Le duo iconique de la scène électro française nous revient avec un quatrième album. Si Xavier de Rosnay, fidèle acolyte de Gaspard Augé, l’a décrit comme ayant une « saveur apocalyptique », qu’en est-il réellement ?
Eh bien ce “Hyperdrama” semble se dévoiler au départ comme un équilibre subtil entre innovation et familiarité. Ce travail fusionne avec audace l’expérimentation et un savoir-faire poli, offrant une expérience oscillante entre satisfaction et conformité. Connu pour leur exploration électronique, le duo cherche à maintenir leur position de pionniers de la french touch électro, jonglant avec la nécessité de rester fidèles à leurs racines tout en cherchant à évoluer.
L’album explore un labyrinthe sonore illuminé par des néons, où les rythmes techno glitchy se mêlent à des accroches pop entraînantes. Par moments, une vague de nostalgie s’empare de l’auditeur, rappelant l’effervescence de la culture dance du début des années 2010, tandis que d’autres moments explorent des territoires sonores inexplorés. Bien que l’album ne brille pas de manière éclatante, il est évident que cette approche punk de la musique dance continuera de marquer l’empreinte du duo, même si leurs vestes en cuir se déchirent.
Le premier morceau, “Neverender”, plonge l’auditeur dans un monde d’electronica ostentatoire, rappelant l’exubérance passée du duo. Cependant, malgré la collaboration avec Kevin Parker (le groupe s’est offert des featurings de luxe avec le leader de Tame Impala, mais également avec des artistes comme The Flints ou Connan Mockasin !), le morceau reste un hommage plutôt qu’une innovation véritable. Une vibe très « daft punkienne » s’en dégage, notamment perceptible grâce au beat hypnotique et entraînant, ainsi qu’aux éléments de funk, de disco et de house qui créent une ambiance groovy bien familière. Puis ambiance plus futuriste sur la seconde piste ”Generator”, avec des basses profondes et des sonorités plus proches de ce qu’a pu faire le combo dans le passé.
En revanche, “Afterimage” se distingue comme le point culminant de l’album, avec son hommage chatoyant à la synthwave des années 80 infusée de touches pop. C’est là que le duo trouve son élan, livrant un hymne poignant et contagieux évoquant des images d’évasions estivales sans fin. C’est un témoignage de leur capacité à créer des moments transcendantaux, évitant habilement les clichés des clubs. S’ensuit “One Night/All Night”, qui une fois de plus, voit la collaboration avec Tame Impala et qui allie cold-wave, dance et funk pour une chanson éclectique.
Pourtant, malgré ces moments brillants, des fissures commencent à apparaître. Certains morceaux, comme “Dear Alan”, semblent sur le point de sombrer dans la complaisance, leurs arrangements complexes étouffés par une certaine suffisance.
Cependant, Justice parvient à se rattraper avec sa finesse cinématographique sur des morceaux comme “Incognito” et “Muscle Memory”, élevant l’album à un niveau d’electronica de stade. Leur capacité à orchestrer des compositions électrisantes est ici pleinement mise en valeur, offrant un aperçu de leur véritable potentiel cinématographique.
Alors que l’album progresse, un paysage sonore changeant se dévoile, avec des moments où la production évoque une angoisse apocalyptique, un mélange de techno-trance industrielle. Malgré des ambitions évidentes, l’album lutte pour maintenir son élan, avec des interludes comme “Harpy Dream” qui perturbent le flux général. A noter que la deuxième partie du disque reste donc la plus percutante.
“Hyperdrama” témoigne de la créativité et de l’ambition de Justice, bien qu’il n’atteigne pas les sommets de leurs précédents succès. Sous sa façade soignée, se cache une tension entre l’excentricité et une forme de retenue. Malgré ses défauts, c’est un effort courageux, une exploration sonore à la fois exaltante et frustrante. Nul doute qu’il trouvera tout de même, auprès de certains auditeurs, sa place de bande-son des soirées d’été.