O’Bear est un jeune artiste musical que l’on a pu découvrir grâce à deux EP et un album (je conseille, avec toute l’honnêteté intellectuelle qui me caractérise, l’excellent Glass, ayant une affection particulière pour le morceau Fade Out). Il mêle sonorités électroniques et notes plus classiques dans des compositions toujours empreintes de douceur nostalgique. Dîtes donc ça en fait des -iques. En général c’est bon signe, ça veut dire que c’est du sérieux. O’Bear s’écoute la nuit sur l’autoroute, à la fenêtre de sa chambre les jours de pluie, dans le bus pour rentrer chez soi alors que le soleil se couche… Clichés ? Vous avez raison, je ne fais aucun effort. Il n’empêche que ce monsieur sait accompagner la plus agréable des solitudes ; la mélancolie.
Il revient pour notre plus grand plaisir avec un court-métrage, Smalltown Kids, balade électronique de 8 minutes qui, bien qu’on y retrouve l’aspect intime de ses précédentes compositions, est cette fois plus lumineux, la pluie se substitue aux rayons du soleil et fait la part belle à l’optimisme gourmand, ou tout simplement le plaisir de vivre. Je m’emballe encore me dites vous ? Décidément… C’est-à-dire qu’on a tendance à en faire trop quand on aime, n’êtes pas d’accord ? Bon.
Là où la mélancolie se tourne vers le passé, le clip de Smalltown Kids est à l’inverse porté vers l’avant ; l’envie d’ailleurs, l’infinie possibilité qu’offre l’imagination. Une jeune fille habite une petite ville (je suis niveau B2 en anglais), un quotidien tranquille et sans surprise que les habitants de grandes villes (big cities kids, ndlr) ne peuvent pas comprendre réellement. Le silence de la campagne, la calme apathie d’une rue pavillonnaire, le bruit de la tondeuse du voisin le samedi après-midi… Toutes ces choses sont propices à l’ennui, et donc au rêve et à la créativité, un luxe que seule l’attente peut provoquer. La jeune fille se laisse dériver, repousse les limites physiques pour entremêler ciel et terre, unifier les éléments de manière ludique. Le clip s’inspire de la poésie plastique d’un Michel Gondry, travaille l’image comme on ferait un collage en peinture, et les méduses flottent avec la lune.
Cependant, l’image pixelisée et presque cramée du caméscope ancre l’univers du clip dans une époque datée sans être totalement vintage, ce privilège reste encore celui de la pellicule, mais ajoute à la sensation globale d’être arrivé à la fin de quelque chose, comme cette jeune fille qui en grandissant laissera de côté ses rêves de grands espaces pour une réalité plus concrète. O’Bear s’approche progressivement de la trentaine, l’enfance est de plus en plus loin, et quand bien même il reste tant d’étapes à franchir, cette musique est déjà une pierre solide, peut-être plus confirmée, dans la carrière d’un artiste promettant de belles choses à venir.
Il faut saluer le travail de réalisation, le clip étant réalisé avec Elliott Fettweis et produit par Titouan Le Gouis, deux personnes qu’il a rencontrées en école de cinéma. Cette fidélité dans ses rapports humains est finalement très cohérente avec son travail musical, lui qui cherche à transmettre des émotions propres à l’amitié et à l’amour. Le souvenir ne se nourrit que de ces sentiments. Et à travers les yeux du chien de Smalltown Kids, c’est toute une mémoire qui s’y inscrit, fixe à jamais l’image d’un instant dans notre esprit. Éphémère jusqu’au jour qui le verra se rappeler à nous. Alors on s’accoudera à la fenêtre, le casque sur les oreilles et le regard porté plus loin, bercé par la musique d’O’Bear.