Javier Deriba investit les espaces publics avec des créations colorées et géométriques. Street artiste confirmé, il tapisse les sols et les murs de ses créations graphiques, et transforme grâce à l’art, la perception que nous avons de notre environnement urbain comme rural.
Particulièrement adepte du motif carrelé, il en exploite toutes les possibilités en changeant de couleur, de formes, d’endroit : ses œuvres ont toutes une histoire particulière. Amada par exemple est une création qu’il réalise en hommage à sa mère. Il crée aussi des œuvres plus figuratives et critiques vis-à-vis du gouvernement espagnol et de la couronne notamment, Javier Deriba soutenant ouvertement le mouvement indépendantiste catalan.
L’artiste
Né en Catalogne (Espagne) en 1985, Javier Deriba est actuellement basé à Barcelone où il partage un studio avec le collectif Reskate, anciennement Reskateboarding. Il crée ce collectif avec sa partenaire artistique Minuskulo, de son vrai prénom María López (née en 1980) en 2014. Leur projet initial est de redonner une seconde vie à des skateboards abandonnés, puis ils se tournent avec Reskate vers la peinture murale. Javier Deriba crée donc sur des supports multiples ; sols, murs, planches de skate… ou encore tapis.
Ses œuvres ornent les rues d’Espagne, de Portugal, d’Autriche mais aussi celles de Chine, notamment avec deux créations qu’il réalise dans des parkings pour indiquer les zones piétonnes. Il choisit pour l’une d’elles la couleur rouge en raison de sa connotation positive dans ce pays. Cela témoigne de l’importance que représente pour lui le fait d’intégrer son travail dans la vie locale et culturelle des endroits où il crée, et de les ancrer réellement dans leur contexte. De courtes explications accompagnant les œuvres sont disponibles sur ses posts Instagram.
Ses créations
Des œuvres politiques
Il peut aussi créer hors les murs, et basculer dans le land art. C’est ce dont témoigne son œuvre dans la neige près du Canal Roya, où il sculpte dans le paysage lui-même une création unique et éphémère en relief grâce à une sorte de pochoir. Cette création s’inscrit dans un combat politique porté par le hashtag #SalvemosCanalRoya. Comme l’artiste le déclare, il rejoint ce mouvement de lutte contre l’installation d’un téléphérique reliant des stations de ski au détriment d’une zone naturelle encore intacte, le Canal Roya. Il critique ce projet anti-écologique, aux antipodes des actions que devrait avoir le gouvernement dans notre contexte de changement climatique.
Son œuvre s’ancre donc dans une réflexion esthétique profondément politique. Cette conscience politique du fait que l’art peut jouer un rôle dans l’évolution de nos sociétés et la perception de l’espace se constate également dans sa série Floors, qui est consacrée en partie à des créations dans des endroits abandonnés, auquel il donne une seconde vie. Comme il le dit lui-même, « oublier est un choix » : il ne tient donc qu’à nous de garder en mémoire ces endroits qui ont compté.
Cela permet de donner une seconde vie à ces lieux, comme il le faisait déjà avec les skateboards il y a quelques années : ce souci de la récupération d’objets utilisés il y a longtemps refait surface avec cette fois-ci des bâtiments entiers. Cela fait tendre ces œuvres vers l’urbex, domaine dans lequel se spécialise également l’artiste Ilan Benattar, lui aussi mû par la volonté de changer notre regard sur ces lieux grâce à l’art.
D’autres de ses œuvres sont ouvertement militantes, comme Autocensura, où il utilise la figuration avec un personnage qui s’enchaîne lui-même. Ce genre de dessin rappelle ceux qu’il publie sur son autre compte Instagram @wordwars, plus figuratifs.
Un processus artistique réfléchi
Ses créations témoignent donc d’une variété de matériaux ou de technique utilisés. Tout comme son associée María López, Javier Deriba est en effet convaincu de l’importance de ces choix qui doivent être spécifiques à chaque œuvre. Il les considère comme porteurs de sens, et devant participer de sa réflexion conceptuelle et artistique pour que l’œuvre soit réussie, rien n’est laissé au hasard.
Javier Deriba fait parfois appel à des participant∙es pour l’aider à peindre et à métamorphoser les rues. Ces interventions extérieures font partie intégrante du processus de création, et ne sont pas dénuées d’importance conceptuelle non plus. En effet, Javier Deriba prolonge le concept d’espace public à celui d’œuvre publique participative, où les passant∙es et habitant∙es des quartiers deviennent les artistes.