Cleon Peterson

l’art de la lutte selon Cleon Peterson

Image d'avatar de Shad De BaryShad De Bary - Le 17 mars 2021

L’américain Cleon Peterson a fait de la lutte des pouvoirs entre corps entremêlés sa signature. Avec un regard incisif il décode les rapports sociaux, sans jamais avoir peur de provoquer le malaise.

Stare Into The Sun : En noir et blanc, des humanoïdes entremêlés se tiennent en chaînes et se blessent les uns les autres. En faisant attention, on remarque que les humanoïdes noirs, sur le fond noir, oppressent les humanoïdes blanc.
Stare Into The Sun

Aussi bien en peinture qu’en sculpture, la lutte de pouvoir obsède Cleon Peterson. L’artiste américain développe tout au long de sa carrière une réflexion sur la violence dans les liens humains.

Le corps à corps

L’un contre l’autre

Sans manquer de rappeler les urnes grecques, les personnages qui peuplent les productions de Cleon Peterson reproduisent des scènes de luttes. Ses humanoïdes se mélangent sur des toiles minimalistes, bicolores en général, dans des études de la violence qui se veulent objectives. Le regard est centré sur l’oppression, la mort est omniprésente. Les figures se ressemblent et ne se distinguent que par la couleur, qui elle-même se confond avec le fond et les lignes. En filigrane, cette interchangeabilité des rôles note la nature aléatoire des rapports de force.

Cleon Peterson Animals - Trois femmes blanches en chaînes pleurent leur homme, en proie aux sévices de deux hommes en noirs. Construction de l'image presque en miroir.
Animals
Cleon Peterson illustration
Purity
This Is Darkness - Deux hommes en noirs poignardent deux hommes en blanc, au sol. Tableau en cercle.
This Is Darkness
The Light Bearer - Statue d'un homme en noir, avec une batte de baseball posée sur son épaule gauche et une tête décapitée dans la main droite
The Light Bearer
Vue de l'extérieur de l'exposition "The Shadow of Men" - trois figures d'hommes en lutte
Vue de l’extérieur de l’exposition “The Shadow of Men”
Vue de l'exposition "The Shadow of Men" - Trois peintures de formats variés encadrent une statue d'un homme noir qui blesse un homme blanc avec un bâton blanc au torse.
Vue de l’exposition “The Shadow of Men”

Une philosophie de l’affrontement

Les influences philosophiques de l’artiste sont perceptibles. L’expérience de la prison de Stanford, par exemple, est une inspiration presque palpable. Les personnages cèdent à une violence de groupe, justifiée uniquement par la construction d’un “autre”. “L’ombre” de Carl Jung se reflète également dans les œuvres : la partie sombre complète la lumineuse, une partie sombre qui porte en elle les instincts primitifs et anti-sociaux. La lutte pour la reconnaissance enfin, se fait également percevoir. À l’image de la conscience de soi théorisée par Hegel, les individus se définissent dans un combat à mort qui cristallise en elle la nature de l’humanité.

Des influences profondément contemplatives, qui portent un travail créatif tout aussi réflexif. La nature humaine, dans sa violence, dans ses instincts de mort, est donnée nue, sans filtre. Des constructions qui ne manquent pas de rappeler certains travaux d’Ernest Pignon-Ernest.

Flesh of The Wicked - Trois hommes en noirs torturent un homme en blanc
Flesh of The Wicked
The Shadow of Men - des hommes en noir malmènent des hommes et femmes en blanc, certains au sol sont déjà morts.
The Shadow of Men
Night Will Fall - Trois hommes en noirs se congratulent en tenant la tête décapitée d'un homme en blanc.
Night Will Fall
The Victors - trois hommes en noir, bras dessus, bras dessous, marchent en fanfaronnant.
The Victors
deux hommes en duel
Savage
Balance Of Power - Deux hommes luttent avec des armes. Construction en miroir.
Balance Of Power
femme sur un homme Cleon Peterson
Backstabbers

La critique sociétale

L’oppression policière

La lutte philosophique est donc centrale dans le travail de Cleon Peterson. Mais il applique aussi son analyse à la société dans laquelle il évolue. En témoigne le travail de son exposition “Blood and Soil” (Le sang et le terreau, NDLR) 2018. Développement d’une réflexion initiée en 2014 dans l’exposition “End of Days” (La fin des temps, NDLR), il applique désormais son étude de la brutalité à la violence policière.

L’actualité de la violence sociale devient la nouvelle matière de réflexion. Et le sujet étant d’une nature différente, le prisme créatif est donc légèrement déplacé. L’objectivité n’est plus de mise et les œuvres sont désormais ouvertement critiques. Exit l’étude en noir et blanc de la complémentarité dans la violence humaine, le rouge et le noir forment cette nouvelle dualité.

The Weak and the Powerful - Scène de vie en rouge et noir, les policiers maltraitent les autres personnages dans ce qui semble être un quartier dangereux. Dans un coin, un policier urine sur une femme au sol. A côté, un autre poursuit un homme. En haut, deux agents maintiennent une femme au sol.
The Weak and the Powerful
The Return - scène complémentaire de The Weak and the Powerful par l'artiste Cleon Peterson.
The Return
Aperçu de l'exposition Blood and Soil - peinture sur fond de mur en brique. Deux agents en noir maltraitent deux hommes en rouge.
Aperçu de l’exposition Blood and Soil
Statue exposée lors de l'exposition "Blood and Soil" - Statue monochrome rouge. Un policier sur un cheval brandit sa matraque.
Statue exposée lors de l’exposition “Blood and Soil”

La lutte politique

Bien sûr, la politique n’est pas en reste. Avec le climat politique des élections américaines, l’observation de l’artiste est toujours plus cinglante. Reprenant les codes de la propagande des états autoritaires, il dresse une satire d’un cirque électoral en parodie sombre de la démocratie. `

Et si les affections intellectuelles de l’artiste sont visibles, c’est bien le despotisme doux de Tocqueville qui est illustré ici. La domination invisible du système capitaliste et la campagne grotesque ont donc eu droit à un traitement privilégié, jusque dans le choix des couleurs. C’est désormais le jaune qui domine, couleur inattendue qui provoque presque le malaise.

Hysteria - Un homme assis sur le monde tient d'autres hommes en chaînes. Tous sourient.
Hysteria
The Nightmare - Un gigantesque humanoïde noir est accroupis sur la poitrine d'un homme qui dort.
The Nightmare
Illustration pour un article de The New Yorker. Un homme géant en costume tient d'une main la maison blanche, de l'autre un poulet. A ses pieds une usine produit une fumée en forme de dollar, et des ombres de personnes au sol se font voir.
Illustration pour le New Yorker

Retrouvez le travail de Cleon Peterson sur Instagram et sur son site.

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" C'est une bonne situation ça, scribe ? "

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