Un mélange entre cauchemar, vision enfantine et absurdité est ce qu’il suffit à Virginia Mori pour nous ancrer ses dessins dans la mémoire.
Virginia Mori est une illustratrice et réalisatrice d’animation italienne. Née en 1981 elle travaille aujourd’hui entre Pesaro et Milan en Italie. Elle fait ses études à l’Institut National des arts d’Urbino dans l’animation et le design. Son travail se fait principalement en freelance, mais l’artiste fournit aussi des œuvres pour des galeries comme Withsand à Milan. Elle a eu l’occasion de travailler avec des auteurs pour réaliser des illustrations de livres pour enfants comme Le due bambini ou encore Blu un’altra storia di Barblu qui reprend le conte sur Barbe bleu, en s’intéressant à la psychose de cet homme sanguinaire.
Elle a gagné plusieurs prix qui lui ont permis de faire connaitre son talent, notamment en 2008 avec le prix « SGR idée suisse » au Festival International d’Annecy pour son premier court-métrage Il gioco del silenzio, sur lequel on reviendra.
Un univers de rêve perturbant
Virginia Mori utilise les plus simples outils comme un crayon de papier, un stylo bille, ou de l’encre avec lesquelles elle dépose sur une feuille des traits sombres et pesants. La plupart de ses dessins sont monochromes et semblent figés dans le temps comme venus d’un passé surnaturel. Il lui arrive de travailler avec de la couleur, bien souvent seule avec du blanc pour faire ressortir un élément, elle parait fade, pas très éclatante et s’oppose au reste du dessin fait de nuances de gris. Le bleu semble être sa couleur favorite, il rehausse les couches de gris et égaye quelque peu ses illustrations qui restent tout de même très glauques…
Ses illustrations sont une compilation d’images étranges et angoissantes. L’univers prédominant est celui du rêve, ou plutôt du cauchemar tant l’ambiance générale est tordue. La réalité est déformée, nous perdons nos repères face à ces songes. Les objets et personnages tracés sont décalés, on retrouve des criquets géants, un lit en guillotine, un chat géant et bien d’autres créatures et choses anormales qui nous surprennent. Ces éléments possèdent une signification particulière qui change constamment : un lit peu parfois représenter le rêve, la solitude ou simplement… un lit. Pourtant, une certaine poésie paradoxale se dégage aussi de ses dessins. On ressent la sensibilité de l’illustratrice à transformer des choses étranges en œuvres artistiques.
Un élément récurrent dans ses dessins est principalement le personnage de la petite fille au visage livide et à la frange longue. Sorte d’Alice au pays des merveilles modernes, elle est l’image de son intériorité qui se promène entre ses peurs et ses angoisses. Virginia Mori a en elle un don de conteuse, elle réussit à nous narrer des histoires frissonnantes avec quelques coups de crayons très incisifs.
Ses histoires sont généralement des expériences, des métaphores vécues par elle ou par d’autres, chacun peut se retrouver dans sa noirceur et être effrayé d’y voir sa propre peur. L’utilisation du surréalisme lui permet justement de détourner la réflexion de son spectateur et de faire jaillir des images frappantes qui nous parlent profondément au premier coup d’œil.
Ses animations
Le plus troublant à voir est sûrement ses animations. À l’instar de ses dessins, Virginia Mori fait défiler des images angoissantes auxquelles s’ajoute une musique oppressante.
Son premier court-métrage Il gioco del silenzio présente une jeune fille, le visage inexpressif. Elle se retrouve face à un autre personnage, dont on ne voit que les mains qui se tendent, la jeune fille doit faire un choix. La main s’ouvre et il n’y a rien, c’est la perte. Rien n’est terrifiant dans ces images, mais l’ambiance générale et l’esthétique nous glacent le sang. Elle sait parfaitement jouer sur l’absurde pour réveiller en nous des peurs enfouies, notamment celle de faire des choix et de devoir accepter nos changements à l’image de la jeune fille.
Le court-métrage Hair Cut joue sur les mêmes codes, il ne se passe pas grand-chose, une jeune fille est coiffée avec des tresses longues et se les fait couper. La lenteur de l’enchainement des images et les visages livides faits de traits noirs nous prennent au cœur. En bruit de fond on peut entendre des craies sur un tableau noir, on comprend rapidement que l’enfant subit ici du harcèlement. Quelques images sur une bande d’une minute suffisent à Virginia Mori pour transmettre un message fort et percutant, les illustrations glauquess’imprègnent dans nos têtes et persistent un bon moment.
Vous pouvez parcourir les illustrations de Virginia Mori sur son site internet.
Vous pouvez aussi consulter notre article sur Penny Davenport.