Simon Moutaïrou démystifie notre rapport au “vrai” et nous livre une analogie entre le film “Boite noire“, actuellement au cinéma, qu’il a co-scénarisé, et notre relation à l’existence. Il nous plonge, en immersion, dans le processus créatif d’une œuvre à plusieurs vitesses, aborde la co-création comme accélérateur prolifique d’idées et cèle profondément notre amour pour le cinéma. Avec “Boite Noire”, Simon Moutaïrou et ses camarades d’écriture réussissent le pari d’une œuvre contemporaine, plurielle, juste et à l’image de la création : collective.
Du coup, ça donne envie d’être ensemble dans une salle obscure et de se faire une piqûre de rappel (sans mauvais jeu de mots) sur ce qu’est vivre un pur moment de cinéma. Et on en rajoute pas, “Boite Noire” s’inscrit dans la lignée des grands films.
« La création est une catharsis, une affaire de passions. »
Simon Moutaïrou
Un pitch racoleur qui cache une pure merveille de réflexion :
“Mathieu Vasseur”, employé du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’Aviation civile, est chargé d’analyser la boite noire du vol Paris-Dubaï, après son crash dans le massif alpin, à l’aide d’une ouïe sur-développée, il est censé déterminer la cause de l’accident à l’origine de la mort de plus de 300 personnes. Détournement, attentat? erreur de pilotage? La boite noire contient-elle la vérité…?
L’enquête bureaucratique se transforme en une quête de justice et de vérité : l’ancienne version, vous savez celle qui prend forme sous sa définition philosophique “toute vérité est une vérité nécessairement réfutable, c’est-à-dire qu’elle ne peut être tenue pour vraie de façon absolue dans le temps, une chose est vraie jusqu’à temps qu’elle soit démontrée comme fausse, par l’hypothèse, l’expérience…”, (cf. Karl Popper). Un peu has been effectivement, la nouvelle vérité est un peu plus au goût du jour, s’est faite une beauté entre-temps et sort tout juste de l’usine ou elle a été retapée, flamboyante d’exactitude, et préfère le factuel vrai et l’indéniable au doute et à l’hypothèse, thèse et antithèse.
Ce qui donne à voir une ribambelle de vérités désarticulées aux profits du profit, sous tous les angles, photographies et annotations à l’appui. Accompagnée d’une bonne dose de théories fumeuses qui donnent une allure “citoyennocomplotistorique” (novlangue dans le texte, vu qu’on a qu’à dire n’importe quoi) à toute forme de raisonnement. Mais pour faire son film, l’équipe de “Boite noire” a repris l’adage “toute vérité n’est pas bonne à… entendre”, et sous forme de film très incarné, donne à écouter que la fabrication du vrai passe aussi par nos lobes d’oreilles. Et réussit avec brio l’exercice du sensoriel, entre métaphysique est sensible. Le son, élément central du film, donne à l’image une lecture au diapason du film de genre, on est happé par cette enquête dans les profondeurs de notre époque.
« Boite Noire est un thriller à l’heure de la post-vérité, de l’infox et des fake news »
Simon Moutaïrou
Ce serait donc ça, démêler paranoïa et véracité dans un monde où on n’a plus aucune idée de ce qui est vrai? Comme nous le rappelle Simon, l’œuvre est catharsis, donc on vous invite à voir le film (ou même à le revoir). En attendant, on vous propose une immersion dans le processus créatif de “Boite noire”.
À l’origine, la rencontre artistique
Une envie commune émane de la collaboration entre Yann Gozlan, réalisateur et scénariste, Nicolas Bouvet, monteur son et scénariste, et Simon Moutaïrou.
Simon nous confie que l’idée part d’une envie féconde, pour Yann Gozlan, de parler de la «boite noire », sujet méconnu, fascinant, qui nécessitera un travail en amont avec les techniciens du BEA (les vrais, cette fois-ci), documentant l’œuvre, ils vont travailler à leurs côtés, afin de retranscrire l’essence de leur expertise, incarné à l’écran par Pierre Niney, qui livre une performance hors norme en antihéros à l’étroit dans le cadre.
Pour l’auteur, Simon, le spectre de l’information qu’épouse ce que renferme la boite noire va permettre d’aborder une thématique audacieuse :
« Le film avance sur un fil fantasmagorique entre deux réalités : d’un côté celles de manipulations politico-industrielles au nom du profit, dans lesquelles, pour citer Thomas Hobbes “l’homme est un loup pour l’homme”, et de l’autre, celles des réflexes complotistes, qui se réclament d’illustrer le monde uniquement par le prisme caricatural de toutes-puissances tapies dans l’ombre… »
Simon Moutaïrou
Leur collaboration donne naissance au premier (bon) thriller paranoïaque français depuis des lustres, écrit, lors de précédentes versions du scénario, comme un film choral, pour ne restituer in fine, dans la dernière version du scénario, que le point de vue unique de Mathieu Vasseur afin que le spectateur maintienne le rythme d’une course effrénée, à l’unisson avec le personnage principal. Simon décrit le contexte de création comme “un bonheur, sachant laisser leur égo au placard, les coscénaristes produisent des idées fécondes, riches”, et chez Beware! on le confirme, ce film est ouvertement encensé par la Rédaction.
L’analyse du film
Le premier plan place le spectateur dans une enquête dont il ne peut se défaire, caméra subjective et plan-séquence nous plongent dans les entrailles omniscientes de la grosse machine à suspects : l’avion, “scène du crash” ; puis on est plongé à l’intérieur de la petite machine : la boite noire : théâtre de la vérité.
Une esthétique réaliste à la fois rétro et hyperréaliste donne le ton à un film “assumé comme postmoderniste, situé entre le présent des années 2020 et une atmosphère tirée des films des années 1970”. La relation entre Mathieu Vasseur et Noémie Vasseur (interprété par Lou de Laâge, sublime, qui compose un personnage ambiguë) “entretient la froideur de la photographie, qui place le professionnel avant l’intime et ainsi conforte l’être humain dans sa perte de sens. “
Pour un final, qui promet d’être riche en sensations…
Et en ce qui concerne l’après Boite Noire, Simon Moutaïrou évoque le film “Goliath“, qu’il a co-écrit avec le réalisateur Frédéric Tellier et qui sortira en salles le 9 Mars 2022. Ce long-métrage, qui, tout comme Boite Noire, est un film-enquête, qui retrace les destins d’une activiste (Emmanuelle Bercot), d’un lobbyiste (Pierre Niney) et d’un avocat en droit environnemental (Gilles Lellouche), qui vont se croiser à l’occasion d’un scandale agrochimique…
Il y a aussi d’autres projets à venir : si on ne vous en dit pas plus… on suit ça de près!
La Liste non exhaustive des films qui ont inspiré Boite Noire
- Blow Out de Brian de Palma
- Conversation secrète de Francis Ford Coppola
- À cause d’un assassinat d’Alan J. Pakula
- Les trois jours de Condor de Sydney Pollack
- Zodiac de David Fincher
….
Sans oublier l’article de fond spécial sur les “meilleurs Thrillers“.