Ilan Benattar urbex

Ilan Benattar, à la recherche d’architectures abandonnées

Image d'avatar de Lucie SolLucie Sol - Le 24 mai 2023

Fasciné par la nature qui reprend ses droits sur les constructions humaines, Ilan Benattar est un photographe spécialisé dans l’urbex et dans l’architecture industrielle. En explorant de pareils endroits où nature et culture se mêlent à la faveur d’un enchevêtrement de matières diverses, végétales, minérales ou plus artificielles, il montre la beauté de ces paysages « désolés » si mal nommés, qu’il qualifie de « sublimes ».

photo d'Ilan Benattar
© Ilan Benattar

Son sujet de prédilection est celui de la symbiose entre nature et architecture, végétaux et matériaux humains, dans la confrontation desquels il trouve une grande richesse spirituelle et artistique, comme peuvent en témoigner les œuvres qu’il publie sur son site.

photo de la galerie-studio de l'artiste et de sa femme
© Ilan Benattar, leur studio à lui et à sa femme Céline Benattar

L’activité de l’artiste

Photographe et galeriste reconnu, Ilan Benattar travaille aujourd’hui à Hossegor où il a ouvert en 2022 une galerie d’art consacrée à la photographie contemporaine, qu’il partage avec sa femme Céline Benattar pour son studio, elle aussi étant photographe. Il y expose ses œuvres et y invite d’autres artistes. En 2022, l’International Photography Awards lui décerne le prix de « Mention Honorable » pour son œuvre Cooling Tower, après que trois de ses œuvres aient été nominées.

photo Cooling Tower avec de la lumière au-dessus qui semble rentrer dans la tour et éclairer le sol
Cooling Tower

Photographier le « destin du sublime »

Les lieux qu’il nous fait arpenter avec lui grâce à son objectif interrogent le temps qui passe, par la forte portée temporelle qui est la leur. En effet, ils font signe à la fois vers un passé irrémédiablement révolu, vers un présent qui n’est que transitoire, et vers un futur qui consiste en la disparition définitive des constructions au profit de l’expansion de la nature qui peut enfin renaître.

ruisseau sous des arches, mousse
photographie issue de sa série “Mother Nature”

Par ses photographies, Ilan Benattar attire donc notre attention sur l’éphémérité constitutive de nos édifices, mais aussi par métonymie de l’humanité elle-même, vouée à disparaître comme ses productions. A ce titre, ses œuvres jouent donc un rôle sociétal, mettant d’une part en lumière un patrimoine oublié, et témoignant d’autre part du fait que « rien n’est immuable », selon les mots de l’artiste lui-même – et que tout sera vestige, un jour ou l’autre.

mur avec une tapisserie ancienne et une longue fissure qui le traverse

La nostalgie et la tristesse ne sont pas des sentiments étrangers à qui regarde ses photographies en plus de l’émotion créée par le sublime, et Ilan Benattar explique vouloir les susciter pour faire prendre conscience à l’observateur∙ice du sort que connaissent ces lieux prestigieux désormais abandonnés de tous. Cependant, l’abandon va ici de pair avec la beauté : celle donnée par le tableau de l’invasion végétale de ces lieux et de leur ruine, mais aussi celle du souvenir de la gloire passée de ces espaces, qu’une telle vision rappelle.

peinture du mur qui se décolle, chaises rouillées

L’urbex

Depuis quelques années, l’urbex se place comme un phénomènes des plus forts et des plus attrayants. Et, forcément, qui dit tendance dit de nombreuses personnes qui veulent rentrer dans cet univers. Seulement, il est primordial de se souvenir des pionniers. De ceux qui n’ont jamais cessé d’explorer des lieux abandonnés et ce même à une époque où l’exploration urbaine était vue comme quelque chose de néfaste. Car quand beaucoup ne recherchent que le frisson, ces véritables passionnés, eux, sont à la recherche d’autres choses : d’histoires, d’art et de mondes déchus. Ainsi, ils établissent un lien privilégié avec ces lieux. Un profond respect s’installe donc dans le cœur des explorateurs envers ces structures abandonnées par l’Homme. 

photo d'une église abandonnée prise par le photographe Ilan Benattar

Ilan Benattar fait partie de ceux-là. Originaire de Pau, ce photographe a commencé dès son plus jeune âge. Il prenait sans cesse des photos du monde qui l’entourait avec des appareils jetables et quand le numérique est arrivé ce fut une révélation. Il devait, à tout prix, partager sa passion. Depuis, il traverse l’Europe en quête de lieux uniques. Autodidacte, Benattar considère ses photos comme une seconde chance. « Mes photos donnent vie à des lieux morts… » philosophe-t-il lors d’une interview accordée à Univers-cités. Passionné par l’architecture, il est en constante recherche de ces capsules temporelles piégées dans un espace de solitude. La géométrie, l’échelle, la symétrie, Benattar étudie chaque lieu dans le moindre de ses recoins. Cela lui permet, certes, d’obtenir le meilleur cliché possible mais surtout ces recherches sont un formidable point d’entrée vers des temps révolus, cachés dans l’ombre depuis des années, voire des siècles. 

photo d'une piscine vide et abandonnée en intérieur, les murs sont délabrés
photo de ce qui semble être l'intérieur d'un avion abandonné, rouille, délabrement
photographie issue de sa série “Garage”

Chaque excursion est le fruit d’une longue réflexion. Benattar fait sa préparation longtemps en amont et effectue énormément de recherches. En effet, la position des lieux n’étant jamais révélée, les trouver et ensuite y rentrer représente toujours une manœuvre périlleuse. « Les lieux parlent d’eux-mêmes. Ils ont une histoire, ils ont une vocation : cinéma, théâtre, hôpital. Leur deuxième vie est l’abandon. On essaye de montrer une atmosphère par la technique photographique, mais on ressent aussi une force par les objets présents, comme le fauteuil roulant d’un hôpital abandonné. » Preuve d’un respect immense pour ces tombeaux, Benattar ne retouche presque jamais ses photos. Il préfère montrer le lieu dans l’état où il l’a trouvé. Pourquoi rajouter une mise en scène quand la seule chose à faire, c’est se poser quelques instants et juste écouter ce que lieu a à nous raconter ? 

chemin de fer envahi par la végétation
avion écrasé dans une forêt, abandonné
tour
serre abandonnée à la végétation
salle délabrée avec un piano
autre salle délabrée avec un piano

Vous pouvez retrouver son travail sur son site. Si vous voulez encore plus d’urbex, découvrez “Baïkonour”, un livre incroyable qui retrace en images l’expédition dans le célèbre cosmodrome russe, dont une partie fut abandonnée suite à l’explosion de L’Union Soviétique.

édifice qui s'enfonce dans le sable, brume, mer
édifice en ruines qui s'enfonce dans la brume sur une plage

Article initial par Tom Demars

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Lucie Sol
Article écrit par :
Etudiante en Lettres Modernes à l'ENS de Lyon, je suis passionnée par l'art, la culture, la littérature et leur partage. J'aime particulièrement les œuvres qui interrogent des problématiques actuelles majeures comme le féminisme et l'écologie, ou qui questionnent les liens entre images et mots. Je vous souhaite une bonne lecture !

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