Clémence Féat a une petite voix douce qui s’échappe d’une frimousse de poupée… Mais sous le pseudo de Superfeat, elle fait des illustrations qui transpirent le sexe et le sang, l’amour et la violence.
Son univers se définit par un duel de petits cœurs et de coulées vermillon sur les joues des jeunes filles et des garçons faussement virils avec leurs corps sculptés à la gonflette, leurs chaînes en plaqué et leurs tatouages. Excitée et feutre en main, elle sourit alors en pimentant les narrations : à fond dans son jeu, elle coince ses personnages dans des situations de souffrance, tout en leur attribuant des expressions joyeuses sur la face (c’est une petite sadique!!). Les scènes se produisent dans des décors épurés… dans lesquels on trouve quand même quelques couteaux, éclats de verre, ou tout ce qui peut faire profondément bobo.
Elle écrit beaucoup, toutes ses émotions, ses inspirations, des trucs drôles ou tristes… Les mots ont d’abord pour elle une résonance visuelle et elle tente de trouver des images qui y correspondent, qui vont illustrer au mieux une phrase, les paroles d’une chanson ou une punchline de génie (“je suis dans mon jacuzzi, t’es dans la jalousie. La Fouine.”). Par ce processus, elle offre des visages à ses obsessions : l’animalité, le feu, l’amour et les pulsions sexuelles, la violence et “les queens qui dominent tout”… La passion. Elle ne va pas jusqu’à représenter la mort, elle préfère juste amocher, transpercer jusqu’aux entrailles, trancher des gorges, démembrer ses cobayes en larmes! Tellement plus rigolo.
D’un point de vue esthétique, elle raffole de clips de rap et de tous leurs côtés parodiques, elle puise dans l’exagération de la mise en scène et les codes de “gros durs”, mais avec finesse ; “En ce moment beaucoup d’artistes s’approprient les codes péri-urbains des années 2000 pour alimenter un fantasme visant à esthétiser la banlieue. C’est à la mode. Le banal, le jogging, la rue sont à la mode. Mais c’est souvent creux.” ( : son commentaire à propos du dernier clip de Kiddy Smile, qu’elle trouve intéressant, au-delà de ce phénomène). Il y a un aspect “zombie movie” aussi dans les contextes qu’elle imagine, une sauce un peu à la Tarantino ou Rodriguez (Planète Terreur…) au goût déjanté, et avec des corps abîmés, parfois unijambistes, tronqués… Un humour, un second degré spécial. Elle utilise principalement le noir sur fond blanc, avec des couleurs fétiches comme le orange, le jaune, le violet, le rouge vif du magma ou celui plus terreux du sang qui sèche… Elle oscille entre tons chauds et froids. “Je ne maîtrise pas beaucoup de techniques différentes, je suis nulle pour dessiner, mais j’aime sortir de l’image fixe” (non! Superfeat t’es pas nulle <3), son trait est instinctif, plus que le fruit d’une recherche technique, c’est tout. Et pour dépasser le support figé, elle s’inscrit dans la filière multimédia de l’École Estienne où elle apprend les bases pour voir l’image s’animer, se multiplier, devenir interactive. Elle bricole alors des GIF, des choses en anim’, pour nous parler de love, et de grosses blessures physiques : les deux faisant autant trembler ou verser de brûlants sanglots :
Subtil et beau, le travail de Superfeat se regarde ici , aussi! Et si vous ne dissociez pas vous non plus les sentiments enflammés d’une dure agonie… Vous y trouverez peut-être quelque chose d’évocateur !
le site : superfeat.tumblr.com
2 commentaires