Il est difficile de parler de Sepikka dans un article français ou anglophone, tant le groupe est discret dans sa communication, et les informations distillées sur la toile au fil de quelques reviews (principalement de la presse finnoise), demeurent parcellaires et mystérieuses. C’est pourtant ce que nous allons tenter de faire, en essayant d’aborder avec des mots justes les thématiques et l’esthétique musicale de ce premier album, qui agit chez l’auditeur comme une grande bouffée d’air frais. Comme un appel à la vie et un hymne à Mère Nature !
Sorti le 3 septembre 2021, “En kestä kylmää lailla ahvenen” (que l’on peut traduire littéralement par “Je ne supporte pas le froid comme un perchoir” – allez savoir !), le premier album de Sepikka est la conclusion attendue de deux ans de teasing avec un premier single délivré en 2019. Un opus que l’on imagine aisément marqué par la période Covid et ses impacts sur la vie quotidienne des populations du monde entier. Au fil de l’écoute des morceaux, l’instrumentation aux tendances folkloriques, les samples d’éléments de nature ou organiques (les oiseaux de Kaikki kaunis, les déclics d’appareils photo ou déclenchements de diapositives dans Tiedän kil kuka), la progression des divers arrangements qui semblent toujours mener vers une apogée libératrice, et la diction revendicatrice du chanteur et leader du groupe Joni Seppänen, sont autant d’efforts menés pour et avec le public, afin de transmettre la vision d’un monde qui aurait enfin renoué avec ses racines. Loin de tout désir superflu, et des apparats désuets d’une civilisation où modernité rime désormais avec annihilation du vivant et de ses habitats, jusque dans les terres les plus reculées.
Ce peuple discret, quasi invisible aux yeux des citadins, le groupe semble vouloir lui restituer sa valeur sacrée, en faisant tour à tour de l’oie sauvage, de l’ours ou du renard polaire, les figures totémiques des pochettes de leurs singles et album (on pense également aux paysages photographiés par Joni sur son compte Instagram). Un univers visuel que l’on retrouve dans leur musique, avec ces paysages sonores à la fois bouillonnants, et d’une force redoutable, mais qui semble malheureusement corrompus par la présence humaine, avec des cassures, des distorsions et des envolés criardes de cuivres et de guitares électriques. Une dimension qui apparaît également dans les motifs fourmillants du piano, et quelques textures et arpégiateurs de synthétiseurs bien sentis, qui viennent ici figurer des formes de vie aussi multiples que changeantes.
À partir de là, le mythe des peuples premiers, et plus simplement, le retour à une enfance idéalisée, où feux de camps et compagnonnage allaient bon train, ne semble plus très loin de l’idéal promu par le groupe à travers leur direction artistique (et peut-être même revendiqué dans les textes, dont il est difficile de trouver les traductions sur la toile).
Comme un vent d’espoir et de pluies salvatrices, l’esthétique tantôt brumeuse ou explosive du groupe finnois a retenu l’attention des Indie Awards en 2021, qui lui ont décerné le prix de l’album de l’année. Loué par la presse et auréolé de plusieurs prix dans leurs pays natals, Sepikka s’inspire des paysages de Laponie pour créer un espace sonore vaste et galvanisant, comme un souffle d’espérance pour celles et ceux qui accepteront de rejoindre l’aventure. Poussé par une pulsion de créativité et une énergie débordante, cette bande de joyeux lurons, composée de cinq musiciens très alertes sur le monde qui les entoure, préparent déjà leur deuxième album.
“En kestä kylmää lailla ahvenen” est à vivre comme une épopée intimiste, envoûtante et à l’énergie communicative, qui loin du crépuscule annoncé, semble avoir d’ores et déjà ancré ses racines dans le monde d’après, avec dans la tête et le coeur un espoir fou : celui d’un monde pacifié des vices et des excès de la civilisation industrielle, et qui aurait enfin renoué avec l’essence du vivant.
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