Une équipe d’étudiants de l’université de Chicago (Etats-Unis) épaulés par leurs professeurs a récemment mis au point un logiciel du nom de Glaze, le premier à apporter une solution concrète aux artistes victimes de plagiat de leur style par les Intelligences Artificielles.
Le risque des IA pour les artistes
Copier leur style
Entre janvier 2021 et août 2022 sont apparues trois IA génératives capables de créer des images en reproduisant le style de certains artistes, sans leur consentement, et sans les créditer ou leur verser de somme d’argent. Elles répondent aux noms de Midjourney, de DALL-E, de Stable Diffusion : autant de logiciels exaltants pour les ingénieurs, chercheurs qui travaillent dessus ou les utilisateurs qui les découvrent, mais très inquiétants pour les artistes.
De tels outils existaient déjà auparavant mais n’avaient pas atteint un tel degré de popularité et d’efficacité, et ces dernières années ont vu exploser le nombre de recours à ceux-ci, par des particuliers comme par des entreprises. Désormais, en quelques secondes et avec quelques mots seulement, une IA peut reproduire le style de n’importe quel∙le artiste pour n’importe quel sujet, selon ce que le client indique et désire.
C’est une avancée technologique spectaculaire pour certain∙es, une consternation d’un point de vue artistique et humain pour d’autres : en effet, ce sont des milliers d’artistes qui deviennent vulnérables, au niveau financier comme au niveau de leurs droits d’auteurs. Ils se voient en effet dépossédés de leur travail, et de manière tout à fait légale.
Un phénomène autorisé, ou un vol massif ?
Midjourney et d’autres logiciels que sont Deviantart et Stability AI sont actuellement poursuivis devant la justice par un collectif d’artistes refusant de voir leurs droits d’auteurs bafoués sans agir : Sarah Andersen, Karla Ortiz et Kelly McKernan ont intenté un procès en janvier 2023 face à ces IA.
Si les positions dans le débat relatif aux IA divergent, un tel procès pourrait aboutir si ce n’est à une véritable restriction de ces IA, du moins à un encadrement légal de celles-ci. En effet, nombre d’artistes se plaignent de voir leurs œuvres intégrées dans le système d’apprentissage des IA sans leur consentement. En générant des images qui reproduisent le style de certain∙es artistes, les IA les dépossèdent à la fois de la rémunération financière qui leur est due, et à la fois de leur identité artistique, personnelle et constituant le fruit de leur travail.
Les artistes ne sont pas les seuls à s’opposer aux pratiques actuelles des IA génératrices, et Getty Images a également attaqué en ce début d’année 2023 Stability AI pour violation des droits d’auteur et contrefaçon de marque.
Glaze : berner les IA
Le logiciel Glaze constitue donc une autre façon de lutter face à l’expansion des IA dans le domaine artistique et de protéger activement les droits d’auteurs des artistes s’ils le souhaitent. « Glaze » pouvant être traduit par vernis, lustre, glaçage en français, il s’agit véritablement de recouvrir numériquement l’œuvre d’un∙e artiste publiée en ligne en modifiant certains éléments de sorte à ce que les transformations soient quasiment imperceptibles à l’œil humain, mais qu’elles suffisent à tromper une IA et à l’empêcher de copier le style des artistes.
Il est créé en février 2023 par trois étudiants accompagnés par leurs trois professeurs ; Jenna Cryan, Shawn Shan, Emily Wenger, avec Heather Zheng, Rana Hanocka et Ben Zhao. L’équipe a également fait appel à trois artistes pour collaborer sur le projet ; Lyndsey Gallant, Nathan Fowkes et Karla Ortiz, l’une des plaignants du procès contre Midjourney, DeviantArt et Stability AI.
Il s’agit donc réellement d’une tentative de faire obstacle au pillage des IA dans le champ artistique, et l’équipe présente Glaze comme un outil à disposition des artistes qui souhaiteraient se protéger efficacement face aux IA, au vu du manque de moyens actuels qui leur sont donnés pour cela.
Il est d’une part impossible en tant qu’artiste aujourd’hui d’empêcher ses œuvres d’être sur internet, mais aussi très peu souhaitable puisque les réseaux constituent un canal de transmission essentiel pour communiquer sur son travail et se faire connaître. Or tout ce qui est sur internet peut aujourd’hui être intégré dans la base de données des IA, peu importent les copyrights ou autres moyens d’assurer sa propriété intellectuelle.
Quel futur pour cette innovation ?
Cependant, comme l’équipe l’indique et comme on pourrait s’en douter, la solution offerte par Glaze n’est en réalité que temporaire, puisque les IA apprendront probablement à faire avec et à décoder les images protégées par les artistes. Mais peut-être les développeurs de Glaze pourront-ils eux aussi complexifier leur système, ou peut-être que d’autres y parviendront.
Outre une méthode de protection éphémère, Glaze constitue aussi simplement une manifestation des protestations contre ces IA, l’expression d’un mécontentement réel et partagé. C’est également une façon de montrer que les IA peuvent aussi être utilisées pour en contrer d’autres, et cela pourra peut-être encourager à la création de logiciels semblables. C’est « a necessary first step », comme le déclarent les membres du projet Glaze ; un premier pas nécessaire.
Merci à Korben de nous avoir fait découvrir cet outil.