Sur son compte Instagram, Lana Sator présente ses photographies comme un blog personnel. Mais ses clichés relèvent plus de paysages d’auteurs que des images de vacances amatrices. Née durant les dernières années de l’URSS, la culture soviétique et le faste perdu de ses bâtiments guident l’esthétique de l’artiste.

Des friches d’un autre temps
La photographe russe a 31 ans. Mais la limiter à ce statut ne serait pas lui rendre hommage. Exploratrice urbaine, pilote de drone, autostoppeuse invétérée, Lana Sator est basée à Moscou. Son créneau ? Les photographies de friches soviétiques abandonnées, à travers son pays. Et le résultat est poignant : un récit intemporel entre national géographique et reportage underground, axé sur des couleurs contrastées et souvent froides.
Elle voyage avec Arseniy Kotov à travers la Russie pour explorer. À travers leurs périples, ils visitent les anciens lieux de tourisme soviétiques et font naître un regard nouveau sur des bâtiments qu’on peine légèrement à imaginer fonctionnels. Les prises de vues oscillent entre caméra à la main et images vues du ciel. Comme des témoins d’une civilisation déchue, les deux photographes documentent ce qui n’intéresse plus l’industrie, ce qu’elle a créée pendant ses heures de gloire et délaissé depuis.
Elle propose aussi des tours guidés à travers ses trouvailles : hôtels vides, hutte de sorcière, puits désolés… Devenue spécialiste de l’architecture soviétique, Lana Sator prend le rôle de l’aventurière photographe au pouvoir de révéler ce qui n’est habituellement pas regardé.


Un graphisme du désolé
Hormis quelques photos d’elle et de ses compagnons d’exploration, Lana Sator ne photographie que des monuments. Architectures classiques de l’est, grands bâtiments de béton repris par la nature et les tags, le doute est permanent quant à l’usage fait des sites qu’elle nous dévoile. Quelques silhouettes familières viennent nous rappeler que 1991, c’était il n’y a pas si longtemps que ça : bateaux d’armée, avions commerciaux, machines de constructions, bus et trains… Tant d’engins familiers que voir laissés à l’abandon ou dormant fait naître un nous un sentiment étrange.
Une ambiance à la Léos Carax, en somme. Ajoutez à ça les perspectives typiques du bloc communiste – des lignes droites d’une taille surréelle – et l’illusion du décor de cinéma est parfaite. Entre neige et forêt, stalactites et soleil couchant, la perspective aérienne a des allures d’œuvres minecrafts transposées au réel.
Si l’utilisation du drone est devenu commun en photographie, avec des séries ultra reconnues telles les Unequal Scenes de John Miller, le travail de Lana Sator tire son épingle du jeu esthétique par son sujet et sa diversité : de l’immense à l’infiniment petit, des statues et de leurs détails à la vue complète d’une ville ou d’un village abandonné. Une manière choisie de nous présenter ces lieux qu’elle découvre et fait vivre un peu comme si on y était.


Au-delà de l’image, un questionnement latent
On rappelle trop peu que la photographie est subjective. Le travail de la photographe russe nous le rappelle pourtant brutalement. À travers les lieux qu’elle choisit, le spectateur se voit imposer une vision nouvelle d’endroits maintes fois décrits ou fantasmés. Elle nous plonge dans cet environnement dépourvu de toute humanité, amplifié par les spécificités architecturales d’époque.
Mais qu’est-il donc arrivés aux humains qui occupaient jadis ces lieux ? Pourquoi tant d’efforts pour construire ces bâtiments grandioses alors qu’on les laisse se désintégrer avec le temps ? Témoins d’une époque révolue, et pleine encore d’objets et d’indices du présent, Sator et ses photos nous font questionner l’industrialisation et sa décadence là où était promis un Éden social et sociétal.





Julien P
Bonjour,
Merci pour cette découverte.
Son compte Instagram indique qu’elle a été arrêtée en Albanie.
Savez-vous pourquoi ?