À seulement 21 ans, l’illustratrice montréalaise Eve Saint Jean nous interpelle par la vision qu’elle porte sur le monde d’aujourd’hui. Dans ses oeuvres, on fait la rencontre de son univers coloré, aussi poétique que désabusé, qui dévoile une analyse critique de notre rapport à la technologie.
Baignée dans l’univers des Beaux-Arts depuis son enfance, l’artiste originaire de Mont-Tremblant n’est pas du genre à marcher dans les sentiers battus. Après avoir étudié les arts visuels au College Lionel Groulx, Eve Saint Jean se frotte à l’histoire de l’art et l’architecture à l’Université de Montréal avant de quitter le milieu « trop cartésien », comme elle le désigne, de l’enseignement pour se concentrer entièrement à sa passion.
Pourtant, si pour la jeune femme « les arts visuels ne s’enseignent pas », des influences provenant de l’histoire de l’art, l’artiste n’en manque pas.
En effet, l’illustratrice maitrise et combine les références artistiques à la perfection et nous donne à contempler un travail à la fois inspiré et original.
Ses influences s’étendent du cloisonnisme de Paul Gauguin, en passant par l’expressionnisme des corps distorsionnés et érotisés de l’autrichien Egon Schiele, à l’art brut et primitif de Jean-Michel Basquiat, l’impression de mouvements des personnages de l’artiste Keith Haring, jusqu’aux paysages et thématiques des estampes japonaises du célèbre Hokusaï.
Du nu dans le quotidien
Dans ses illustrations, Eve Saint Jean introduit des sujets nus dans des espaces cloisonnés où les technologies sont quasi omniprésentes. L’artiste explore aussi la sexualité du corps humain en les représentant dans des positions érotisées, parfois absurdes.
En fait, ce qui intéresse l’artiste, c’est de retourner aux bases de l’être humain en supprimant l’artificiel. Elle se joue des codes de l’art traditionnel avec un regard humoristique. « Les personnages nus ont l’air idiot dans ces univers bâtis de technologies, explique-t-elle. Habituellement, on retrouve ces personnages nus, primitifs, dans des décors de nature. »
Ses personnages grossièrement dessinés affichent systématiquement des visages inachevés et dépourvus de crâne. « Tout ce qui sort de ces têtes: les idées, et les technologies omniprésentes dans mes dessins, sont abstraites et surtout vides de sens », précise Eve Saint Jean.
Car si ses dessins rafraichissants sont façonnés à l’aide de couleurs attrayantes, l’illustratrice souhaite nous exprimer une certaine brutalité : « Je joue sans arrêt avec les contrastes, avoue-t-elle. Mes illustrations sont souvent colorées, enfantines, un peu drôles, mais au final elles essayent de transmettre des messages plus sombres et tristes sur le monde ».
Nature morte contemporaine et technologie aliénante
L’artiste montréalaise travaille beaucoup la thématique de la nature morte. Les fruits, le vin, la bougie et les fleurs sont des éléments constamment présents et réinterprétés dans chacune de ses oeuvres. En transférant ce thème de la peinture classique au monde d’aujourd’hui, l’artiste aspire à nous faire réfléchir notre condition d’être humain aliéné par les technologies.
Ainsi, elle intègre presque toujours des éléments de l’ère digitale à ses illustrations : des téléphones, des ordinateurs, des prises électriques ou encore des personnages se prenant en selfie. « J’instaure ces éléments contemporains pour marquer l’idée que les technologies font partie intégrante de notre société et qu’on ne peut plus s’en défaire, analyse Eve Saint Jean. Ça nous coupe complètement des liens qu’on peut bâtir entre individus. »
L’artiste ne s’arrête pas là, et pousse la réflexion encore plus loin : « Pour moi, instaurer mes personnages dans ces compositions de natures mortes, c’est une manière d’exprimer qu’on est tous un peu mort », ajoute-t-elle.
Dans certaines illustrations, les mots de l’artiste accompagnent le propos iconographique. Elle y intègre des textes à la fois poétiques, désillusionnés et fatalistes qui nous renvoient, encore et toujours à notre condition d’humains aliénés, impuissants et ignorants.
Pour l’avenir, on espère pouvoir contempler son travail dans des galeries puisqu’Eve Saint Jean devrait monter sa propre exposition d’ici le mois de mai.
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2 commentaires
France Saint -Jean
Bravo! Belle Ève. Intelligence, audace, persévérance voilà quelques mots qui te caractérisent.
Battle
On l’aime bien notre eve!
Un vieil ami