Baikonour urbex

Baïkonour ou les ruines de la conquête spatiale russe

Image d'avatar de Anna VrinatAnna Vrinat - Le 12 décembre 2019

Dernier livre en date du photographe Jonk, “Baïkonour” retrace en image l’expédition dans le célèbre cosmodrome russe, dont une partie fût abandonnée suite à l’explosion de L’Union Soviétique. Un reportage qui ravira les amateurs d’urbex et d’Espace.

Baïkonour, Immense fusée à l'horizontal dans un hangar

Baïkonour, une histoire russe

Impossible de parler de l’exploration de Jonk sur le de Baïkonour sans rappel historique des faits pour étayer ces photographies hors du commun. Baïkonour, anciennement Leninsk, est un site de lancement d’engins (cosmodrome) choisi dans les années 1950 par l’URSS dans le contexte ambigu de la Guerre Froide. Bien que située au Kazakhstan, la base est sous administration Russe jusqu’en 2050.

La conquête de l’espace fut pour les États-Unis et l’URSS un moyen de propagande extrêmement efficace et un enjeu majeur dans la domination de l’occident. Le programme spatial soviétique a commencé au début des années 1920, une époque où le régime communiste cherchait à s’imposer comme étant Le modèle de société par excellence rimant avec progrès technologique.

Baïkonour, Deux fusées horizontales l'une derrière l'autre dans un immense hangar.

Après la deuxième guerre mondiale, Staline comprit l’importance idéologique et militaire que pouvait prendre l’aéronautique spatiale. En effet, si une navette pouvait transporter des hommes, aller se placer en orbite autour de la Terre, et même se poser sur la lune, elle pouvait aussi transporter une charge (nucléaire).

L’URSS prendra la tête de cette bataille quand, le 4 octobre 1957, elle envoya Spoutnik en orbite, premier satellite de conception humaine, qui permit au régime d’acquérir« une aura extraordinaire, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur », explique Isabelle Sourbes-Verger, chercheuse au Centre national de recherche scientifique Français, spécialiste de la politique et de l’occupation de l’espace. 

S’ensuivirent de nombreuses autres réalisations pionnières pour l’Union soviétique, notamment : la première créature vivante à être mise en orbite autour de la Terre (le chien Laika, 3 novembre 1957); la première sonde lunaire (Luna, 1-4 janvier 1959); le premier homme à effectuer un vol spatial (Yuri Gagarine, 12 avril 1961); la première femme à effectuer un vol spatial (Valentina Tereshkova, 16 juin 1963); le premier homme à exercer une activité extravéhiculaire (Alexei Leonov, 18 mars 1965); et le premier atterrissage réussi sur la Lune (Luna 9, 3 février 1966).

L’Amérique gagne la course à la Lune en 1969 avec Appolo 11, mais la conquête de l’espace ne connaît pas de limites et la guerre n’est pas finie. La NASA lance son programme de navette spatiale en 1972, et l’URSS lui emboite le pas avec le programme Buran en 1980.

Le seul vol du programme Buran est parti du site de Baïkonour. le 15 novembre 1988, le premier modèle de navette opérationnelle, l’Orbiter K-1 Buran, a été lancé à l’aide d’une fusée Energia. Depuis Baikonour est un des plus vieux site et le plus actif du monde dans le domaine du lancement de navette spatiale.

Après la dissolution de l’Union soviétique en 1991, la nouvelle Russie n’a plus les moyens de financer son ambitieux programme spatial et de nombreux projets ont été abandonnés. Après avoir été mis en attente la même année, le programme Buran a été officiellement clos le 30 juin 1993 par Boris Eltsin.

Si de nos jours, une partie du cosmodrome est à l’abandon, l’autre continue à envoyer des fusées notamment celles du programme Soyouz

Baïkonour, Dessous d'une fusée dans un hangar immense.

Baïkonour, l’expédition

Tout commence par un vol de Budapest vers Astana puis un autre vol intérieur d’Astana ver Kyzylorda. Jonk et ses compagnons de voyage ont ensuite pris le bus à destination de Toretam, l’occasion de découvrir par les fenêtre une sous-station de Baïkonour. À Toretam, la mission la plus délicate fut de trouver quelqu’un capable de les déposer illégalement à l’intérieur du cosmodrome de Baïkonour, sur place, ils rencontrent également deux locaux qui les amenèrent au milieu du Cosmodrome. Couvrant près de 7 000 kilomètres carrés, la zone de BaÏkonour est immense, ce qui, heureusement pour eux, rend une sécurisation complète et correcte quasiment impossible. Il existe de nombreuses pistes qui quittent la route principale “publique” et mènent au territoire du cosmodrome.

Trouver un “chauffeur”, n’a pas été facile. Les risques et conséquences sont en effet important pour les locaux s’ils sont arrêtés dans la zone de sécurité. (On reste sur un territoire contrôlé par la Russie, ne l’oublions pas.)

Une fois le chauffeur trouvé, il restait alors l’achat de nourriture et d’eau pour pouvoir tourner 3 jours sur place. Une fois les préparatifs terminés, la camionnette s’approche puis rentre sur le territoire du cosmodrome, tout en évitant les nombreuses patrouilles militaires quadrillant la zone.

