Pendant 4 ans, le photographe Guillaume Blot a visité plus de 220 bistrots afin de documenter ces lieux de vie de plus en plus rares. Ils restent des espaces de rencontres, de débats enflammés et de franches camaraderies essentiels pour leurs habitués qui y trouvent un refuge dans un quotidien parfois difficile. De ce périple naît “Rades”, une série photographique publiée par Gallimard (collection Hoëbeke) qui nous parle des bistrots vivants, de leurs patrons et de leurs habitués.
À la rencontre des bistrotiers et des habitués : Guillaume Blot met à l’honneur ceux qui résistent
Les bistrots sont en voie de disparition. Petit à petit, leurs rideaux se ferment, et le processus s’accélère. Devant ce frappant et triste constat, Guillaume Blot – qui se souvient avec affection du bistrot de son patelin d’enfance (“La boule d’or”) – décide de sillonner la France à l’affût de ces lieux emblématiques connus de tous qui survivent à ce phénomène. Accoudé à leurs zincs, il se mêle aux initiés et fait connaissance avec les bistrotier.e.s avant de leur dévoiler son métier et la raison de sa venue. Une approche immersive que nous retrouverons dans ces photos.
Si le photographe s’est lancé dans un tour de France des rades (terme argotique pour désigner avec affection les bars de quartiers), c’est justement pour rencontrer ceux qui résistent et – à travers ses images – les mettre en lumières pour refléter le quotidien des bistrots “du coin”.
Assis au bar devant un verre et un bol rempli des fameuses cacahuètes qu’on y trouve souvent, les visages des coutumiers s’animent. Ils débattent, confient leurs quotidiens parfois difficiles, la solitude qu’ils sont venus tromper avec l’ivresse et les camarades (« Dans les rades à l’ancienne, bah tu te sens pas tout seul. C’est ce qui me fait venir tous les jours ici prendre un demi. Voire deux. » confiera Marc, un fidèle, au photographe). Pendant ce temps, les patrons s’affairent à resservir les clients fidèles ou à préparer le repas du jour, quand ils ne cumulent pas les activités (Guillaume Blot a pu rencontrer Cécile et Jean-Claude qui tenaient une station service et un garage en complément).
Les bistrots du coin ont mauvaise presse : devanture à l’ancienne – souvent défraîchie, décoration dépassée, mauvais café, propreté qui laisse parfois à désirer… Leur côté “bourru” et vieillot explique en partie qu’ils sont aujourd’hui délaissés par les jeunes générations qui leur préfèrent des bars plus modernes.
Ils font pourtant partie de notre paysage culturel depuis des décennies (le premier café paraît en 1672) et sont encore aujourd’hui ancrés dans le quotidien de nombreux français.
Avec cette série, le photojournaliste réalise un véritable travail sociologique qui témoigne notamment de la diversité des communautés qui se succèdent dans ces bars de quartier et de leurs habitudes. Ce sont ces vies qui y fourmillent et font la singularité chacun de ces points de rencontre démodés, qui semblent appartenir à une autre époque et survivent malgré tout.
Pour rendre ces images d’archives encore plus vivantes, il utilise une forme de décadrage couplée à un flash brut et lumineux qui fait ressortir les couleurs et les matières. Des photographies en relief qui nous immergent dans l’ambiance décalée des rades.
Des images d’archives pour immortaliser des rades en voie de disparition
Des 200 000 rades dans lesquels l’on pouvait se retrouver pour boire un canon en 1960, il n’en reste à ce jour plus que 36 000. Des chiffres qui inquiètent et interrogent sur leur survie. Combien d’années encore en trouverons-nous dans nos villes et villages ?
L’association des cafés et bistrots de France s’inquiète du sort qui les attend et compte bien les défendre ! Pour ce faire, Alain Fontaine déposait un dossier au ministère de la culture en octobre 2020 dans le but d’inscrire les bistrots et cafés français à la liste du patrimoine culturel immatériel.
Dans la même lignée, pour que ces espaces en voie de disparition ne soient pas oubliés, le travail d’archivage de la série “Rades” a son importance et peut être considéré comme un appel à soutien pour qu’ils puissent exister, encore quelque temps au moins.
Le travail de Guillaume Blot vous a plu ? Vous pourrez retrouver son travail qui mêle art et sociologie avec une sensibilité sans pareil sur son site ou sur Instagram !