LAAKE a sorti le 16 juin son nouveau clip « DONTGIVEITUP », réalisé par Simon Lemarchand, dans lequel il réactualise le mythe de Sisyphe autour de l’histoire d’un ouvrier surexploité. Ce dialogue entre passé et présent est également développé au niveau musical, à la faveur d’un mélange entre musique classique, électronique et pop.

La référence mythologique à Sisyphe est présente à la fois au niveau musical comme visuel, le clip reprenant explicitement cette influence à travers une affiche à l’intérieur de l’usine, ainsi que le plan final où l’on aperçoit le personnage principal grimper péniblement la pente avec un rocher sur le dos.
L’artiste
« DONTGIVEITUP » s’inscrit dans le prochain album du pianiste et producteur français autodidacte LAAKE, de son vrai nom Raphaël Beau. L’album, intitulé « VOLT », paraîtra le 6 octobre 2023. L’artiste fait paraître son premier EP « 69 » en 2015, et accompagne depuis des pièces de danse, des campagnes diverses (Guerlain, Lancôme…), joue dans des festivals, et explore sa propre identité musicale à travers des morceaux toujours plus audacieux et entêtants.
L’artiste a déjà fait paraître deux autres titres de son album, « ELECTRICITY » et « VOLT ».
La musique et le clip
LAAKE réconcilie dans « DONTGIVEITUP » plusieurs âges de la musique en superposant arrangements électroniques, instruments traditionnels (piano, cuivres, percussions) et chœurs.

La reprise du mythe de Sisyphe s’entend dès le début avec l’ostinato au piano qui ouvre le morceau et annonce le rythme très rapide de celui-ci, placé sous le signe de la précipitation. La musique insiste sur l’exploitation incessante et épuisante des ouvriers, soumis à un rythme de productivité invraisemblable dans des conditions inhumaines, à travers le rythme et l’accumulation d’instruments.
La vidéo élabore une réelle narration visuelle, et le clip n’est pas qu’un accompagnement de la musique mais bien une partie importante de la création finale. Les images suivent le rythme musical rapide avec des enchaînements effrénés, des plans sur les machines en action, sur les ouvriers lessivés…

Réactualiser le mythe
L’absurdité du travail à l’usine
Les chœurs émergent progressivement du morceau pour introduire son leitmotiv, quelques mots répétés en boucle : « don’t give it up ». Ceux-ci sont placés dans la bouche des ouvriers comme de celui du contremaître ou du directeur d’usine. Traduisibles par « n’abandonne(z) pas », ils renvoient à l’absurdité de cette vie ouvrière de malheur qui fait écho à celle de Sisyphe.

Selon la mythologie grecque, ce dernier était condamné à porter éternellement un rocher en haut d’une montagne, puis à le voir dévaler la pente une fois parvenu au sommet, impuissant, et à recommencer à l’infini. Ici, la vie du personnage principal que nous suivons à travers la caméra apparaît tout aussi dénuée de sens, les efforts qu’il fournit étant immenses, et les bénéfices inexistants.
Un Sisyphe déchargé de son fardeau
Cependant, l’issue au mythe de Sisyphe moderne que nous proposent LAAKE et Simon Lemarchand est tout à fait différente de celle du mythe traditionnel. En effet, le groupe d’ouvriers se retourne contre le directeur de l’usine dans une atmosphère de révolte voire de révolution, et mettent un terme à leur activité qui consistait à emballer des rochers dans du plastique pour l’emballer lui.

Cette scène de mutinerie donne un nouveau sens à la répétition de « don’t give it up », qui perd son caractère absurde (toujours continuer une activité sans issue, vouée à l’échec et au malheur) pour prendre celui de l’espoir (ne pas cesser de croire qu’une issue est possible, et ne pas se laisser aller à la souffrance).
La musique ralentit ensuite pour exprimer au niveau sonore le changement visuel effectué dans le clip, alors que le personnage principal part à l’ascension de la montagne avec son rocher et quitte ainsi l’intérieur de l’usine pour rejoindre l’extérieur de la nature, au moment de l’aurore. Cela traduit déjà la fin de l’exploitation des ouvriers.

Son visage est alors progressivement éclairé par le soleil qui émerge face à lui. Cela contraste avec les couleurs sombres de la première partie du clip, tourné dans l’une usine où la lumière ne rentre pas. Son apparition finale renforce l’idée d’issue trouvée à son malheur par l’ouvrier, qui laisse son rocher tomber derrière lui en même temps qu’il se dirige vers le soleil, comme une promesse d’espoir. Le clair-obscur visuel déjà présent dans la première partie de la vidéo fait écho au clair-obscur musical qui caractérise le style de LAAKE, capable de créer des mélodies à la fois douces ou foudroyantes, accablantes ou entraînantes.
Le fait que l’on ne le voie pas suivre son rocher qui dévale la pente dans la dernière scène, en silence, permet d’interpréter le clip comme une réappropriation plus optimiste du mythe de Sisyphe.