Nemo’s, artiste de rue italien, décrit une société moderne et ses habitants dans un art qui gêne, choque parfois, mais qui pousse l’observateur à réfléchir sur sa condition et le monde qui l’entoure.
Nemo’s, le non-artiste
Ne trouvant que le dessin pour s’exprimer, Nemo’s dessine dès l’enfance. En 2002, il commence à peindre des murs dans des espaces ou des usines abandonnés, dévoilant un art presque répulsif qui décrit la société contemporaine et ses travers en traitant l’humain comme un animal social.
Sa plus grande inspiration, c’est la vie, les gens et leur façon de faire qu’il observe avec attention pour mieux les dénoncer dans ses fresques massives.
Néanmoins, si Nemo’s est considéré comme l’un des artistes italiens les plus originaux et les plus intéressants de ces dernières années, il réfute cette étiquette. Selon lui, les artistes sont aujourd’hui considérés comme des héros, ce qu’il ne veut pas être. Le nommer « artiste » imposerait, pour lui, une sorte de démarcation entre sa personne et le public.
Voilà donc la signification de son nom de scène « Nemo ». En latin, cela signifie « personne ». Pour signifier la possession en anglais, on ajoute un -s. C’est chose faite, « Nemo » est brillamment complété par un S final. Ses œuvres ne lui appartiennent pas, elles appartiennent au monde, aux rues.
À la base de ce nom de scène, il y a aussi l’idée que n’importe qui pourrait être l’exécuteur matériel de l’œuvre. Le trait de son design est essentiel et stylisé. Tous les éléments superflus ou susceptibles de distraire le spectateur sont éliminés, ainsi les couleurs sont réduites au minimum.
Son but, ce n’est pas d’être un artiste, mais de transmettre son message et de mettre en œuvre une interaction urbaine en impliquant la réalité sociale du lieu et en poussant les observateurs à des réflexions personnelles.
Nemo’s, un œuvre en constante évolution
Le travail de Nemo’s évolue nécessairement en même temps que de nouvelles questions sociales apparaissent pendant que d’autres, disparaissent, parfois. En conséquence, son œuvre, comme tout dessin de rue en réalité, crée une dynamique émotionnelle qui donne vie à un processus.
La seule constante de Nemo’s, c’est la recherche du laid. « Laid pour les canons sociaux contemporains. J’essaie de me rapprocher de plus en plus d’une instinctivité qui m’éloigne des paramètres quotidiens de l’esthétique et de la morale qui habitent ces temps, je ne raisonne pas par idéologie ou parti pris, mais je crois que dans un monde où les images font de nous des boulimiques chroniques de la communication jetable alors il est plus que juste pour moi de réfléchir et de proposer des points de vue alternatifs » explique-t-il dans une interview au Prima Bergano, en 2015 .
Une autre évolution qui apparaît dans l’œuvre de Nemo’s, c’est aussi, et nécessairement, la détérioration de ses peintures. Qu’il s’agisse du temps qui passe, du soleil, de la pluie, des curieux qui touchent du bout des doigts les œuvres, ces facteurs contribuent à dégrader une fresque. C’est le propre de l’art de la rue, éphémère. Et quitte à voir ses œuvres altérées par le temps, Nemo’s a fait en sorte qu’elles vieillissent comme il l’entend dans son projet Before and After.
Tirant profit de la dégradation naturelle dans ce projet, Nemo’s dénonce la dépendance aux nouvelles technologies, l’esclavagisme moderne et les abus en tous genres, bien décidé à faire comprendre dans son art évolutif que l’humanité court à sa perte. Le résultat est bluffant grâce à une technique plus qu’ingénieuse : après avoir peint le squelette de ses personnages, Nemo’s la recouvre de colle et la dissimule sous du papier journal. Une peau de journal qui s’érode avec le temps, révélant les entrailles de ses créations.
Nemo’s, représentant de la décadence humaine et de la société
Dans son oeuvre, Nemo’s médite sur la condition humaine et ses contradictions sociales. Ses personnages « inhumains » sont fortement communicatifs d’une décadence de l’être humain et des contradictions de la société.
Des corps laids, roses, flasques, sans poils dont les visages sont ridés et les yeux encastrés et hallucinatoires sont la marque de Nemo’s. Dans ce processus de nudité complète, sans censure de l’être humain, Nemo’s tente de pousser à son paroxysme l’humiliation qu’il veut donner à ses figures.
L’artiste fait une sorte d’autoportrait qui décrit sa vision de la société et ses humeurs. La peau ridée, la souffrance, les yeux marqués, sont le miroir de la tristesse et du malaise de l’Homme moderne à travers lequel le spectateur peut se refléter et réfléchir.
Profitant que ses oeuvres soient à la vue de tous, telle une gigantesque exposition, Nemo’s s’en sert pour dénoncer l’Homme et les dommages qu’il cause à l’environnement.
Ainsi, par exemple, une fresque intitulée Edifeci, fabriquée à Milan en 2010, défend la verdure et l’environnement en représentant son humanoïde déformé qui mange les arbres pour produire du ciment. Il dénonce l’indifférence de l’Homme dans la déforestation et son ignorance quant aux risques que cela peut entraîner face à ce renoncement à la verdure.
Au côté d’un autre artiste de rue dont nous avons déjà parlé, Nicola Alessandrini, les deux artistes se sont associés dans une énorme peinture murale réalisée à côté d’une zone naturelle blessée par un incendie. Les artistes dénoncent alors la négligence humaine qui détruit les paysages en représentant un nid dont le haut est brûlé tandis que des oiseaux s’agitent, semblent entrer et sortir de ce nid, comme s’ils étaient paniqués d’avoir perdus leur maison.
Nemo’s en profite également pour dénoncer les travers sociaux de la société. Ainsi, à Messine, il s’est attaqué à la perception italienne de l’immigration. Alors qu’il se demandait comment la société traiterait les corps des immigrés, il les a imaginés pendus comme des rideaux humides à suspendre. Le seul problème dans cette disparition n’est pas leur mort, mais qu’ils soient mouillés et qu’ils doivent être séchés.
Dans son art, Nemo’s n’a qu’un seul but : faire réfléchir les passants sur eux-mêmes, sur les dommages qu’ils causent et sur la condition sociale du monde qui nous entoure.
1 commentaire
prades
Edifeci ou cagecemento? Il a fait 2 fresques sur ce thème