Tant de chemin parcouru depuis “1950”, en si peu de temps. Née à Brooklyn, New York, King Princess déambulait, enfant, adolescente, dans le studio de son père et expérimentait les instruments au lieu de jouer à la corde à sauter. Chanteuse, multi-instrumentiste, compositrice, son parcours se dessinait progressivement et naturellement. Aujourd’hui, une nouvelle page s’ouvre pour cette nouvelle icône, une nouvelle histoire avec la sortie de son premier album intitulé “Cheap Queen”. Rencontre et présentation.
« Cheap Queen » se présente comme un temple de l’amour. En quoi ce premier album referme t-il un chapitre de ta vie?
King Princess: Un temple de l’amour? J’adore cette expression. J’ai exploré cette thématique sous toutes ses formes en fonction de mes ressentis et sans pudeur. Cette année était magnifique, intense dans tous les sens du terme. J’ai composé des morceaux, j’ai vu cette ascension naître et grandir autour de mon univers, une propagation rapide. Concernant ma vie personnelle, je suis tombée amoureuse, des choses inattendues sont arrivées comme le fait de perdre la personne en question. J’aime l’idée de refermer ce chapitre de ma vie, qui est seulement un chapitre, le suivant sera sûrement similaire. Le prochain album parlera d’amour après avoir vécu d’autres péripéties et déceptions. L’être humain est surprenant, débordant d’imagination.
Comment pourrais-tu distinguer « Cheap Queen » de « Make My Bed »?
King Princess: Je voulais que “Cheap Queen” reflète mon évolution personnelle, professionnelle voire le cheminement de mes réflexions. “Make My Bed” était une forme d’introduction, de présentation au monde en tant que personne et musicienne. Ce premier album se présente comme une version améliorée, une histoire complète et finalisée de “Make My Bed”. C’est un long métrage triste, profondément triste.
Dans « Ain’t Together » tu abordes la difficulté de l’engagement. Selon toi, quelle est la problématique liée à l’amour de nos jours?
King Princess: Je pense que c’est une problématique universelle, qui traverse le temps. Malheureusement, dans notre société, il est courant d’entendre “Fini le couple, place au polyamour” et courant de rencontrer des personnes qui fréquentent dix personnes en même temps. Je suis ravie pour toi, je respecte ton mode de vie mais tu ne m’auras jamais. Qui a envie de partager une personne dont on tombe amoureux? Peu de monde. Je dirais que je suis une personne jalouse, ce qui ne me correspond donc pas.
Dans « Watching My Phone » on entend « I apologize for holding you so tight you couldn’t breathe ». Quel est ton rapport à l’indépendance?
King Princess: C’est une problématique encore actuelle pour moi. On ne peut pas comptabiliser toutes les formes d’amour qui existent ou que nous pouvons ressentir. Parfois, nous perdons toute raison, tout contrôle face à certaines personnes, comme si nous étions dépassé par nos sentiments. J’ai longtemps ressenti une profonde insécurité, qui m’animait, prenait possession de moi. Je ne suis pas cette personne avec tout le monde, mais ce sentiment peu agréable m’a poussé à composer “Watching my phone”. J’avais besoin de m’excuser envers moi-même dans un premier temps, m’excuser de m’être enfermée dans cette situation voire dans cette impasse qui ne me définissait pas. Finalement, je ne suis jamais seule, quand je pars en tournée, une équipe veille constamment à ce que rien ne m’arrive. L’indépendance et moi, faisons dix.
Que souhaitais-tu exprimer dans « If You Think It’s Love »?
King Princess: Quand j’ai composé ce morceau, je savais que ce serait le dernier qui figurerait sur mon album. Je me suis assise face à mon piano, qui renferme toutes ces sonorités familières, un peu comme un cocon rassurant et tout est venu naturellement. C’est une lettre d’amour que j’avais envie de dédier aux personnes qui m’écoutent, qui me comprennent sûrement un peu. C’est la première fois que je ressens ce besoin, normalement mes morceaux parlent d’une personne spécifique. Je martèle une phrase, derrière, des voix surviennent comme si toutes ces personnes me tenaient, voire me surélevaient. “Cheap Queen” incarne une histoire d’amour que nous suivons chronologiquement. Dans “If You Think It’s Love” cette histoire d’amour est terminée, mais c’est également une forme de rappel. Ne jamais remettre ses sentiments en question, ne jamais douter ce que nous avons pu ressentir, tout est réel.
Tu voulais que “Cheap Queen” aborde des thématiques qui te dépassent. Quand as-tu ressenti le besoin de traiter de la communauté drag?
King Princess: Tout est devenu limpide quand j’ai développé le personnage de “Cheap Queen” pour illustrer, porter mon album. J’ai décidé de me maquiller pour ma cover, pour faire ressortir ce courage, cette force intérieure. Par le biais de cette représentation physique, de cette image, je montre une version améliorée de moi-même. Le maquillage et les costumes sont comme des armures. Divine, est une figure emblématique de la communauté drag, également chanteur, acteur, une grande inspiration. Toute cette humilité m’a donné envie de rendre hommage à cette communauté. L’idée de jouer sur la féminité, sur le fait d’être une femme mais sans se prendre au sérieux.
Justement, tu joues constamment des rôles dans tes clips. Beaucoup d’autodérision contrairement à tes textes. En quoi ce contraste est-il important pour toi?
King Princess: Je puise ma force dans les images, mon art est divertissant avant tout. Les visuels me permettent de créer un équilibre et de ne pas uniquement être associée à des musiques larmoyantes. J’aime éperdument les mots, les sonorités qui font jaillir des émotions, qui nous font mal au coeur mais le plus important, est le fait de pouvoir en rire. Nous pouvons rire de nos malheurs jusqu’à épuisement. La tragédie oui, mais avant tout la comédie.
Pourrais-tu nous parler de « Playboy School of Pop »?
King Princess: Réaliser ce projet pour Playboy est l’une de mes plus belles expériences. J’ai tout imaginé dans mon esprit puis développé avec des personnes que je connaissais. Je me suis entourée de ma maquilleuse, de mon amie styliste, j’ai même personnellement sollicité un photographe. J’ai du ressortir mon teddy, un bonheur. Je pouvais tourner toutes les images que je souhaitais dans cet établissement scolaire, un véritable terrain de jeu. J’ai eu toute la liberté du monde sur ce projet, un bel encouragement à la créativité.
Que retiens-tu du processus de création de ton premier album?
King Princess: J’ai tellement de souvenirs que je pourrais en pleurer. C’est si dramatique et beau à la fois. “Cheap Queen” renferme mes craintes, mes douleurs, mes pleurs. C’est comme une série à rebondissements, un “L word” condensé.
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