Lauréates du premier prix Reportages au World Press Photo 2019, Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde ont capturé, en trois mois, le mythe des jumeaux dans trois régions du Nigéria.
Mettre le mythe en images
Dans le sud du Nigeria, il y a dix fois plus de jumeaux que dans le reste du monde. C’est cette mythologie qu’ont exploré Bénédicte Kurzen et Sanne De Wilde pour l’agence NOOR. Entre portraits posés et snapshots, la série Land of Ibeji est une documentation de ce que représentent les jumeaux dans cette région du monde.
Leur but est d’explorer la mythologie des jumeaux au delà des évidences, en utilisant des techniques empruntées à la photographie traditionnelle Yaruba. « Tout est lié à cette mythologie, de nos recherches à la narration de notre série, à l’utilisation de miroirs, de double exposition. Il y a par exemple la croyance selon laquelle, si l’un des jumeaux venait à mourir, la double exposition serait utilisée pour le ramener à la vie dans la photo. »
La photographie comme moyen de documenter le souvenir donc, tout en trouvant des manières de faire originales pour dresser les portraits d’être humains sans tomber dans le cliché.







L’évidence d’une collaboration

C’est après qu’un ami leur ait parlé du mythe des jumeaux que les deux photographes s’intéressent au sujet. Toutes deux représentées par l’agence NOOR, elles vont shooter durant trois mois de temps dans trois régions du Nigéria grâce aux contacts qu’elles ont déjà.
« Tout dans ce projet allait de paire: les jumeaux, notre collaboration. » Si les deux photographes ont leurs styles propres dans leurs projets personnels, travailler ensemble et décider de l’esthétique générale a été évident. « Nous avions toutes deux nos appareils photos, et tout se faisait naturellement – décider du flash, placer les sujets. Nous avons vraiment tout fait à deux. » Une exploration de la dualité, tant dans les sujets que dans la manière de créer.
C’est grâce à la présence de Bénédicte au Nigéria depuis quelques années qu’elles ont été capable d’avoir un accès si complet aux communautés qu’elles ont documenté. « Les amis d’amis nous connectaient à leurs amis, dès que nous arrivions quelque part nous demandions l’autorisation de photographier au chef local. »
Une série documentaire artistique
S’il s’agit d’une réelle documentation, l’esthétique générale du projet est surprenante. L’utilisation de deux filtres, l’un bleu l’autre rouge, donne à certains clichés une apparence presque irréaliste. « Nous voulions jouer avec cette limite entre mythologie et réalité, imaginer des façons créatives de prendre des portraits pour que le public voit plus loin que la ressemblance entre deux humains. »




Si gagner un prix au World press photo est un bon moyen de faire connaitre son travail et d’en parler, Sanne rappelle que « c’est purement pour l’exposition. C’est intéressant et très gratifiant, mais ça n’enlève rien à la difficulté de trouver du financement pour nos prochains projets. »