Pat Perry mêle la réalité et l’imaginaire dans des œuvres qui semblent tout droit sorties d’un rêve – mais d’un rêve aux accents dissonants, et souvent critique vis-à-vis de notre société actuelle. Artiste polyvalent, il réalise des créations variées allant du dessin très détaillé en noir et blanc au mural coloré, en passant par la peinture.
Pat Perry représente aussi bien des corps que des paysages dans ses œuvres. Si celles-ci témoignent d’une vraie diversité, au niveau des médiums utilisés comme du style ou des thèmes abordés, on peut peut-être néanmoins y déceler une certaine unité à travers la notion de réalisme dissonant. L’artiste ajoute toujours une certaine touche d’étrange, par des éléments inhabituels ou par des jeux de points de vue.
L’artiste
Pat Perry est un artiste – illustrateur américain originaire du Michigan qui adopte un style crayonné et foisonnant d’idées parfois très colorées. L’artiste s’inspire lui-même du « Lowbrow Art » apparu à Los Angeles à la fin des années 70, c’est à dire qu’il se réapproprie les codes issus des médias populaires tels que les comics, les dessin animés etc…, pour donner à ses illustrations ce même ton humoristique et sarcastique. Il est très doué dans ce qu’il fait et ses travaux sont une grande source d’inspiration.
Pat Perry réalise des peintures à l’acrylique aussi bien que des photographies, des dessins ou des muraux à travers le monde. Tous ces arts s’entremêlent chez lui en permanence, ses peintures ont parfois l’aspect de photographie et inversement. Recital XIII (voir ci-dessous) ressemble par exemple beaucoup à l’une de ses photos au niveau des couleurs notamment ; quant à CL Still Life (voir ci-dessus), l’ombre du personnage qui semble faire une photo est très éloquente sur cette caractéristique des peintures de l’artiste, photographiques.
S’il vit et travaille actuellement à Detroit, Pat Perry crée aussi des peintures murales dans diverses régions du monde : Kosovo, Irak, Alaska, Churchill (Canada), Belgique… Il peint par exemple à Churchill sur un avion suite à un crash (le « Miss Piggy »), sollicitant les motifs de la tête de mort et des fleurs. Cette œuvre s’inscrit dans une critique de la part de l’artiste de notre dépendance à l’industrie, dans des aires où celle-ci décline (comme dans le Michigan) et met en danger la vie de milliers, de millions de personnes, voire plus. C’est un hommage à des villes en difficulté : plutôt que de peindre la joie, Pat Perry décide de « dire la vérité » (« to tell the truth »).
Des sujets de prédilection variés
Pat Perry s’oriente au départ vers des dessins réalistes et très détaillés qui se caractérisent par une certaine angoisse et un rapport sombre à la société. Cette démarche est toujours perceptible dans ses œuvres plus récentes, mais l’artiste se tourne aujourd’hui davantage vers la peinture et l’introduction d’éléments dissonants ponctuels plutôt que des représentations aussi ouvertement critiques, et entièrement dissonantes, qu’auparavant.
Dans ses peintures, l’artiste parvient à nous rendre étrangers des paysages qui auraient pu nous être familiers, en introduisant quelque détail étrange (une silhouette de cheval faite d’objets dans Recital XIII, une autre créature dans Recital XII) ou en les recouvrant d’une lumière particulière. C’est aussi une façon de donner vie aux objets qui nous entourent.
Ranimer des objets abandonnés
En effet, outre ses travaux sur des êtres humains ou sur des paysages, l’artiste s’intéresse également aux objets ou espaces abandonnés. S’il peut également rendre étranges ces derniers en insérant quelque élément inhabituel dans le tableau (un homme tenant un stand avec des ballons, des smileys dessinés…), Pat Perry joue aussi de la lumière pour ranimer ces objets perdus et amassés au milieu de nulle part, en leur donnant de la chaleur, de la vie, et en renouvelant notre regard sur eux.
Cela vaut pour des matelas, des machines à laver, des postes de télévision… et tous les autres objets entassés dans des zones désertes, symboles et symptômes de notre société de surconsommation où l’on achète, on utilise puis l’on jette pour acheter à nouveau, y compris si l’objet est toujours performant ; et quand bien même il l’est moins, sans jamais envisager de le réparer.
Cet enjeu des décharges sauvages, qui ne sont qu’un des aspects que peut prendre cette surconsommation ainsi que la mondialisation avec le rejet erratique des déchets, est particulièrement important aux Etats-Unis. C’est ce que montrent Marie-Noëlle Carré et François Michel Le Tourneau dans « Les espaces-déchets, d’autres grands espaces américains » dans L’espace géographique, en parlant de « wastelands » et de « consommation de l’espace ». En choisissant de peindre de tels lieux et objets et en les éclairant différemment, notamment avec ses smileys, Pat Perry leur redonne une seconde vie et renouvelle notre rapport à ceux-ci.
Cette attention portée aux espaces délaissés est aussi typique du travail d’Ilan Benattar, un photographe spécialisé dans la photographie d’architectures abandonnées, où les créations humaines artificielles sont renversées par la nature.
Le travail de Pat Perry sur les jeux de lumière et son intérêt pour les bâtiments peut également nous faire penser au style d’Hopper.
L’œuvre de Pat Perry se caractérise donc bien par une sorte de réalisme angoissé, dissonant, et où les objets occupent une place majeure. Y compris quand il représente des humains, l’artiste les met toujours en scène de sorte à les réifier, à ce qu’ils se confondent avec des choses, dans ses dessins également.
Dans Sensemakers, ils sont affublés de vêtements ou de masques particuliers. La piñata en forme de sablier n’a rien d’anodin, dans un décor où la nature semble avoir repris ses droits ; comme si cela n’était plus qu’une question de temps avant que notre industrie ne fasse faillite pour de bon, ainsi que notre économie, et notre mode de vie. Cette façon d’interroger le sens de la vie, des choses, des endroits est un point récurrent dans le travail de l’artiste.
Retrouvez les œuvres de Pat Perry sur son site.
D’autres créations de l’artiste
Article original par Francois Leroy publié – en mars 2012,
1 commentaire
Antoine Duchamp
Je connaissais ce gars là, il est vraiment doué ! On peut passer des heures sur son site sans se lasser d’admirer son travail. Good work !