C’est le coeur battant que mercredi après-midi, je pénètre dans la Galerie Martel, située au 17 de la rue du même nom, qui présente du 20 mars au 10 mai le travail de Brecht Vandenbroucke, et en particulier son dernier album « White Cube ». En attendant de rencontrer l’artiste , je prends le temps d’observer les œuvres présentées, une série de planches culottée et éclatante bourrée de références. Je n’en finit pas de m’esclaffer. Les petits curieux qui se sont rendu à Angoulème l’ont sans doute vu à l’exposition “La Boite à Gants” en compagnie de Brecht Evens.
L’artiste fini par arriver et son grand rire flamand inonde rapidement la pièce. Malgré l’agitation ambiante dû à la préparation du vernissage nous trouvons un petit coin tranquille afin de discuter. Les questions n’ont pas finit de me bruler les lèvres.
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Beware Mag : Bonjour Brecht ! Je suis ravie de te rencontrer et de te présenter aux lecteurs de Beware. Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Brecht Vandenbroucke : Il est assez classique. Je dessinais beaucoup enfant, comme tout les enfants, je faisais des bandes dessinées, et j’en lisais beaucoup. J’ai étudié pendant 5 ans à St Luc en illustration où j’ai été diplomé en 2008. Suite à mon diplôme, j’ai pris un an pour travailler, pour perfectionner mon style et ma technique. J’en ai aussi profité pour diffuser mon travail sur internet via MySpace et Facebook. Et c’est comme ça que ça a commencé, j’ai eu des commandes et petit à petit ça m’a amené à travailler pour des magazines et des journaux comme le New York Times, les Inrockultibles. C’est allé assez vite avec du recul.
BM : Tu as visiblement le dessin dans le sang. Est-ce que tu te souviens de la première chose que tu as dessinée ?
BV : Pas forcément avec précision, mais quand j’étais petit je me souviens avoir été très inspiré par les Tortues Ninjas. Je les ai dessinés de nombreuses fois. J’étais très attiré par les couleurs de ce dessin animé. Encore aujourd’hui c’est quelque chose qui m’attire et m’inspire : les couleurs et les personnages issus de la de la pop culture.
BM : Justement, à propos de Pop culture, dans l’ensemble de ton travail on remarque que tu aimes t’en prendre aux œuvres d’art ou aux personnages issus de dessins animés ou de jeux vidéos, pourquoi ce choix ? Avais tu des comptes à régler?
BV : Il y a plusieurs raisons. Dans le monde de l’art, tout le monde a un avis sur tout. Je voulais mettre en image le mien. S’en prendre aux icônes issues de la pop culture, ou aux œuvres d’art est le meilleur moyen de toucher les gens. Tout le monde connaît Le Cri de Munch, ou les personnages de Street Fighter. On comprend rapidement de quoi je parle, ce à quoi je fais allusion, ce n’est pas forcément une référence obscure et élitiste qu’une minorité de personnes va comprendre. Si je choisis ces sujets-là, c’est aussi par pur amusement, par plaisir de l’absurde. J‘essaye de ne pas trop intellectualiser ce que je fais. Le rire est mon premier moteur, au delà de toute les question existentielles que je me pose. Je m’amuse avec toutes ces références et si ça amuse les autres, c’est tant mieux.
Dans le monde de l’art, tout le monde a un avis sur tout. Je voulais mettre en image le mien.
Brecht Vandenbroucke
BM : Sur les planches de White Cube, on remarque que les deux personnages principaux ne parlent pas. Il n’y a pas de dialogue entre eux et ceux avec qui ils interagissent. Pourquoi ce choix de faire de la bande dessinée « muette » ?
BV : J’ai déjà fait quelques BD classiques avec bulles et des dialogues écris, mais le préfère exploiter un langage uniquement visuel. Les idées qui me viennent en tête sont très visuelles et fonctionnent sans texte, je ne veux pas en rajouter pour rentrer dans la case « BDs conventionnelles ». Ce n’est pas une décision définitive, pour l’instant je fonctionne comme ça et c’est ce qui m’amuse. Les mots ont tendance à trop figer les choses, tout devient facilement définitif. Une image seule permet plusieurs interprétations, plus de mystère.
BM : Quel est ton processus de création pour une planche de BD, comme dans White Cube ?
BV : Une fois que j’ai l’idée, je travaille un peu mes planches à la manière d’un puzzle. Je cherche à trouver le bon rythme, je me questionne, à savoir si c’est nécessaire de montrer telle ou telle chose dans une case ou dans l’autre, je fais plusieurs dessins pour une même case, je découpe, j’interchange afin de voir ce qui fonctionne le mieux. Pour mes dessins classiques, je fonctionne un peu de la même manière même si c’est plus libre et spontané, à la manière d’un cadavre exquis.
BM : Y a-t-il des domaines artistiques en lien avec l’illustration et le graphisme que tu aimerais explorer ? L’animation, la typographie, ou la scénographie par exemple.
BV : Tous les domaines m’intéressent. Je ne me limite pas. J’attends juste d’avoir la bonne idée pour me lancer dans un projet. En ce moment je travaille sur une petite sculpture par exemple. D’une manière générale, si une idée me permet d’exploiter de façon pertinente un médium, je n’hésite pas. Je veux simplement éviter de vouloir absolument tester toutes les formes d’expression à la façon d’une check-list.
BM : As-tu des projets de collaboration justement pour aller dans ce sens-là ?
BV : En ce moment je collabore avec quelqu’un qui tisse afin de réaliser une tapisserie murale. Mais pour l’instant j’ai envie de m’attarder sur la bande dessinée pendant encore quelques temps, je pense qu’il y a encore plein de choses à explorer même aujourd’hui avec le numérique.
BM : Pourrais-tu nous faire un petit dessin sur le thème « Beware » pour finir en beauté cette interview ?
BV : Avec plaisir !
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Brecht sera conférencier au festival berlinois Pictoplasma du 1er au 3 mais 2014
Son album “White Cube” est édité aux éditions Acte Sud.
Son blog : http://brechtvandenbroucke.blogspot.fr/
1 commentaire
Patrick
Super intéressant ce mec, son univers est énorme.
Merci ;)