Citadelle, imprenable et inébranlable fortification qui traverse le temps. Ainsi, s’intitule le quatrième album empoignant d’Izïa, où la profusion des arrangements se mêle à une authenticité des mots. Doucement, nous parcourons ses morceaux qui nous renvoient indirectement à notre histoire, nous font tressaillir et nous interpellent de la plus belle et poétique manière qui soit. Toujours indirectement, car Izïa entrouvre les portes de son coeur, de son âme pour tendre vers une forme de renouveau. Rencontre.
“Citadelle” se présente comme un spectre d’émotions. Comment ton projet s’articulait-il au sein de ton esprit avant de devenir concret?
Izïa: “Citadelle” s’est vraiment construit et produit sur l’instant, une forme de chantier intense du début jusqu’à la fin. Avec Bastien Burger, nous étions comme habités par ce projet. Parfois, nous avons recommencé des choses qui semblaient être finalisées. Je dirais que “Citadelle” est un peu le reflet de mon coeur et de mon âme. Aucune pause, aucune projection, seulement l’instant présent.
Chaque morceau possède son identité, son caractère, et soulève des questionnements. En quoi “Citadelle” marque t-il un tournent dans ta vie?
Izïa: Depuis mon premier album, je tiens à ce que chaque morceau ait une identité stylistique, atmosphérique et une âme distincte. Je me suis rendue compte que mes goûts étaient éclectiques, mes inspirations et mes envies, multiples. Je ne suis absolument pas fermée à ce qui donne ces mélanges divers au sein d’un même album. “Citadelle” est survenu à une période charnière de ma vie ce qui le rend particulier à mes yeux. Je dirais que c’est un condensé d’émotions et de souvenirs personnels.
« Citadelle est une leçon de vie sur ce que l’on traverse, sur ce dont on se remet. »
Izïa
Justement, ressentais-tu le besoin de te livrer sans pudeur au sein de cet album?
Izïa: Tout est une question d’équilibre, de dosage entre l’implicite et l’explicite. Dans “Sous les pavés” on peut entendre “Il y a tout qui part en couilles” parce que cela me semblait naturel, spontané de le formuler ainsi. Retranscrire nos pensées brutes sans les contourner ou les déguiser peut réellement nous libérer. Parfois, on ne trouve pas d’autres manières d’exprimer nos ressentis que de parler de façon crue. Au contraire dans “Idole” tout n’est pas d’une clarté absolue. Je commence par décrire pudiquement un regard lasse et mon impuissance face à cette situation. Dans le refrain, tout prend sens. Finalement, le plus important est d’être en accord avec soi-même.
La fuite du temps est une thématique récurrente au sein de ton album. En quoi cette perte de contrôle te touche particulièrement?
Izïa: Le temps passé, le temps qui passe, le temps à venir sont des notions qui me dépassent. “Citadelle” se présente comme un renouveau pour moi. Au début, ces changements nous semblent terrifiants pour devenir progressivement bénéfiques et salvateurs. Je me surprends souvent à dire cette phrase “Je donnerais des millions pour revivre cette journée” tout simplement parce que nous ne sommes jamais ancré ou rarement dans le moment présent. Tous ces instants tâchés d’anxiété au lieu de se rendre compte de la valeur des choses. Désormais, je ne veux plus reproduire ces erreurs ou penser de cette manière. Je m’efforce de voir différemment.
“Trop Vite” se présente comme un ascenseur émotionnel teinté de dualité. Comment essaies-tu de dépasser ces extrêmes qui peuvent nous submerger?
Izïa: Il faut apprendre à se laisser tranquille, à être un peu moins exigeant envers soi-même. Refaire inlassablement les mêmes erreurs sont des choses qui arrivent, la compréhension de ces dernières est importante. Je suis usée de lire dans les magazines “Les 10 choses à faire pour”, nous ne devons pas tout changer en permanence et accepter que cela nous constitue. Malheureusement, notre génération ne facilite pas la sérénité, nous passons continuellement de grandes montées à de grandes descentes, de grands vides. La phrase “T’as tellement besoin qu’on t’aime, que t’oublies de t’aimer toi-même” est une forme de rappel. Avant de chercher l’acceptation des autres, aime toi davantage. Il est simplement compliqué de trouver ses repères dans ce monde, nous ne sommes pas fous.
« J’ai gagné de la confiance en moi, dans mon timbre, dans mon corps. Je ne connaîtrais jamais la plénitude, ce n’est pas pour ça que j’ai signé… et je ne supporterais pas de vivre autrement ! »
Izïa
Quand as-tu pris conscience du pouvoir thérapeutique des mots utilisés?
Izïa: Je pense que le bénéfice de ce processus d’écriture n’est pas instantané. Je ne réalise pas encore que tout est terminé, tout est encore si récent dans mon esprit. Je me revois en train d’écrire les premiers mots à Calvi, je me revois enceinte à ne plus pouvoir enregistrer, je me revois après sa naissance à tenter de retrouver ma voix. Le fait de commencer à en parler va me permettre de prendre conscience de tout ce que j’ai pu mettre dans cet album.
“Esseulés” est une session live esthétique, intense. En quoi la musique et les images sont indissociables pour toi ?
Izïa: Depuis le début, j’avais une idée précise de ce que je voulais à savoir une captation live sous forme de clip. J’imaginais une forêt, une voiture qui illustrerait le texte et nous en train de chanter l’un en face l’autre. Un peu comme le feu et la glace, sans savoir qui est réellement qui. J’en ai parlé avec David Fontao, le réalisateur et nous avons tout finalisé en trois heures. Nous allions tous dans la même direction, ce qui est plutôt rare.
Quel est ton plus beau souvenir lié au processus de création de “Citadelle”?
Izïa: Tout est un beau souvenir, c’est ce qui détermine cet album, finalement. Je repousse constamment mes limites mais cette fois, nous avons dépassé les notions de normalité, les notions de temps. Chaque semaine était une course, on se disait “on essaie de repousser d’une semaine, seulement une, tout est presque finalisé”. Je ris mais sur le moment ce n’était pas évident. Depuis le jour où nous avons commencé à composer à Calvi, jusqu’à maintenant, je ne perçois aucune pause réelle. “Citadelle” est une continuité, c’est juste beau, c’est juste fou.
Les photos de l’article ont été prises par la photographe Lou Escobar