Photo de Charlotte Wells sur le tournage d'Aftersun

Charlotte Wells, le cinéma à fleur de peau

Image d'avatar de Aurelie CordonnierAurelie Cordonnier - Le 23 septembre 2024

Elle s’est faite connaître en 2022 avec la sortie de son premier long métrage, Aftersun, salué par la critique.

Photo de Charlotte Wells

Avec sa coupe à la garçonne, sa frimousse juvénile et ses faux airs timides, elle est peut-être le nouvel espoir du cinéma britannique. Elle, c’est Charlotte Wells, une réalisatrice écossaise. À son actif, pour l’instant, un seul long métrage. Mais un amour des images, des histoires et une sensibilité presque pudique qui transpercent l’écran à chaque seconde.

Le cinéma, comme une évidence pour Charlotte Wells

Dès son plus jeune âge, elle s’intéresse au septième art. Mais elle décide d’abord de poursuivre des études de lettres classiques et obtient un bachelor ès arts en lettres classiques au King’s College de Londres, puis un master ès arts à l’Université d’Oxford. Elle se lance ensuite dans la finance, un monde radicalement opposé de celui qui l’anime réellement.

C’est grâce à un camarade de classe, James Callum, qu’elle revient à ses premiers amours. Celui-ci dirige la Digital Orchard, une agence de post-production et de DIT, et lui demande son aide. De là, elle décide de profiter de cette expérience pour s’inscrire au programme d’études supérieures conjoint en commerce et en cinéma de l’Université de New York, dans l’intention de devenir productrice. Elle obtient un double Master of Fine Arts et Master of Business Administration à la Tisch School of the Arts et à la Stern School.

Charlotte Wells, Paul Mescal et Frankie Corio

A l’Université de New York, Wells réalise trois courts métrages : Tuesday (2015), sur une jeune fille de seize ans qui apprend à faire face à une grande perte, qui lui vaut la nomination du meilleur scénariste aux BAFTA Scotland New Talent Awards 2016; Laps (2016), sur un jour de semaine normal, jusqu’à ce que le personnage principal soit agressé sexuellement dans le métro de New York, qui lui vaut la reconnaissance spéciale du jury aux SXSW Short Film Awards et le prix spécial du jury pour le montage à Sundance 2017; et Blue Christmas (2017), sur un agent de recouvrement qui va travailler au lieu d’aller voir sa femme la veille de Noël pour éviter que sa psychose ne s’aggrave.

Et c’est en 2022 qu’elle porte enfin sur grand écran son premier film.

Aftersun, la douleur derrière la douceur

Les images VHS défilent et retracent les derniers souvenirs des vacances en Turquie de la jeune Sophie, 11 ans, et de son père Callum, à la fin des années 1990. Le soleil, la plage, l’hôtel… Le décor est planté pour nous faire plonger avec délicatesse dans cette chronique estivale. On regarde ce père aimant et sa fille partager des moments de joie, à travers une danse, une partie de billard… Mais derrière cette fausse légèreté se cache une réalité plus cruelle.

Car Aftersun n’est pas un film sur les moments de l’enfance. C’est une véritable enquête sur la perte d’un être cher, sur l’affrontement de la douleur causée par celle-ci et la reconstruction des souvenirs des années plus tard.

Extrait d'une scène du film Aftersun de Charlotte Wells

Une « autobiographie émotionnelle »

Derrière cette histoire se cache un peu de Charlotte Wells. Elle aussi a perdu son père à seize ans. Cela a nourri son inspiration mais Aftersun n’est pas pour autant un film biographique. Sophie n’est pas Charlotte, Callum n’est pas son père et elle n’est jamais partie en vacances avec lui en Turquie.

La réalisatrice parle plutôt d’« autobiographie émotionnelle », car les sentiments qui l’ont poussé à faire le film, eux, sont bien réels. Dans ce projet, elle a mis toute son âme. Peut-être y a-t-elle vu un moyen de faire face à ses propres souvenirs, à ses propres douleurs. C’est ce qu’elle a confié lors d’une interview au site Madmoizelle : « je pense que j’ai trouvé quelque chose dans ce processus. J’ai passé du temps à réfléchir à cette partie de ma vie et à ces sentiments, et à faire face à la douleur que j’ai ressentie. »

Comme un moyen cathartique d’affronter le passé, ce projet lui a aussi permis de véhiculer un message plus profond.

Un film sur la santé mentale

À mesure que les journées de vacances défilent, on sent que quelque chose ne va pas, qu’un mal ronge le père. Car Aftersun c’est aussi la représentation subtile mais authentique d’une maladie dévastatrice : la dépression.

Si à aucun moment le mot n’est évoqué, le poids que porte le personnage principal sur ses épaules est criant.

Image du film Aftersun où l'on voit Sophie et Callum à la plage

Charlotte Wells a fait le choix de dépeindre la malade de manière « authentique, désordonnée, compliquée, parfois contradictoire et parfois subversive par rapport à ce la façon dont les gens la perçoivent. » Elle n’a pas choisi de filmer de grandes scènes dramatiques, non. Elle a juste mis en scène un père qui essaie de faire de son mieux, pour sa fille, pour lui, mais le combat est plus lourd qu’il n’y paraît.

La démarche derrière cette représentation de la santé mentale est sincère. Pour une grande première, Charlotte Wells a réussi avec brio et en douceur à mettre en lumière des maux, des émotions difficiles. Un contraste frappant mais qui rend son art authentique et à fleur de peau, pour toucher au plus profond de lui-même un large public.

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Aurelie Cordonnier
Article écrit par :
Après des études d’histoire, Aurélie s'est tournée vers des études de journalisme. Férue de musique (notamment de hard rock, glam metal et heavy metal), de littérature et de cinéma, il était tout naturel pour elle que d’orienter son choix de carrière vers le journalisme culturel.

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