Lesteven Nicolas Rivals

Lesteven : l’art de la photographie nocturne réinventé

Image d'avatar de Régis GuyotRégis Guyot - Le 4 mai 2020

Voir le monde autrement, appréhender les phénomènes au-delà de la simple connaissance du commun des mortels, c’est ce que propose avec entrain l’artiste Nicolas Rivals. Particulièrement à travers son œuvre baptisée LESTEVEN, il entend apporter une nouvelle dimension esthétique à la photographie. Ceci grâce à la mise en avant de la singularité ainsi que la dichotomie de l’existant. Ombre et lumière, deux mots qui résument en tout cas à merveille ce sur quoi l’auteur des clichés, en soulevant une énigme absolue, ambitionne d’attirer l’attention du public.

Lesteven Nicolas Rivals
Lesteven Nicolas Rivals photographie
Un homme-branche ? Chimères de Lesteven

D’origine française et résidant à Paris, le photographe lauréat du Grand Prix ETPA en 2013 est incontestablement un amoureux de la nature. La plupart de ses réalisations la dépeigne avec un cachet tout particulier et l’objectif assumé d’en faire ressortir toute la singularité (voir sa série La Linéa Roja). Pour ce membre fondateur du collectif Prisme noir, la luminosité est un mystère et son travail n’a pour autre vocation que d’en faire ouvertement part. Alors, sans la moindre hésitation, partez voyager en sa compagnie en terre bretonne, du côté de Lesteven, pour tenter de trouver d’authentiques pistes de réflexion sur la vision humaine à adopter face au silence de l’univers…

Photographie foret Lesteven
Une bête à cornes ? Les Chimères de Lesteven

En toile de fond du projet, une forêt empreinte de secrets

Lesteven, avant de se fondre avec habilité dans l’intitulé d’une fresque photographique hors du commun est avant tout l’appellation d’une forêt. Située en Bretagne, précisément sur la presqu’île de Crozon, elle a pour funeste particularité d’avoir été totalement détruite à la suite d’un incendie provoqué par les troupes allemandes en 1944. Bien des années plus tard, afin d’empêcher la mer de renforcer l’érosion de la côte, la réimplantation d’une pluralité d’arbres voit le jour. Malgré tout, le lieu garde l’empreinte indélébile ainsi que d’insoupçonnés vestiges de ce malheureux passé.

photographie crozon Lesteven

Il est dès lors aisé d’apercevoir à l’ombre des grands résineux, de petites plantes avides de fuir l’obscurité ambiante. À peine sorties de terre, elles s’enroulent et se contorsionnent en tentant désespérément d’atteindre la lueur diurne. En opposition à la noirceur des géants peuplant le massif, ces arbustes aussi fugaces que tortueux apparaissent toujours avec davantage de clarté et de franchise. C’est ce contraste que Nicolas Rivals capture pour donner du relief à une intention faisant la part belle à un féroce combat entre ombre et lumière.

Une trilogie faisant l’apologie d’une féconde luminosité artistique

Les négatifs constitutifs d’une passionnante trilogie ont été saisis au sein même de la forêt de Lesteven et dans ses proches environs. Les scènes, réalisées de 2016 à 2019 à partir de matériaux naturels, mettent l’accent sur blanc et le noir tout en relevant l’aspect ô combien surprenant des paysages. Mais c’est sans nul doute une citation angoissante de Terry Pratchett qui présente le mieux les contours du processus créatif à l’œuvre : « La lumière croit voyager plus vite que tout, mais elle se trompe. Elle aura beau foncer le plus vite possible, elle verra toujours que les ténèbres sont arrivées les premières et qu’elles l’attendent ». Tout est dit…

cliché Lesteven par le photographe Nicolas Rivals
Cible nocturne / La part de l’ombre

Une invitation à concevoir à laquelle Nicolas Rivals, dont la photographie se revendique haut et fort empreinte d’illusion profonde, entend bien répondre. Dès lors, les instantanés bretons les plus sensationnels sont incontestablement ceux sur lesquels émergent du sol, sur un fond sombre jonché d’arbres gigantesques, de distinctives chimères végétales quasi fantomatiques. Sur d’autres, l’œil se plaît à percevoir la part de l’ombre où l’obscurité paraît construire ses propres frontières. Sans compter l’invitation à contempler le stigmate d’un monde où seule la lumière semble demeurer quand tout le reste s’enfuit au grand galop. En tout état de cause, voilà bien un triptyque à travers lequel rien ne se ressemble confusément ! Tout y est distinctement différent !

Au-delà de Lesteven, une œuvre à l’objet clairement pluriel

Au-delà de ce travail propre à Lesteven, qu’est-ce qui fait finalement courir Nicolas Rivals, cet artiste spécialiste des clichés nocturnes ? Une question à laquelle il s’étend longuement sur la page de présentation de son site internet.

failleu luminescente
Faille luminescente / Stigmate

Le visiteur en quête de réponses peut ainsi y lire ces mots emplis de simplicité et de franchise : « Enfant, je ne comprenais pas la nuit. Je la trouvais trop sombre, trop hostile. Le crépuscule ne m’inspirait rien d’autre que l’attente de l’aube. À quoi pouvait servir cette période de ma journée, je l’aurais bien supprimée. Pour calmer leurs angoisses, certains rangent leurs stylos, d’autres lavent leurs voitures. Moi, je ré-éclaire la nuit. Inexorablement. L’appareil capte ce que l’œil ne peut comprendre, enregistre le temps qui passe, fixe l’onde insaisissable. Et quand la pause longue révèle la lumière, mes photographies font de la plus petite lueur un brasier. La nuit est toujours là mais l’obscurité a disparu. »

si l’ombre s’émancipe, elle reprend ses droits et devient matière. Elle découpe alors le paysage et nous donne à voir un monde dont elle a pris sa part

Nicolas Rivals
soucoupe bretonne
Soucoupe bretonne / Stigmate

La durée et l’illumination sont de fait des remèdes à une vie nocturne perçue comme inamicale, voire néfaste. L’empreinte du brillant, de l’étincelant offre l’opportunité de sortir de ténèbres marquées autant par le vide que l’absence. Par ces œuvres aussi bien philosophiques qu’artistiques, Nicolas Rivals invite à une authentique prise de conscience, à une reconsidération des espaces de l’ombre et de l’éclat. C’est d’ailleurs tout le sens de son propos lorsqu’il indique que « si l’ombre s’émancipe, elle reprend ses droits et devient matière. Elle découpe alors le paysage et nous donne à voir un monde dont elle a pris sa part. » La réflexion s’impose et interpelle tout un chacun sur la place qu’il accorde au rôle de la luminescence de l’astre lunaire ou encore à l’éclairage public dans sa vie de toutes les nuits.

casca de lumière
Cascade de lumière / Stigmate

Un débat culturel plein de flammes, de flashs et d’éclairs en perspective…

son site

Partagez avec vos amis :)
Tags en rapport :
A voir aussi !
Le Crossroads festival revient à Roubaix pour sa 9e édition

Le Crossroads festival revient à Roubaix pour sa 9e édition

Du 5 au 7 novembre, le Crossroads festival revient à…

28 octobre 2024

Quand Arte présente le graffiti, entre politique, oppression et résistance

Quand Arte présente le graffiti, entre politique, oppression et résistance

Arte nous surprend une fois de plus avec un sujet…

13 octobre 2024

Raquel Aparicio illustre en douceur

Raquel Aparicio illustre en douceur

Les illustrations de Raquel Aparicio ne sont pas exclusivement réservées…

4 octobre 2024

Régis Guyot
Article écrit par :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.