuxième opus, le film semble constamment au bord de la chute, vrillant parfois dans la complaisance de ce qu’il s’efforce pourtant de critiquer. L’exercice de haute voltige entre les différents degrés de lecture et les biais d’interprétation a semble-t-il fait défaut au nouveau réalisateur, qui a su néanmoins apporter quelques éléments rafraichissants à même de surprendre les fans de la première heure. Et si l’on peut voir dans cet opus une baisse de rythme et un manque de concision dans les dialogues, il faut avouer qu’assister au retour d’un héros tel qu’OSS après les bouleversements de valeurs qu’a connu notre société est un coup culotté de la part des scénaristes et de son réalisateur.
Vous reprendrez bien un peu de blanquette ?