Denis Dailleux est un photographe remarquable qui réussit à saisir des vies et des instants en une seule image. Né à Anger, il vient d’un milieu rural ce qui motive – sûrement – ses choix de photographier des modèles et leurs lieux issus de la vie populaire. Ses photos sont des témoignages poignants qui rayonnent de vérités. Les âmes qu’il capture transpercent son objectif pour venir à notre rencontre.

Il travaille avec un appareil argentique ce qui donne à ses photos leurs caractères lumineux. Il apprécie notamment le cadre 6×6 pour profiter de plans resserrés et d’une facilité de cadrage par rapport à ses modèles. Les photos ne semblent pas être retouchées, il n’y a pas de mise en scène, et parfois certains sujets sont flous, tous ces éléments créent des compositions authentiques. Denis Dailleux préfère laisser ses modèles agir seuls pour être les plus naturels possible.
L’objectif de son appareil photo n’est pas au-dessus, ce qui l’oblige à baisser la tête. Pour lui, c’est un élément important qui change sa relation avec ses sujets. Il ne veut pas les dominer, mais justement se faire oublier et disparaitre derrière son objectif. Ses personnages paraissent confiants, on découvre des hommes et des femmes dans un instant pur et figé.
« Pour moi la photographie c’est plus une fusion qu’une vison »
interview de Denis Dailleux avec France Inter

Un retour vers l’enfance
Un premier projet sur ses origines
Le premier projet de Denis Dailleux a été la recherche d’un sujet passionnant et parlant. Il repense alors à son enfance et décide de photographier des vieilles personnes de son village natal.
Les photographies sont en noir et blanc comme des anciennes photos de familles oubliées dans un album. Les modèles sont au centre de l’image, en plan moyen, l’individu est représenté dans son intégralité. On remarque alors des tenues typiques du monde rural. Ces paysans sont au milieu de la nature et tiennent tous un végétal qui symbolise le travail de la terre. L’ensemble donne à voir l’histoire d’une France rustique.



Durant la réalisation de ce projet, Denis Dailleux replonge dans son enfance et se souvient de sa grand-tante Juliette. Une femme qu’il a peu à peu oubliée en grandissant. Il décide de lui rendre visite et d’en faire le sujet d’un nouveau projet qui portera son nom.

Les portraits de Juliette sont éclatants, Denis Dailleux a su saisir la lumière pour faire ressortir les expressions de la femme, ainsi que les marques de vieillesse sur sa peau. Les cadres sont très serrés, en gros plan, et instituent une intimité surprenante entre le sujet et nous, spectateur. À travers ces photos, nous faisons progressivement la rencontre de Juliette, elles deviennent la mémoire de cette femme et de son temps sur terre.
Parfois certaines photos sont drôles et font sourire, la vieille femme semble se lâcher dans des postures inattendues, ou elle se déguise, se mettant totalement en scène. Par sa gaieté, une atmosphère enfantine se dégage des images. Nous avons le sentiment de rentrer dans les jeux d’un neveu avec sa tante, comme si le photographe retournait dans son enfance. Les photos sont incroyables tant elles arrivent à nous faire ressentir de la nostalgie.
Denis Dailleux a par ailleurs publié un livre photo de cette série photo au titre éponyme.




Une passion pour l’Égypte
Un des autres projets majeurs du photographe est sa série photo en Égypte.

Après être tombé amoureux d’un Égyptien, le photographe s’est installé au Caire. Là-bas son cœur s’éprend pour le pays. Il décide d’aller à la rencontre des quartiers populaires pour les photographier. Il va publier un premier petit livre intitulé Habibi Cairo qui va lui permettre de gagner un prix et de publier par la suite un livre-photo chez Gallimard : Fils de Roi.

Dans cette série de photos étalées sur 8 ans, Denis Dailleux nous présente des lieux, des personnes, des scènes du quotidien ; chacune des photos a une histoire à nous raconter. Loin des clichés sur l’Égypte instaurés par le tourisme, le photographe nous fait entrer chez eux, dans leur intimité. Nous ne sommes plus un simple spectateur, mais nous partageons la vie de ces sujets. Un thème qui rappelle la série photo sur le peuple nénètse en Sibérie de Oded Wagenstein.
Les photos sont spectaculaires, cela est dû aux couleurs éclatantes présentent dans l’image. Il joue d’ailleurs avec la lumière pour accentuer leurs pigments. La lumière vient d’en dehors du cadre et éclaire les modèles. Le jeu de clair-obscur et le cadre resserré donnent aux photos un caractère dramatique, les photos deviennent – presque – des tableaux. Et une vivacité émane des personnages.




Il profite aussi de ce long voyage pour réaliser une série photo appelée Mère et fils. La composition est simple, ce sont des portraits de femmes égyptiennes dans leurs maisons avec leurs fils qui s’affichent torses nus. Les hommes sont musclés et forts pourtant se dégage de leurs regards une certaine fragilité. Aux côtés de leur mère, ces hommes costauds se transforment en hommes sensibles. Les femmes, constamment assises, apparaissent plus fortes que leurs enfants. Les regards transpercent l’objectif et traduisent la tendresse de ces relations. Les couleurs sont d’ailleurs claires et lumineuses, ajoutant encore plus de douceur aux clichés.



Une envolée pour d’autres horizons
Après l’Égypte, Denis Daileux cherchait une nouvelle source d’inspiration. C’est en lisant un livre de Paul Strand sur le Ghana qu’il se décide à visiter ce pays. Il s’installe alors à Accra où il fait la connaissance d’une communauté de pêcheurs de Jamestown. Ce qui le frappe tout d’abord en arrivant, c’est le contraste entre la pudeur de l’Égypte et la liberté des corps nus qui s’épanouissent dans l’Afrique sub-saharienne.

Les photos sont très douces, notamment par le choix des couleurs claires comme le bleu clair de l’eau ou le blanc du sable. Les couleurs de l’arrière-plan font ressortir la peau à nue et noire des ghanéens.
La composition est d’une grande simplicité, les personnages sont, soit en mouvements, soit statiques, très à l’aise face à l’objectif, d’où s’exhale une sorte de jouissance de vivre. On retrouve beaucoup de portrait en buste où l’on peut voir le fin détail des corps qui fait ressortir toute la puissance de la chair. Cette série photo se présente comme une rencontre avec le Ghana et sa culture. Un documentaire photo pur et naturel.






Denis Dailleux travaille actuellement sur un nouveau projet en Inde, en attendant nous vous invitons à découvrir plus de photos de cet artiste sur son site web ou son compte Instagram.