Portrait à charge du photographe Babycakes Romero

Image d'avatar de Arthur TerrierArthur Terrier - Le 12 janvier 2016

Au Magazine Beware! on choisit bien les artistes dont on vous parle et  nous pratiquons, par conséquent,  plus souvent l’éloge que la critique, mais il fallait qu’on aborde le cas de Babycakes Romero, tant son travail est aussi agaçant que son patronyme.

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Originaire de Londres, ce photographe est passé de l’ombre à la lumière en une série, une seule, balancée sur le réseau BoredPanda l’année dernière, intitulée « The death of conversation » qui est immédiatement devenu virale. Oui, « virale », l’expression qu’on emploie pour justifier le succès d’une vidéo de chaton qui éternue. Et c’est de sa propre bio que je tire ce mot. La série affiche des millions de vues, et fut immédiatement reprise par les très sérieux et semi-culturels The Telegraph et Huffington Post. Porté au pinacle, il a même pu jouir d’une interview live sur SkyNews, et, consécration de toutes les consécrations, un plein article sur BuzzFeed. Comprenez que l’année dernière fut éprouvante pour tous, tant le nom Babycackes Romero était donné à lire sur le net.

Alors, elle consiste en quoi cette fameuse série?

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Death of conversation est un pot pourri de photographies de rue en noir et blanc, prises sur le vif, qui s’attardent exclusivement sur des gens regardant leurs téléphones, et qui par extension bien que cotes à cotes, ne se parlent, ni se regardent. Voilà. Ni lui , ni moi, ne pourrions vous en décrire la composition autrement.
Mais vous comprenez le très subtil message, dont les ficelles par l’épaisseur s’apparenteraient plus à des cordes à nœuds ? Les autres médias l’ont compris eux, et ont encensé cette série, qu’ils présentent dès lors comme un cri d’alarme contre les nouvelles technologies qui isoleraient l’humain sur lui même, et conseillent en échange de faire un câlin à celui qui vous est proche. Connerie.

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Pour saisir la pleine naïveté du propos, vous pouvez toujours jeter un œil à son intervention au Ted X, ou habillé comme un dimanche, larmoyant, Babycacke enchaine des banalités telle que : « les gens préfèrent le virtuel au réel », « les machines nous contrôlent ».

Alors non à Beware, on ne va pas tomber dans ce poncif éculé. C’est démagogue, c’est simpliste. En somme c’est idiot, et pire encore on estime que Babycakes Romero n’a rien compris à son boulot, et que sa série est basée sur les préjugés et la bêtise.
Son travail donne la fatiguante impression que ces dites technologies sont apparues hier et que l’artiste tombant des nues, s’arrête à ce premier constat ridicule qu’est l’homme fixant un objet.

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Babycakes Romero

L’artiste doit faire avancer la pensée, et ne pas s’enfermer dans un rapport binaire et moralisateur. 

Des courants, nés du progrès, comme le transhumanisme et la bioéthique ont eu le temps d’émerger et de mieux conscientiser notre rapport aux technologies que la chronologie nous empêche même de qualifier de « nouvelles ». Leur réflexion sur les risques de la modernité a déjà dépassé depuis longtemps le simple cas des téléphones portables. Il y a tant d’essais , d’études, de courants de pensée qui ont à leur tour traité de la révolution numérique, du post-modernisme, et nous laissent entrevoir un sujet aux multiples perspectives, tandis que Babycacke Romero s’arrête devant l’arbre qui cache la forêt et s’écrie sottement : «  Oh! les gens ne se regardent plus »
Il enfonce des portes désespérément ouvertes et suscite le même débat idiot qu’à la sortie des walkmans.

Certes, les gens ne se regardent pas entre eux, mais alors, que regardent-ils? Qu’importe l’opinion qui nous est propre, il serait pure absurdité de réduire le téléphone à un simple objet sur lequel l’on dépose notre attention, quand il pourrait tout aussi bien être perçu comme la mise en contact de l’homme avec une infinie base de savoir. Jamais l’homme n’eut autant accès à la culture, aux images, aux chansons ; jamais il ne fut autant connecté avec l’autre, autant à l’écoute du monde qui bouge.

Babycakes Romero

Babycakes Romero

Et d’ailleurs c’est une mauvaise foi incroyable de laisser sous-entendre que les nouvelles technologies sont à l’origine de l’isolement, mal présent depuis l’aube des temps, et qu’avant ça l’homme n’aurait jamais aspiré à la solitude. Bon Dieu, il y a trente ans de ça, les gens s’isolaient dans un bon livre, et le font encore!

L’artiste a toujours été le héraut du modernisme, et l’idée serait même que l’art doit se projeter dans le futur en éclaireur pour une société à venir. Les technologies actuelles sont un terrain cent fois plus excitant où regorgent des artistes d’avant-garde stimulés par ce médium en constant progrès.

Alors oui , Babycakes Romero, tu es content, t’as fait un grand coup de com’ en tapant dans la bêtise générale et le besoin vulgaire de s’indigner contre le progrès. Ton signal d’alarme serait pertinent s’il n’était pas déjà autant rabâché. La modernité à ses détracteurs, mais ces derniers d’ordinaire apportent au débat une critique bien plus poussée.
Et nous à Beware on a hâte que tu retombes dans l’oubli et laisse ta place à des artistes qui savent penser un sujet.

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Bravo mec, tu as amené une pensée réactionnaire dans la photographie.

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Arthur Terrier
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1 commentaire

  • une correction – mon nom est babycakes pas babycacke – une faute de frappe j’en suis sur. merci bien pour des rires et merci pour ma première mauvaise critique, il me fait me sentir comme je suis réussie…

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