Pionnière du street art et véritable pointure dans son domaine, Miss.Tic est décédée dimanche 22 mai 2022 à l’âge de 66 ans. Elle aura recouvert les murs de Paris pendant plus de 35 ans de messages et épigrammes provocants mais profondément inspirants. Retour sur la vie d’une artiste qui a égayé nos ballades parisiennes !
Une street artist qui n’était pas pré-disposée à l’art de rue
De son véritable nom Radhia Novat, elle est née le 20 février 1956 à Paris d’un père tunisien et d’une mère française. Elle grandit entre Montmartre et la Cité des aviateurs d’Orly. Elle est victime en 1966 d’un grave accident de la route à la suite duquel elle perd l’usage de sa main gauche qui est atrophiée. Cet accident, véritable traumatisme physique, sera aussi un traumatisme psychologique car elle y perd sa mère, son frère et sa grand-mère.
Amoureuse de la langue française et plus particulièrement de poésie, Miss.Tic s’essaie au cours de sa jeunesse à l’écriture en tant que passe-temps. Elle se dirige vers des études d’arts appliqués puis s’exile en Californie dans les années 1980. Partagée entre sa passion pour l’écriture/littérature et son goût pour l’art, elle décide petit à petit de combiner les deux et de s’aventurer dans le monde de l’art urbain, plus communément appelé street art.
Dès 1985, elle se lance en tant que street artist – fortement inspirée par les artistes qu’elle côtoie à Paris et impulsée par une rupture amoureuse particulièrement douloureuse. Pendant plus de 35 ans, Miss.Tic aura donné vie aux murs des Paris et se sera fait un nom dans ce milieu très fermé. Chaque mur, chaque espace, chaque devanture est un support potentiel qui lui permet de graver son nom dans la capitale. Elle avait la volonté de s’affirmer contre les personnes qui disaient qu’une femme jeune et jolie ne pouvait rien avoir à dire. Elle réfutait l’image et le concept de la femme asservie qui n’était présente que pour faire figuration.
J’enfile l’art mur pour bombarder des mots cœurs.
Miss.Tic
Elle sera cependant arrêtée et poursuivie en 1997 pour “détérioration de bien public”. Après deux longues années de procès, Miss.Tic décide de ne plus réaliser d’œuvres sur des murs publics sans en demander l’autorisation aux services municipaux ou directement auprès des habitants et des commerçants. Une fois sa notoriété acquise, Miss.Tic subit même des vols de ses œuvres qui deviennent recherchées des amateurs d’art.
La rue comme miroir de la société
Son pseudonyme “Miss.Tic” provient directement de la bande-dessinée du Journal de Mickey et du personnage de la sorcière railleuse Miss Tick. Une fois ce pseudonyme emprunté, elle fait ses débuts à l’aide de pochoirs et de bombes aérosols et commence à travailler sur ses autoportraits. Elle s’est tournée vers la technique du pochoir car cela lui permettait de réaliser ses œuvres rapidement et de manière répétée.
Ses graffitis sont faits de noirs et blancs avec de légères touches de peinture rouge qui attirent l’œil. Elle couronne le tout avec des slogans et des messages aussi poétiques qu’engagés qui amènent à l’admiration de ses fans. Miss.Tic sait aussi bien manier l’art de rue que les subtilités de la langue française.
Je trouve que déjà le simple fait d’être artiste est une façon d’être au monde.
Miss.Tic
Néanmoins, elle se lasse petit à petit de sa propre image et cherche de l’inspiration chez les femmes de manière générale. Des femmes aux courbes sensuelles – même sexy et au regard aguicheur et profond commencent à fleurirent sur les murs de Paris. De Ménilmontant au Marais en passant par les Buttes-aux-cailles, Miss.Tic fait de Paris son air de jeux.
Ses réalisations murales transpirent l’amour et la séduction. Elle s’inspire de son vécu, de ses déceptions mais aussi de ses réussites amoureuses pour peindre et dépeindre l’Amour avec un grand A.
“Je suis anarchiste, hédoniste, activiste, mais surtout artiste !”
Miss.Tic à propos de son art
Miss.Tic, une artiste reconnue et admirée
Ses débuts se sont avérés légèrement compliqués car elle a dû faire face aux autorités publiques qui étaient très réticentes vis-à-vis de cette forme d’art de rue. De plus, elle n’a pu véritablement vivre de son art qu’à partir des années 2000, lorsqu’elle signe des contrats privés ou des commandes publiques.
Sa première exposition remonte à 1989 avec le Fonds d’art contemporain de la ville de Paris. En 2005, elle expose à Londres au Victoria and Albert Musem puis en 2009 c’est dans le Musée Ingres Bourdelle (Montauban) qu’elle s’établit. En 2013, elle a l’opportunité d’exposer au Mucem de Marseille. Mais c’est en 2007 que se présente une grande occasion pour elle avec la réalisation de l’affiche d’un des films de Claude Chabrol, La fille coupée en deux.
Enfin, son dernier corpus d’œuvres venait tout juste de prendre place à la foire Urban Art Fair au Carreau du Temple (Paris). Ce dernier travail était en duo avec un autre pionnier de l’art urbain, Ernest Pignon-Ernest.
Si vous souhaitez admirer le travail de Miss.Tic à qui le street art doit beaucoup, n’hésitez pas à parcourir son compte Instagram.
Depuis l’annonce de son décès par sa famille, une pluie d’hommages déferle sur les réseaux sociaux et dans les journaux. La ministre de la culture, fraîchement nommée, Rima Abdul-Malak a déclaré sur Twitter : “Miss.Tic nous a quittés. Nous perdons une grande artiste. Ses pochoirs devenus iconiques, résolument féministes, continueront longtemps à poétiser nos rues”.
Dans le monde de l’art, Christian Guemy, alias C215, a écrit : “Elle était l’une des fondatrices de l’art du pochoir, qui a peint dans les rues de Paris sans discontinuer. Les murs du 13ème ne seront plus jamais les mêmes”.
Le maire du 13ème arrondissement a déclaré qu’une rue sera renommée à son nom – arrondissement qui lui était cher et dans lequel se trouvait son atelier.
Artiste à la plume et à la main talentueuses, Miss.Tic n’en était pas moins une femme au grand cœur qui a su réchauffer les murs de Paris.
A la vie, à l’amor !
Miss.Tic
1 commentaire
Josh
Nous venons de Perdre une Grande Artiste ! Sa Poésie et ses Pochoirs engagés nous ont tous Inspirés. It’s a very bad R.I.P….