« Je préfère penser que les gens partent traquer des œuvres d’art le week-end plutôt que d’aller faire du shopping comme c’était le cas quand j’étais petit. Ces loisirs sont moins consuméristes, c’est une évolution de société. » Né en 1973 à Bondy, Christian Guémy grandit chez ses grands-parents après la mort de sa mère à ses 6 ans. Il va passer sa jeunesse en province et va développer un amour du quartier. Après un cursus universitaire où il va étudier l’histoire de l’art, économie et les langues, Christian devient historien pour les compagnons du devoir, avant d’enchainer les petits boulots.

Un street artiste à la culture humaniste
Passionné par la renaissance, Christian Guémy va se servir de son expérience pour se forger un recul nécessaire pour pouvoir proposer un art sans élitisme. Anéanti par sa rupture avec son ex-femme en 2006, Christian va renouer avec l’art pour exprimer son chagrin. Il peint des portraits de son ex-femme et de sa fille dans leurs quartiers pour faire comprendre qu’il pense toujours à elle. Petit à petit, les oeuvres vont devenir de plus en plus régulière et les portraits de personnes brisées vont laisser place à des regards lumineux : C215 est né.

Il réussit à vivre de son art en répondant à différentes commandes pour des galeries. En 2014 il est contacté par Ubisoft pour Far Cry 4 dans lequel il compose 20 illustrations qui ornent les murs virtuels du jeu. Mais il préfère pour autant travailler dans la rue et sans autorisation, pour lui tagger est synonyme de : passer et laisser une trace. Grâce à toutes ses traces laissées C215 a élevé Vitry-sur-Seine au rang de capitale du street-art ; de nombreux touristes font le détour pour voir les plus beaux graffitis. Sa peinture s’est déposée un peu partout, on peut en retrouver dans des grandes villes comme New Delhi, Londres, Barcelone Istanbul, Rome etc…


Des tags vivants

Les tags de C215 sont ceux d’un homme plein de compassion, il aime particulièrement représenter l’enfance, les gens démunis, l’amour ou encore les animaux. Ses personnages comme des mendiantes, des réfugiés ou sa fille Nina sont la preuve de son hypersensibilité face au monde. Il alterne entre pochoirs monochromes et explosion de couleurs.



L’artiste s’est attaché à faire des portraits sensationnels, les personnages existent sur les murs tant ils sont vibrants d’émotions. Comme avec son œuvre dans le 13ème arrondissement de Paris où l’on voit un enfant de favela. Les yeux, soulignés par des figures arabesques psychédéliques sont très expressifs.

Cette force dans sa sensibilité, il la puise des anciens maîtres de l’art. Lors de ses études, il a été conquis par les peintres de la Renaissance, du Caravage à Boticcelli, il s’est fait une culture humaniste profonde que l’on ressent dans ses tags. Ce choix classique, au dépit de l’art abstrait, il l’explique par la puissance qu’ont les œuvres figuratives à nous transmettre un message fort et direct. Pourtant, lorsque l’on admire ses peintures murales, on ne peut qu’être frappé par la ressemblance avec l’art impressionniste notamment l’explosion de couleur qui est porteuse d’émotion.


La rue et l’art unis
La rue est pour lui un outil poétique, elle lui permet de l’inspirer aisément afin de faire émerger sa créativité. Comme beaucoup de street-artist, il aime l’essence éphémère du street-art. Il voit le tag comme un tatouage : un souvenir, une marque que l’on laisse sans forcément y apporter une signification, juste pour l’esthétisme. Il choisit d’ailleurs des murs délabrés pour déposer ses œuvres, ses graffitis hauts en couleur apportent une seconde vie aux bâtiments et habillent les villes. Pour lui, l’important est que sa peinture interagie avec le milieu et son contexte. C’est dans cette optique qu’il peint un graffiti de Christiane Taubira en 2013 alors ministre de la Justice et atteinte par des attaques racistes. Le street-art est sa manière de prendre la parole dans la rue.

Avec le street-art C215 fait résonner sa voix et s’engage pour des causes qui lui sont chers, l’essence même de son art est de fédérer. Issu d’une famille de classe moyenne, l’artiste déplore son manque d’éducation culturelle dans son enfance. Ce vide lui permet de comprendre le sentiment de certains jeunes face à cette injustice sociale et il tente d’apporter la culture à la rue. En 2018, il a l’occasion de travailler 28 graffitis des personnes qui reposent au Panthéon. Pendant quelques semaines les têtes colorées de Marie Curie, Emile Zola, Victor Hugo, Alexandre Dumas etc… étaient visibles.





C215 redéfinit l’art comme une vision de transmission, d’enseignement et de sensibilisation, cet exercice lui donne l’opportunité d’exprimer sa sensibilité et de partager avec l’autre. Dans son désir d’amener l’art aux plus marginalisés, il se rend fréquemment dans des prisons pour animer des ateliers artistiques et graff des figures emblématiques.



Découvrez d’autres œuvres de C215 sur son site et retrouvez plus d’articles dans notre rubrique Street Art.
Ps a voir aussi notre interview de C215.





