Kaba & Hyas interview

[Interview] Kaba & Hyas, à la croisée des genres

Image d'avatar de François GrazFrançois Graz - Le 23 août 2023

Été 2023. Au sein du bastion groovy qu’est Château Sonic, les preux chevaliers Kaba & Hyas font face à une foule exaltée par leur set, combo imparable acid house / rap. Adoubé par la critique, leur EP commun Music 4 Tesla s’apparente au Saint Graal du néo clubbing.

Kaba & Hyas photo
©Louise Chevallet

Lorsque deux artistes aux sonorités radicalement différentes s’associent le temps d’un projet, la prise de risque est maximale. Challenge relevé avec brio par Kaba & Hyas, géniteurs du six titres hybride Music 4 Tesla. Issu des collectifs grenoblois CDF et MQEEBD (Mister V, Tortoz, Théo Juice, Samy Ceezy…) Kaba a longtemps oscillé entre lo-fi, G-Funk et trap avant de commencer à poser ses mesures sur de la house via l’EP 3.3 Magnitude. Quant au lyonnais Hyas, voilà plusieurs années qu’il enfièvre le dancefloor avec une multitude de releases teintées d’influence UK Garage, ce qui lui a permis de faire fondre Le Sucre à de nombreuses reprises. Deux salles, deux ambiances, un banger, une interview.

Beware : Salut l’équipe, avant de démarrer l’entretien, une définition s’impose : c’est quoi pour vous la Hip-House ?

Kaba & Hyas : « C’est la fusion entre le rap et la house, genre musical qui a vu le jour à Chicago à la fin des années 80. Au début, on a utilisé ce terme pour définir notre univers, mais en fait, on mélange tellement de sonorités différentes que ça dépasse le cadre de la Hip-House. Rap, UK techno, garage, juke, footwork, bass music… il faudrait un terme qui englobe tout ça parce que sinon on part en couille niveau classification (rires). »

Vous pouvez me résumer vos parcours artistiques ?

Hyas : « Mes premiers pas dans le mix remontent à l’âge de 16 ans, donc ça fait déjà une décennie que je suis actif, avec plus de trente releases au compteur. Au début je misais uniquement sur la house mais au fil du temps j’ai décidé d’affiner mon registre en allant davantage vers des sonorités de la scène UK et US. C’est pour ça que notre projet Music 4 Tesla me correspond totalement. »

Kaba : « J’ai commencé la musique via le saxophone quand j’étais jeune, puis j’ai découvert le rap vers 10 piges en regardant les clips qui passaient sur MCM à l’époque, j’ai su que je voulais faire ça. Mes premiers skeuds ont été Panthéon de Booba, La vie avant la mort de Rohff, The Massacre de 50 Cent. Après j’ai commencé à digger ce qui se faisait aux US à l’ancienne, la scène West Coast…2Pac, Warren G, Nate Dogg…je me suis pris une vague G-Funk et ça m’a matrixé. Tu vois, ce que j’ai kiffé avec Hyas c’est que même si on est sur des tempos différents, il a trop de groove, avec des basslines limite funky comme c’est le cas sur le titre 4DaMob. »

Vous vous êtes connectés comment du coup ?

H : «C’était il y’a 4 ans à peu près, je me suis retrouvé à faire un apéro chez Kaba via sa coloc Garance et le collectif Romanesque mais il lui n’était pas là, c’est plutôt original ! Après on a commencé à faire des soirées ensemble. Notre connexion artistique a eu lieu pendant le confinement, je lui ai envoyé une instru, et il a fait le taff, ça a direct matché. »

K : « Le confinement a été une période faste pour tout le monde car on avait largement le temps d’expérimenter divers médiums. Moi j’ai appris à m’enregistrer, mixer, et même faire des prod. »

H : « Depuis on a toujours le même modus operandi : je me pose une heure ou deux dans la journée, je crée une prod et je l’envoie à Kaba qui pose dessus. On taffe chacun de notre côté sans se capter réellement et pourtant on est hyper productifs. »

B : Quelle a été la genèse de vos labels respectifs Bardouin Music / H3 Records ?

