« C’est comme s’il y avait eu une fissure dans mon univers. » Avec cette phrase, Mathieu Laca décrit la sensation éprouvée lorsqu’il se met à peindre pour la première fois. Autour d’un café, dans la salle d’exposition de l’Usine C où ses tableaux sont exhibés, le peintre se révèle. De sa grande timidité durant l’adolescence, il en ressort aujourd’hui un artiste accompli n’ayant pas froid aux yeux. Aperçu d’un peintre qui ose transgresser des portraits célèbres.
L’ouverture se produit lorsqu’un enseignant en arts plastiques à l’école secondaire découvre son aptitude pour la peinture. « Je pouvais enfin être moi-même, j’avais trouvé un moyen de m’exprimer », confie-t-il souriant.
C’est en passant par le programme d’arts visuels au cégep de Sainte-Thérèse et en étudiant les arts visuels à l’Université Concordia que le jeune Mathieu fera ses classes. Porté par un talent indéniable, il n’hésite pas à se déplacer à Ottawa et à Québec pour se faire connaître. D’ailleurs, il est lauréat du prix du conseil de la Ville de Laval en 2002 tout en obtenant le soutien d’un certain Marc Séguin.
Le peintre créé des portraits qu’il métamorphose par la suite, en ajoutant ou retirant des éléments au visage du personnage choisi. Il en résulte des peintures uniques imprégnées à la fois d’amour, de tristesse et de colère.
« Blanc », sa nouvelle exposition, est sans détour. Des personnages historiques, dont des philosophes, des poètes ou encore des scientifiques, sont soumis à l’amour et à la haine de son art. De ce processus, se dégage des portraits empreints d’émotions brutes. « Si les gens cherchent des peintures de fleurs ou de paysages, ce n’est pas ce que je fais », explique l’artiste.
Émotion et création
En fait, une certaine intensité est palpable dans chacune de ses toiles. Il faut voir tout particulièrement celles d’Arthur Rimbaud et d’Edgar Allan Poe, deux tableaux qui illustrent bien son style. Bien que l’on reconnaisse les visages des deux poètes, on y décèle aussi des coups de pinceaux inusités à la figure, des reliefs et des omissions, tel le cas d’Allan Poe où celui-ci se retrouve amputé de la bouche. Cette façon de faire, doublée des regards profonds de ses personnages, laisse le spectateur déconcerté.
Peut-être doit-il être redevable à son processus de création dénué d’extravagance ? En utilisant de la peinture à l’huile sur une toile, il laisse une grande place à l’interprétation et à la sensibilité du spectateur.
Et lorsqu’on lui demande pourquoi certains portraits sont plus transformés que d’autres, il répond que c’est tout simplement le mélange d’une création instinctive et de son inspiration du moment. En effet, tous les personnages ne seront pas transgressés de la même manière.
Si l’on ressent de prime abord un élan de violence envers les individus choisis par le peintre, on perçoit également de la tendresse et de l’admiration. Ainsi, c’est sans grande difficulté que les spectateurs parviennent à capter les émotions qui se dégagent des oeuvres. Ce qui s’avère parfois un défi difficile à relever pour un artiste, Mathieu Laca y arrive assurément.
Des hommes et des animaux
Le peintre québécois cherche sans contredit à défaire les conventions propres à son art. Par contre, il désire aussi déclencher une réflexion chez le public, notamment avec une cause qui lui tient à cœur : la maltraitance des animaux. D’ailleurs, dans son exposition « Blanc », deux tableaux frappent la vue des spectateurs. L’un représente une chouette en train d’attaquer un homme allongé, tandis que l’autre dépeint une femme côte à côte avec un chien-loup.
L’artiste souhaite inverser dans ses œuvres les rapports entre les animaux et les humains pour que ces derniers se retrouvent dans une position de vulnérabilité face au règne sauvage.
De plus, dans sa série « Animaux », Mathieu Laca parvient à nous faire réfléchir sur l’importance de repenser nos liens avec eux. En fait, il y représente des animaux en liberté afin d’apporter un regard critique sur la manière dont ceux-ci sont traités et même parfois emprisonnés dans des abattoirs, loin des regards.
Aujourd’hui, l’artiste québécois vend des tableaux à travers le monde entier. Son fournisseur de peinture lui a d’ailleurs rendu un bel hommage en nommant l’une de ses nouvelles couleurs en son honneur, l’orange Laca.
Fort de ses récents succès, il aimerait organiser sa propre exposition où il s’occuperait de tous les aspects. Décidément, rien n’arrête le peintre et on espère qu’il continuera à créer des toiles débordantes d’intensité dans les années à venir.
–» Pour suivre le travail de Mathieu Laca : site web | facebook | instagram
–» L’exposition “Blanc” est présentement à l’Usine C, jusqu’au 27 mars.