Artiste de la résidence SomoS (Berlin, Allemagne) été/automne 2021, Adam Lupton est un artiste Canadien né à Vancouver en 1987, et basé à New York.
Adam Lupton s’est fait connaitre ces dernières années pour ses peintures figuratives, parfois accompagnées d’installations et de vidéos, s’inspirant de son expérience avec les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). En plus de son attrait très personnel, l’œuvre de Lupton prend son inspiration dans la littérature, les mythes, ainsi que des récits et historiques religieux.
Déconstruire la peinture figurative traditionnelle
Bercé dans l’art depuis l’enfance, Lupton décide dans un premier temps d’étudier le graphisme, puis de travailler comme artiste autodidacte. Il ressent alors le besoin de suivre une formation plus formelle, et s’inscrit aux beaux-arts de la New York Academy of Art. Installé à Brooklyn, il développe une connaissance approfondie de la peinture et de la figuration. Il sinspire de la longue histoire de la peinture à l’huile académique occidentale, tout en la déformant par un maniement original du pinceau et des sujets.
Si sa formation en design graphique se ressent dans la peinture (avec une tendance à être hautement organisée et systématique), Lupton rompt avec les conventions standard de la peinture figurative classique en présentant des images parfois familières, parfois angoissantes et psychologiquement chargées.
L’influence d’artistes allemands, comme Neo Rauch et Anselm Kiefer, se fait ressentir dans certains choix de couleurs et de compositions.
Répétition, répétition, répétition…
La répétition est une des principales caractéristiques de la production actuelle du peintre. Son travail découle de sa tendance à effectuer des rituels mentaux et physiques pour vivre en paix avec ses troubles obsessionnels compulsifs.
Avec son pinceau, il tisse un ensemble de rituels et de mythes individuels et collectifs définissant nos tentatives d’obtenir des certitudes, dans un monde ponctué de perspectives déformantes. Il utilise également la technique de l’estampe, et du transfert de peinture à l’aide de timbres.
Au cours de sa résidence d’artiste à SomoS, Lupton a créé une série de peintures et installations faisant directement référence à son trouble. Comme On-Off, une série de 19 peintures représentant des mains identiques allumant et éteignant un poêle (et transformée en vidéo stop-motion).
La peur de faire des choix
Dans Human Entropy, Adam Lupton représente des figues ; un thème récurrent de son travail.
La représentation des figues lui vient du roman de Sylvia Plath “The Bell Jar”, dans lequel la poétesse est assise sous un figuier et imagine les figues au dessus d’elle comme toutes les vies différentes qu’elle pourrait vivre : une épouse et mère dans un foyer heureux, une célèbre poétesse, une brillante professeure, une vie en Europe, une en Afrique ou une en Amérique du Sud… Incapable d’en choisir une — parce qu’elle veut vivre toutes ces vies — les figues se mettent à tomber et à pourrir tout autour d’elle. En ne prenant pas de décision, elle finit par ne vivre aucune des vies qu’elle avait rêvé.
Dans l’œuvre d’Adam Lupton, ces figues représentent une angoisse du choix. L’anxiété de renoncer à de nombreuses opportunités et expériences en prenant une décision. “Quand tu fais un choix, tu renonces à tous les autres choix”.
Le terme « entropie » (du grec “transformation”) est le concept scientifique caractérisant des choses passant d’un état ordonné à un état chaotique. L’homme sur le tableau se sépare et s’éloigne des autres parties de lui-même, à une époque où l’artiste a connu beaucoup de changements dans sa vie : la pandémie, les amis qui déménagent, s’installent, font des enfants. Des expériences qui peuvent donner l’impression de voir différentes parties d’une vie s’éloigner les une des autres.
Invasive culpabilité
The Hellish Tattoo of the Heart explore le thème de la culpabilité, en s’inspirant de la nouvelle “The Tell Tales Heart”, par Edgar Allen Poe. “The Tell Tales Heart” est la chronique d’un homme qui, rongé par la culpabilité, sombre dans la folie.
Au début de l’histoire, le protagoniste assassine un homme, sans que l’on en connaisse la raison. Il procède ensuite à la découpe de son corps, et cache les morceaux de sa victime sous le plancher de sa maison. Plus tard, alors que la police l’interroge après avoir reçu une plainte pour bruit, le son du cœur battant du mort commence à s’intensifier dans l’esprit du protagoniste. Le meurtrier plonge alors dans un état de folie, ce qui l’amène à briser son plancher et à avouer le meurtre.
A travers cette œuvre, l’artiste s’adresse au spectateur et à notre relation à la culpabilité. Il représente la scène où l’assassin enterre le cœur de sa victime, mais au lieu d’un cœur, il peint une bûche à visage humain qui le regarde. Un motif repris dans plusieurs autres de ses œuvres.
Les bûches sont des métaphores de la culpabilité, un des sentiments les plus invasifs qui soit, notamment dans le trouble obsessionnel compulsif. Il semble impossible d’enfouir cette culpabilité, qui finit toujours pas refaire surface.
Être l’un, l’autre, et les deux à la fois
Basées sur des expériences d’angoisses personnelles, les peintures d’Adam Lupton semblent toutes être des brides d’autoportraits.
Dans Crush, l’artiste s’inspire du poème “You Are Jeff” de l’auteur américain Richard Siken. Cette pièce psychologique raconte l’histoire de deux frères voulant tous deux être l’autre, se sentant aliénés, et comme si, quoi qu’ils fassent, ils finissent toujours par emprunter le mauvais chemin de la vie.
Le livre lui-même est visible dans les étagères à gauche de la toile. Plusieurs images revoient directement au texte, comme l’insecte prisonnier sous un verre (sentiment de vivre dans un monde limité et prédestiné), le thème de la chambre, ou encore la représentation du corps et de la tête refusant d’aller dans la même direction.
Le tableau Shiny Shiny Shiny Boots of Leather s’inspire de la chanson “Venus in Furs”, du group de rock The Velvet Underground. En représentant une “maîtresse” fictive, entourée de flammes et de diamants — représentation du désir —, mélangée à des images tirées du titre “Take a Walk on the Wild Side” (Lou Reed); Lupton présente d’autres versions de lui-même.
Adam Lupton clos sa résidence à SomoS Art House par une exposition individuelle, “Gradually, then Suddenly”, en vue jusqu’au 12 mars 2022.
Vous pouvez retrouver tout le travail d’Adam Lupton sur son site et sur Instagram. Ainsi que plus d’informations sur la résidence SomoS Art House sur leur site et sur Instagram.
Plus de peintures figuratives sur Beware Magazine avec Miriam Dema.