Fruit d’un savant mélange des photographies d’inconnu.e.s mêlées aux clichés saturés de Martin Parr, “Déjà View” est l’ouvrage de la dualité et des drôles de coïncidences.
La confrontation de deux réalités
Sorti le 20 octobre 2021, Déjà View associe le travail de deux artistes : Martin Parr et Lee Shulman (The Anonymous Project). En proposant une confrontation de différents clichés proposés par les deux artistes, l’ouvrage met en lien des similitudes égarées et autres coïncidences troublantes.
Le secret de la confection de cet ouvrage est simple, mais percutante. En juxtaposant des clichés similaires mais tout de même distincts, le lecteur se retrouve à jouer aux 7 différences entre les deux. La juxtaposition étonne et ironise les situations, si bien qu’on en vient à se demander comment un tel recensement n’a pas pu être fait auparavant. La similitude est frappante, et pourtant, les photographies auraient pu ne jamais être réunies sans le travail de Martin Parr et de Lee Shulman.
La mise à l’honneur de la vie anonyme
Avec The Anonymous project, Lee Shulman se présente en tant que collectionneur de clichés d’anonymes. Depuis 2017, l’artiste recueille des diapositives couleur venues du monde entier. Les sujets sont variés : vacances à la plage, dîners de famille, anniversaires ou encore mariages, l’artiste les sélectionne consciencieusement pour les mettre en forme dans sa collection d’anonymes.
C’est lors de l’exposition The House, aux Rencontres de la photographie d’Arles en 2019, que son patchwork d’album photo familial fait sensation. On est bien loin de la mise en scène et de la photo de studio, avec The Anonymous Project, ce sont des gens ordinaires qu’on retrouve comme sujets des clichés.
J’ai un côté maniaque, j’aime que tout concorde.
Lee Shulman
Des gens tout aussi lambdas les uns que les autres, c’est sûrement ce qui peut le rapprocher du travail de Martin Parr. Tous deux abordent la photographie sous une approche vernaculaire : une photographie “banale, authentique et sans prétention artistique“.
Martin Parr et la banalité sublimée
Né en 1952, Martin Parr offre depuis de nombreuses années ses clichés aux couleurs criardes et aux émotions exacerbées. L’outrance, le photographe en fera une critique, en blâmant une société de la consommation démesurée et des excès banalisés. De la magie créée par l’union de son œuvre et de celle de Lee Shulman, Martin Parr l’expliquera par une citation figurant sur la quatrième de couverture de l’ouvrage :
J’apprécie la photo amateur car ses motivations sont pures.
Martin Parr
De son œil acéré et avisé, Martin Parr arrive à capter l’attrait de la plus banale des situations. En réussissant même à rendre esthétique le kitsch, notamment avec sa série d’autoportraits ou l’artiste se met en scène dans des visions qui frôlent le ridicule et le too much.
En réunissant le travail de ces deux artistes, “Déjà View” permet la confrontation de deux mondes : l’intentionnel et le hasard, le fortuit et le coup de chance.
Ce goût de “déjà view”
Avec une confrontation quasi symétrique, les clichés se ressemblent et déroutent. Le nouveau Martin Parr pourrait-il résider dans la figure de l’oncle qui prend constamment les photos de famille ? Combien de clichés de nos albums personnels pourraient ainsi être exposés en tant qu’œuvres ? Célébrer la beauté d’un quotidien, savourer les petits dérapages et en apprécier l’alignement parfait de certaines scènes de vies, voici ce qu’offre Déjà View.
Des situations cocasses et d’ironiques ratés de la vie, cela peut se trouver dans une glace à peine entamée qui coule inexorablement au sol. Curieux hasard, il se trouve qu’il s’agit là d’un des clichés les plus connus de Martin Parr, couplé d’une photographie extrêmement similaire provenant de la collection de clichés anonymes de Lee Shulman. Côte à côte, les images se ressemblent, se complètent et se reflètent.
Pour se procurer l’ouvrage : Déjà View, aux éditions Textuel