Une ancienne boîte de nuit dans laquelle l’artiste américain avait décoré un mur, est susceptible d’être rasée pour laisse place à une maison de retraite.
Les propriétaires de l’ancienne boîte de nuit, devenue salle de billard et étant en passe de se transformer en centre de soins, envisagent de démolir le bâtiment. C’est ce qu’affirme Gabriel Carral, le dirigeant de la salle de billard. En réalité, plusieurs propositions s’offrent à lui. En effet, il prétend l’existence d’une clause dans le contrat de location qui lui donne droit à l’art sur les murs, en l’occurrence, à la fresque de Keith Haring réalisée en 1989 à Barcelone.
Gabriel Carral a déclaré que l’œuvre a été évalué à 80 000 €. La Fondation Keith Haring est prête à payer pour l’extraire du bâtiment afin qu’elle ne tombe pas dans l’oubli. Il a donc le choix entre vendre la fresque, la céder à la fondation ou tout simplement ignorer son prestige et la détruire. Ce qui serait une aberration, nous sommes d’accord.
La ville s’engage à sauver l’œuvre
Un porte-parole du Conseil municipal de Barcelone a garanti ” la protection de la fresque dans le cadre du plan d’urbanisme spécial “. Toujours selon le porte-parole, ils ont demandé au gouvernement régional catalan de la déclarer comme faisant partie du patrimoine culturel. Une certaine pression peut alors se faire ressentir pour les décisionnaires du destin de l’œuvre de Keith Haring.
L’artiste a peint cette fresque dans la cabine du Dj de renom Cesar De Melero. Pour lui, cette œuvre est évidemment symbolique et il s’agace même qu’on ne parle pratiquement que de la valeur économique de la peinture. “Haring ne l’a pas peint pour de l’argent, il l’a fait en signe d’amitié et par amour pour le club et pour Barcelone”, a-t-il déclaré, ajoutant que personne ne peut revendiquer la propriété de l’œuvre. Pour lui, tout ce discours ne correspond pas à l’esprit d’ouverture et de générosité avec lequel la peinture murale a été peinte. Il était fan du travail de Keith Haring, qui faisait partie de la sous-culture graffiti et acid house de l’époque. Le tableau a traversé plusieurs époques et plusieurs ambiances. Pourquoi ne resterait-il pas dans une maison de retraite ?
L’histoire d’une amitié en peinture
Tout a commencé en février 1989, lorsque Keith Haring se trouvait à Barcelone. Cesar de Melero était DJ dans le club Ars Studio lorsqu’on lui a dit que l’artiste Keith Haring était à l’extérieur, mais que le portier ne l’a pas laissé entrer. “L’endroit était plein à craquer, alors j’ai mis un disque et je me suis faufilé à travers la foule“, se souvient Cesar De Melero. Il a ensuite arrangé la situation en le faisant rentrer et en lui offrant même une coupe de champagne. Les deux artistes se sont ainsi liés d’une courte, mais intense amitié, si bien que le Dj a accompagné Keith Haring le lendemain sur la Plaça Salvador Seguí à el Raval. C’est un lieu connu pour les junkies et les prostituées. L’artiste y a ainsi peint une fresque sur un bâtiment qui lui, était prévu pour la démolition.
Cette œuvre mythique est une sorte de message d’encouragement et de soutien pour toutes les personnes atteintes de manière directe ou indirecte par le SIDA. On y voit un serpent dévorant tout devant lui, sous le slogan en espagnol : “Ensemble, nous pouvons arrêter le sida“. Dès le lendemain, les gens avaient dessiné des pénis, des graffitis et autres joyeusetés sur la fresque. “Personne ne se souciait du fait que c’était un Keith Haring, les gens voulaient de la nourriture, de la drogue ou quoi que ce soit d’autre. Il savait qu’en le peignant, tout allait être démoli de toute façon. Il n’a pas eu de problème avec ça” affirme le DJ. Le 27 février 2014, exactement 25 ans après la création originale, une reproduction à l’identique de la célèbre peinture murale a été dévoilée par le Musée d’art contemporain de Barcelone.
Plus tard, les deux amis sont retournés au Club Ars Studio et Keith Haring a ainsi peint la fameuse fresque. Réalisée avec la même peinture rouge que pour l’autre œuvre, celle-ci semblait représenter un personnage (caractéristique de l’artiste) se laissant emporter par la musique Cesar de Melero. L’année suivante, Keith Haring est décédé de complications liées au Sida.
Ces deux fresques sont une illustration artistique d’une amitié et un au revoir de Keith Haring à la manière de Freddie Mercury dans “The show must go on”.