L’exploration était lancée.

Plusieurs sites ont retenu leur attention :

– Site 110 : Un site de lancement pour les navettes.

– Site 112 : Le site pour attacher le lanceur Energia à la navette. Après l’abandon du programme, l’Orbiter K1 Buran a été stocké ici aux côtés du premier modèle de l’Orbiter K2-Ptichka, à environ 80 pourcents complet. Le 12 mai 2002, un manque d’entretien, combiné au poids des pluies torrentielles qui étaient tombées sur la structure, a provoqué l’effondrement du toit du bâtiment 112, détruisant l’Orbiter K1 Buran, le seul modèle à avoir été opérationnel. Huit employés ont été tués sur le site. À la suite de cet accident, l’Orbiter K2-Ptichka a été déplacé vers un bâtiment adjacent dans la zone, le site 112a, aux côtés d’un modèle d’Orbiter OK-4M.

– Site 112a : C’est là que le carburant a été fourni à la navette — la dernière étape avant que la navette ne soit transportée au site de lancement.

– L’installation d’essais dynamiques D’Energia : situé à quelques centaines de mètres du site 112a, ce bâtiment a été l’endroit où des essais de chocs et de vibrations sur la fusée Energia ont été effectués. Aujourd’hui, il contient un modèle grandeur nature du lanceur Energia.

L’équipe de Jonk a passé 48 heures dans le cosmodrome pendant une période de lancement de navette sans se faire prendre. Le trek de retour fût difficile et périlleux, mais sans encombre. Et, ponctualité kazakhe oblige, le chauffeur était au point de rendez-vous à 8 h pile le jour du retour à Toretam.

L’expédition était finie.

Baïkonour, Focus sur un sas en hauteur ressemblant à un wagon de train à l'intérieur du hangar.
Baïkonour, Une fusée à l'horizontale dans un immense hangar.
Baïkonour, Focus sur la paroi d'u hangar composé de plusieurs éléments architecturaux industriels.
Baïkonour, Une fusée à la verticale dans un hangar.
Baïkonour, Une fusée à la verticale dans un hangar. Focus sur le ventre de la fusée.
Baïkonour, Gros plan sur les réacteurs d'une fusée dans un hangar.
Baïkonour, Une fusée à la verticale vue d'en bas.
Baïkonour, Des documents du cosmodrome dans la terre.
Baïkonour, Gros plan sur un tableau de bord rempli de boutons.
Baïkonour, Mur décrépi d'un des hangars visités lors de l'expédition.

Des photographies de Jonk à Baïkonour émane un sentiment de solitude, de passé évanoui et de décrépitude. Il en ressort aussi une splendeur passée, un élan réel vers le progrès, même si aujourd’hui il peut paraitre un peu suranné. Impossible de rester de marbre devant ces témoignages émouvant de la conquête spatiale qui a fait rêver tout l’occident pendant près d’un demi siècle.

L’aventure de Jonk est d’autant plus marquante quand on prend la mesure des risques encourus par la fine équipe de l’expédition de Baïkonour. Les autorités, le froid, le danger impossible à mesurer de se faire arrêter et conduire en prison, rien n’a arrêté le photographe dont la curiosité sans limite est vectrice de créativité. Il est agréable de constater que l’exploration urbaine ne prend jamais le pas sur la qualité et la recherche esthétique des photographies de Jonk.

Quelques mots sur Jonk le photographe derrière cette série

Baïkonour, Première de couverture du livre Baïkanour, vestiges du programme spatial soviétique aux éditions Jonglez
Première de couverture de l’ouvrage “Baïkonour”, écrit par Jonk aux éditions Jonglez

Photographe de référence dans le domaine de l’exploration urbaine et de la photographie, Jonk est un artiste qui porte un regard particulier sur le graffiti, la visite de sites désolés et la question de la nature dans ces paysages.

Résidant à Paris, il a découvert l’urbex à la fin des années 2000 avec la toiturophilie, les métros et les catacombes non-officielles. En mars 2018, il sort le livre Naturalia sur le sujet et travaille actuellement sur le volume II.

Depuis, trois autres livres dont Baïkonour sont parus et le travail de Jonk a été publié sur de prestigieux supports papiers (Der Spiegel, Corriere della Sera, Le Monde, Télérama…) ou internet (National Geographic, New York Post, Smithsonian, ArchDaily, AD, BBC, Lonely Planet, Beware!…). Il a été présenté lors de nombreux Group shows à travers le monde (Paris, Lisbonne, Rome, Athènes, Budapest, Moscou, Séoul, Tokyo, Los Angeles, Palm Springs, New York…) et quelques solo shows dont le principal a eu lieu au Salon d’Honneur de la Mairie du 20ème arrondissement de Paris.

Et si la conquête spatiale vous passionne, vous pouvez acheter le livre de Jonk, Baïkonour, Vestiges du programme spatial soviétique, 192 pages, Editions Jonglez.

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Anna Vrinat
Article écrit par :
Etudiante en marché de l'art, je m'intéresse particulièrement à l'art contemporain, aux arts insulaires, et à la mode.

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