Le 6 juin en plein après-midi, la scène s’élève sur la place Mohammed V quand on s’apprête à rencontrer Mount Kimbie, sur les toits du Beaubourg arabe quelques heures avant leur concert, lors du Weather Festival. Kai, Dominic et Tony reviennent du Japon, repartent le lendemain pour l’Angleterre et apprennent à l’instant qu’ils jouaient avant Underground Resistance, faute au décalage horaire et au rythme soutenu de leurs nombreux périples. Petite question con en passant, obtenir l’essence du nom Mount Kimbie (“some bullshit” qu’ils ont dit), on a élucidé le mystère à moitié (Mount Eerie, chanson de The Microphones, on a pas l’impression qu’ils s’en félicitent aujourd’hui…)
Si le premier album Crooks & Lovers, sorti en 2010, les a propulsé aux devants de la scène dubstep londonienne, les artistes n’envisagent plus leur musique de la même façon. Ils évoquent des difficultés à l’écouter aujourd’hui ou alors avec une oreille très (très) critique.
Dominic Maker insiste : “C’est dans nos lives qu’on a pu saisir des éléments de guitare, de batterie et les appliquer en studio, une façon de créer quelque chose de moins chiadé, plus spontané
Cette énergie déployée durant leurs lives a profondément nourri le deuxième album Cold Spring Fault Less Youth qui a été pensé et conçu “comme une réaction contre le premier, je peux plus l’écouter, je l’ai aimé, je ne changerai pas nécessairement des choses dedans même si je pouvais. Je ne veux plus en entendre parler, il a fait son temps” dixit Kai Campos.
Cette rébellion, ce désir de souiller le “surfait”, ils l’ont cultivé au moyen de collaborations. On pense évidemment à la voix grave et éraillée de King Krule, jeune musicien de la scène new wave londonienne. Justement, ces rencontres sont ressenties comme une réelle bouffée d’oxygène :
“A vouloir faire trop de choses on s’est trouvés face à un mur : on peut pas tout faire en n’étant que 2 dans le groupe. Quand on joue on peut se retrouver à 3, 4, 5, ou même 6 personnes et si ça pouvait être comme ça à chaque fois, ce serait bien. Moi j’aimerais bien qu’on soit 20 tu vois… un jour peut-être ! En attendant on est 3, et c’est toujours mieux que 2.”
La révolution Mount Kimbie 2013 a justement opérée dans cette poésie mutante, des mots qui fument et répondent poétiquement à la partie instrumentale “Every word is linked to the next one”. L’écriture est cérébrale, réfléchie : la créativité de Mount Kimbie s’est longtemps censurée, ils ont passé un cap :
Et puis, c’est juste un petit quelque chose … il y avait une chanson, j’ai pensé “ah cela pourrait fonctionner comme une piste vocale”. Parfois, je m’enregistre dans l’idée que quelqu’un d’autre vienne le faire correctement par la suite, vous savez, à ma place. Et je me répétais “Fais-le” parce que si nous ne le faisions pas jusqu’au bout, ce serait comme un mauvaise chose, vécu comme un échec mais j’avais peur de ça, de me lancer”
Finalement, la partie vocale est traitée d’égale à égale à la partie instrumentale. Et cette prise de risque a ouvert de nombreuses portes. Et surtout, apprécier les échos d’une foule qui connaît les paroles de tes chansons sur le bout des doigts.
Avec le sourire aux lèvres, Kai & Dominic laissent deviner leur prochaine collaboration pour le 3ème album avec Micachu & The Shapes dont ils ont toujours été de grands fans. Fin de la tournée prévue pour Septembre, ils fanfaronnent “ça nous laisse deux mois tranquille pour finir le 3ème”.
Puisqu’ils participaient à l’opening du Weather Festival, on les interroge sur le concept de la teuf techno, ils répondent :
“Les gens ont tendance à croire que la musique que tu fais a quelque chose à voir avec ce que tu aimes… Mais en réalité, on n’écoute pas notre propre musique et on n’achète pas nos propres albums. Ce qui nous intéresse et nous plaît le plus, c’est ce qui est différent de ce qu’on fait.”
Considérés comme les leader de la post-dubstep, on demande justement aux principaux intéressés. Moue boudeuse et quelques balbutiements. Aussi compliqués pour eux de définir leur musique avec des mots, on leur demande timidement de prendre le bic et le moleskine.
Et Mount Kimbie dessina Mount Kimbie :
Page de droite : Kai Campos, gauche : Dominic Maker.
Texte : Alice Colas
Illustration & photos : Victoria Roussel
2 commentaires
Jim Wild
C’est tellement parfait comme musique. Ils doivent être super cool et barré vu les dessins.
Merci pour cette interview !
Alice
De rien, avec plaisir et merci !