Diébédo Francis Kéré est un architecte burkinabé. Il est le premier Africain à être récompensé par le prix Pritzker, la plus haute distinction en architecture.

Photographe : Urban Zintel
Formé en Allemagne, il débute sa carrière par la construction d’une école dans le village de son enfance au Burkina Faso. Depuis, il multiplie les projets aux quatre coins du monde. L’architecture de Diébédo Francis Kéré c’est la priorité donnée au bien-être des utilisateurs, à l’emploi des populations locales, à l’utilisation des ressources naturelles et à des constructions écologiquement durables.

Photographe : Enrico Cano
Une école comme premier projet : construire l’avenir des enfants
Né en 1965 dans le petit village sans eau ni électricité de Gando au Burkina Faso, il est le fils ainé du chef local. Les scarifications de son visage, symbolisant les rayons du soleil, sont la marque de ce statut dont il a bénéficié. En raison de l’absence d’école à Gando, il part dès l’âge de sept ans à Ouagadougou afin de poursuivre son apprentissage. Quelques années plus tard, il obtient une bourse afin d’étudier le travail du bois en Allemagne. Une fois installé là-bas, il entame des études d’architecture à l’université technique de Berlin.

Pour son projet de fin d’études, il choisit de construire une école dans le village de son enfance. Cette école marquera les bases de son style. Depuis ce projet, la plupart de ses constructions privilégient le confort des populations. Souvent, elles sont dotées de murs en briques de terre cuite fabriquées sur place et sont ombragées par des plafonds perforés couronnés d’un mince “toit volant” afin de s’adapter au climat aride de l’Afrique. Il a également l’habitude de recourir au refroidissement naturel pour éviter le recours à la climatisation.

Photographe : Iwan Baan
Pour l’école de Gando par exemple, il a suspendu un auvent métallique au-dessus des salles de classe afin de favoriser la ventilation en cheminée, en aspirant l’air frais par les fenêtres latérales du bâtiment et en rejetant l’air chaud par les trous du plafond. Pour Diébédo Francis Kéré, bâtir des écoles lumineuses tout en protégeant les enfants de la chaleur c’est leur offrir les meilleures conditions possibles pour leur apprentissage et ainsi la construction de leur propre avenir.
Pour bâtir cette école, tout le village a participé. Les enfants ont ramassé des pierres pour les fondations tandis que les femmes ont apporté de l’eau pour la fabrication des briques. Depuis, l’architecte ne cesse d’appliquer cette méthode de pratique collaborative que ce soit dans l’élaboration du projet ou dans sa construction.
C’est l’obtention du prix Aga Khan en 2004, récompensant l’architecture de cette école, qui offre à Diébédo Francis Kéré une renommée internationale dès le début de sa carrière. L’année suivante, il fonde son cabinet d’architecture Kéré Architecture à Berlin.

Photographe : Iwan Baan
Reconnaissance internationale et multiplication des projets
Les projets qui suivront participeront à l’amélioration de l’école. Il bâtit notamment les logements pour les enseignants au sein une cour incurvée afin de rappeler l’enceinte d’un village traditionnel ainsi qu’une bibliothèque dotée d’un puits de lumière réalisé à partir de pots d’argile sciés coulés dans le plafond… Puis les opportunités se multiplieront avec un centre pour les femmes, un lycée, un atelier de formation aux techniques de construction… Jusqu’à quinze ans plus tard, être sélectionné pour concevoir le parlement national burkinabé et recevoir des commandes internationales comme le pavillon Serpentine en 2017 ou une installation pour le festival de musique Coachella en 2019. Ces projets lui permettront de faire connaitre son travail en Afrique et de continuer à collecter des fonds pour la Kéré Foundation, une organisation à but non lucratif qui soutient des projets à Gando.

Photographe : Iwan Baan
Il multiplie également les projets dans d’autres pays africains comme au Mali avec le réaménagement du parc national de Bamako et un centre d’architecture de la terre à Mopti mais aussi au Togo, au Soudan, au Kenya, au Mozambique ou encore au Bénin. Ses constructions sont un magnifique mélange du savoir technique acquis lors de ses études en Allemagne avec les ressources et les traditions locales.

Photographe : Diébédo Francis Kéré
Observer, expérimenter, évoluer : un architecte afrofuturiste
Diébédo Francis Kéré accorde une grande importance à l’expérimentation. Au Burkina Faso, il expérimente différents matériaux. En 2016, pour une école à Koudougou, il utilise de la pierre de latérite locale qui a la particularité d’absorber la chaleur pendant la journée et de la restituer la nuit. À cette pierre, il associe une deuxième façade en bois d’eucalyptus afin de créer des espaces ombragés entre les salles de classe où les élèves peuvent se rassembler entre les cours.

Photographe : Iwan Baan
Toujours à Koudougou, en 2020, pour l’Institut de technologie du Burkina, il élabore des murs en argile coulés sur place dans le but d’accélérer le processus de construction. Les murs des salles de classe ont été équipés de persiennes pour une meilleure ventilation et l’eucalyptus a été de nouveau utilisé pour recouvrir le toit métallique en zigzag.
Continuant d’expérimenter des alternatives naturelles à la climatisation, il recourt à des tours à vent inspirées de la formes des termitières pour un campus technologique au Kenya, achevé l’année dernière.
L’architecte se revendique du courant de l’afrofuturisme, il souhaite que son travail s’ancre dans le contexte actuel et soit tournée vers l’avenir.
Nos projets explorent le potentiel d’un hybride de haute et de basse technologie, en introduisant des technologies de pointe dans des environnements ruraux tout en rejetant les modèles importés mal adaptés pour les émanciper de l’obsolescence planifiée. Les combinaisons de matériaux organiques et industriels prennent une forme audacieuse et dynamique, produisant une esthétique futuriste distincte.
Diébédo Francis Kéré

Photographe : James Florio
La consécration : l’obtention du prix Pritzker 2022
La dernière étape en date de son ascension fulgurante (et méritée) est l’obtention du prix Pritzker 2022. Depuis sa création en 1979, c’est la première fois qu’un architecte africain en est le lauréat. Une particularité qui s’explique notamment par une profession qui reste encore très blanche et très masculine. En 2004, l’architecte irako-britannique Zaha Hadid est la première des quatre femmes a avoir été récompensées d’un Pritzker.
L’ensemble de l’œuvre de Francis Kéré nous montre le pouvoir de la matérialité ancrée dans le lieu […] Ses bâtiments, pour et avec les communautés, sont directement de ces communautés – dans leur fabrication, leurs matériaux, leurs programmes et leurs caractères uniques. Ils ont une présence sans prétention et un impact façonné par la grâce.
Déclaration du jury du Pritzker, présidé par le militant-architecte chilien Alejandro Aravena
Ce prix, c’est la récompense d’une carrière en construction. Parmi les projets de Diébédo Francis Kéré on retrouve le nouveau Goethe Institut au Sénégal, un musée au Rwanda et un imposant centre civique pour le campus universitaire de Munich où il enseigne. Son plus grand projet à ce jour, c’est celui de l’Assemblée nationale du Bénin. Il est actuellement en cours de construction au sein de la capitale Porto-Novo. Sous la forme d’un majestueux arbre à palabres, la salle de débat devrait refléter la manière dont la démocratie a toujours été conduite en Afrique occidentale : sous les arbres.

Photographe : Kéré Architecture Render

Photographe : Kéré Architecture Render
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Retrouvez notre dernier article sur une architecture éco-responsable avec Bee Brick des briques percées design pour héberger les abeilles sauvages.
1 commentaire
Fanny
Très bel article, avec de très belles photos !!