À l’heure où les salles françaises peinent à attirer un public rendu méfiant par la propagation massive du (de la) Covid-19, préférant rallier les sites de streaming et autres méthodes moins scrupuleuses, Tenet sort enfin sur les écrans hexagonaux. Fort d’une campagne de promotion dantesque, le film de Christopher Nolan pâtit également de la renommée de son réalisateur qui est devenu en l’espace d’une dizaine d’années le symbole d’un cinéma alliant exigence formelle et intellectuelle. Mais le produit final peut-il rassembler les spectateurs au point d’impulser un regain d’affluence dans les cinémas ? Voici quelques éléments de réponses qui vous pousseront peut-être à retrouver le chemin des salles obscures.
De quoi parle le film Tenet ?
Au cours d’un attentat en Europe de l’Est, un personnage appelé « Le protagoniste » échappe de peu à la mort et se retrouve chargé par une mystérieuse organisation d’empêcher une hypothétique troisième guerre mondiale.
Le concept ?
Le postulat de départ, bien que complexe bénéficie de nombreuses explications données par les personnages tout au long de l’histoire. Dans un futur proche, les dirigeants des grandes puissances mondiales tentent d’éradiquer le passé afin d’empêcher le naufrage de l’Humanité. Une trame narrative qui permet à Nolan de retrouver son affection particulière pour les séquences imbriquées et la malléabilité du montage. On assiste ainsi à des séquences où des protagonistes dont le temps s’écoule linéairement rencontrent d’autres personnages à la temporalité inversée. On peut également vous dire que le titre en palindrome donne une importante indication sur la chronologie du film.
Le spectacle est-il au rendez-vous ?
Par le choix du grand angle dans la plupart des séquences d’action et une temporalité propre à chaque personnage (protagonistes ou figurants), chaque plan d’ensemble est d’une richesse sidérante. On peut ainsi s’amuser à parcourir chaque plan en identifiant les paradoxes temporelles, ou se laisser emporter par la musique de Ludwig Görransson, qui reprend sans ambiguïtés le flambeau de Hans Zimmer (en poste sur l’adaptation du Dune de Denis Villeneuve). Mention spéciale à la scène finale qui oppose le présent et le futur le temps d’une bataille entre deux factions ennemis, pendant qu’on assiste en montage alterné au dénouement du récit de manière plus intimiste.
Le film Tenet est-il un bon Nolan ?
S’il y a bien un thème que le cinéaste chérit particulièrement, c’est celui du temps. Un thème exploité ici d’une manière plus qu’originale. Comme à son habitude, le metteur en scène fait preuve d’un sens hors-norme de la narration, en particulier par le biais du montage. Le réalisateur reprend le chemin entamé avec Dunkerque et tisse un fil complexe entre les différentes temporalités du récit. Si le film vaut clairement le détour, on peut lui reprocher d’être parfois incohérent dans les tentatives d’explications du concept global. En effet, les justifications sont parfois évasives et manqueront d’en convaincre certains. Quant aux acteurs, on ne saurait trop valoriser le choix de John David Washington et de Robert Pattinson, qui apportent un vent de fraîcheur et de renouveau dans le cercle très fermé des têtes d’affiches de blockbusters. Si Kennet Branagh semble camper un méchant un peu trop caricatural, la caractérisation de son personnage est suffisamment liée au propos du film pour qu’il retienne notre interêt tout au long du récit. On notera également la présence de plusieurs rôles féminins forts.
Si le film ne propose peut-être pas les sommets de tensions dramatiques d’un Inception et ne vous procurera pas le même sentiment de vertige que Interstellar, il n’en demeure pas moins une prouesse visuelle et technique, servit par des acteurs d’une grande justesse. Peut-être pas le chef-d’œuvre attendu, le nouveau long-métrage de Christopher Nolan prouve néanmoins que le réalisateur n’a rien perdu de son génie créatif et continue de se réinventer au fil de sa filmographie. Tout le long des 2h3O de récit, on ressent la rigueur d’un cinéaste aussi exigeant avec lui-même qu’il l’est avec son public. Un pacte qui a lui seul justifie de se ruer dans les salles dés aujourd’hui, dans le respect des gestes barrières bien entendu !