H : « C’est avec Louis, un pote de Toulouse qui kiffe grave le style acid house comme moi, qu’on a décidé de monter le label. Aujourd’hui Bardouin Music compte six releases dont trois sur vinyle ainsi que plusieurs events. Quant au blaze du label, il vient du pastis de la ville de Forcalquier. On était en plein délire sur le Bardouin avec les gars du collectif Romanesque, on mettait ça sur notre rider lors de nos sets, et on mentionnait le compte non-officiel de la boisson dans nos stories Instagram. Ils ont d’ailleurs fini par nous envoyer des goodies, des verres, des carafes, des tabliers…moi qui réfléchissais à un nom de label j’ai fini par prendre ce blaze. »

K : « H3 Records est né suite à l’EP 3.3 Magnitude qu’on a sorti avec mon gars Vouiz. En cherchant des distributeurs, on est tombés sur Brice Coudert de chez Underscope, qui nous a conseillé de matérialiser nos créations en nous structurant, big s/o à lui ! Le label est géré majoritairement par Eliot qui est également mon manager, avec Vouiz, il a tout de suite adhéré au projet. »

Kaba & Hyas dans la rue
©Louise Chevallet

B : Comment Music 4 Tesla a-t-il vu le jour ?

K : « Suite à notre premier titre Speed Up qui été grave validé, on s’est dit qu’il fallait qu’on continue sur notre lancée. On est très impulsifs dans nos manières de travailler. Hyas peut taper une pointe de 10 prods par jour tandis que moi quand je croche sur une track ça va très vite. On a conçu le projet rapidement, ce qui a pris du temps en revanche, ce sont les bails de mix/master. Le seul morceau qu’on a fait ensemble au studio c’est 4DaMob, pour le reste tout s’est goupillé à distance. » 

B : Kaba, tu as évoqué Speed Up, quel a été le processus créatif de son étonnant clip réalisé par Thomas Cadoux ?

K : « Thomas fait partie de la team grenobloise, il a commencé par cadrer les premières vidéos d’Yvick, et depuis il a clippé pour une bonne partie du rap français. La thématique de la vitesse omniprésente provient d’une idée de Louise Chevallet, qui s’occupe de mes visuels. On s’est dit que ça collait bien avec le fort BPM du son. Qu’est-ce qui fait courir les gens ? Le clip essaie de répondre à cette question. Dans la vidéo qu’on a tournée au sein du quartier de La Défense, j’incarne un super héros ultra rapide qui fait de bonnes actions, désape les keufs qui font des contrôles au faciès…le tout en ne se prenant pas trop au sérieux. C’était important d’avoir ce second degré afin de rendre notre projet accessible aux non-initiés. »

B : Music 4 Tesla a reçu de très bons retours des auditeurs house mais aussi hip-hop : c’était un objectif de fédérer ces deux communautés ?

K&H : « On a été agréablement surpris ouais, dès notre première scène les gens ont vraiment capté la vibe du projet. Notre registre est singulier donc forcément les lives le sont aussi. Tu vois, pour ce soir on a même pas fait de répétition, tout est spontané, on a chacun notre moment pendant le show et ça c’est incroyable. Concernant l’aspect fédérateur de Music 4 Tesla, cela prouve qu’il n’y a plus vraiment de frontières entre les genres musicaux, tant que les gens kiffent le son ! »

B : En parlant de son, vous écoutez quoi en ce moment ?

H : « Old Boy, un gars de Londres qui fait de l’UK Garage, il m’envoie souvent ses unreleased et c’est des grosses edit en mode speed garage, totalement dans mon domaine de prédilection. Sinon pour sortir du contexte club, j’écoute souvent du jazz. »

K : « Perso je ponce les skeuds du rappeur ricain 454, qui est également très chaud comme beatmaker. Du côté helvétique, je kiffe trop l’univers de Mairo, Daejmiy et mon gars Chris2Coeur avec qui j’ai connecté depuis un bail. La première fois que j’ai écouté un son suisse c’était Xanax de Slimka en 2015 et déjà à l’époque, ça m’avait retourné le cerveau. »

B : C’est quoi la suite pour vous en 2023 ?

K&H  : « Le 9 septembre prochain rendez-vous au Grünt Festival, ça va être bouillant. Et sinon…le second opus de Music 4 Tesla va arriver pour la fin d’année ! »

©Louise Chevallet
©Louise Chevallet
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François Graz
Article écrit par :
Oiseau de nuit accessoirement journaliste free-lance.

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