Fin 2020, l’année la plus solitaire pour nombreux d’entre nous vient de passer. De quoi presque oublier que nous sommes des milliards sur Terre, baignés dans une culture de plus en plus universelle et contradictoire. Le travail du photographe Martin Parr semble alors un bon moyen de se (re)découvrir, en tant que société de consommation et de divertissement. Un œil délicieusement moqueur et une composition qui ne laisse pas de place à l’à peu près qu’il fait bon de regarder, pour relativiser sur ces grands rassemblements qui commencent à nous manquer sérieusement.
Il suffit d’un rien
Martin Parr naît le 23 mai 1952 dans le Surrey en Angleterre. C’est à l’âge de 13 ans qu’il découvre son intérêt dévorant pour la photographie, révélé par les œuvres de Bill Brandt et Henry Cartier-Bresson exposés dans les galeries de Londres. Le jeune homme étudie cet art à Manchester dès 1970.
Trois années loin de la capitale qui lui offriront l’opportunité de poser le regard sur des sujets peu développés, notamment au travers une étude de la culture prolétarienne. Enfant de la bourgeoisie, il s’immiscera dans cet univers populaire en travaillant au centre de vacances de Butlin dans l’Est du Yorkshire. Fasciné par l’ennui, le moyen, le banal, Martin Parr publie son premier ouvrage en 1980. Intitulé “Bad Weather”, il choisit ainsi “un sujet qui préoccupe de façon obsessionnelle les Britanniques”. Il s’inscrit alors rapidement comme l’un des maîtres de la photographie vernaculaire, une photographie dite d’amateur dont le sujet est la vie de tous les jours, sans intention artistique. Son nom se répand comme une trainée de poudre dans le monde de la photographie et, en 1994, Martin Parr rejoint l’agence Magnum Photo. Il est entré dans la cour des grands.
Et lorsque l’on a observé une fois son travail, il est difficile de ne pas reconnaître sa patte dès qu’elle est là. Couleurs criardes, sujets à la limite du grotesque, compositions parfaitement surchargées, l’humain est au centre de ses clichés. Un humain ni beau, ni laid, dans un quotidien marqué d’une poésie quelque peu cynique. Martin Parr aime à capturer la société de communication et de consommation, ainsi que les loisirs des classes populaires. Foules à la mer, au centre commercial, à la montagne.
Miroir de l’Homme
Le terme utilisé par Parr lui-même pour désigner la puissance presque écrasante de ses images est “propagande”. Une propagande menée avec ses propres armes “la critique, la séduction, l’humour”. Ses clichés sont “originaux et divertissants, accessibles et compréhensibles“. Son travail, c’est un miroir grossissant sur nos propres incohérences, sur nos failles et nos névroses, nos passions et nos modes de vie.
Fort de ses nombreux voyages de par le monde, Martin Parr a su “capturer les caractéristiques nationales et les phénomènes internationaux afin de déterminer leur validité en tant que symboles qui aideront les générations futures à comprendre nos particularités culturelles“. Martin Parr transforme avec talent le familier en surprenant. Un regard crûment singulier sur notre société qui tend tout de même un message universel. À travers les caractéristiques individuelles et les excentricités de ses sujets se dessinent les signes visibles d’une mondialisation dévorante.
Inhabituelle aussi, sa façon de diffuser son travail. Les mêmes photographies sont utilisées dans le contexte de la photographie d’art, dans des expositions et des livres d’art, ainsi que dans les domaines de la publicité et du journalisme. Une façon de sauter par-dessus les barrières de la mode, du récit et du reportage, inspirant de nombreux autres artistes. Martin Parr prête son regard à de nombreux artistes de Madness à Louane, s’associe avec Toiletpaper Magazine ou Gucci, et fascine par sa pluralité qui reste toujours ancrée dans ses particularités.
Martin Parr sensibilise notre subconscient dans lequel ses images résonnent lorsque nous observons ce qui nous entoure. De quoi nous rassurer sur nos travers et de nous sentir moins seul. Uniques mais ensemble.