Ben Brody, auteur du témoignage “Attention Servicemember”, antithèse iconoclaste ou dialectique d’un photographe d’opération devenu reporter indépendant.
L’horreur de la guerre ancrée dans le réel et immortalisée par l’appareil photo de Ben Brody démystifie la cruauté de la vie quotidienne. Il la côtoie partout : En Irak où il s’engage en 2003, ou encore sur le territoire de son ennemie : l’idéologie, état d’âme commun aux partisans des images au service de la guerre. Ben Brody s’efforce alors de satisfaire celle qui a toujours raison, “la directive”.
Puis il rentre aux États-Unis, fait le point sur sa condition de “stupide photographe de guerre“, comme il aime à s’appeler et décide de repartir en Afghanistan en 2010, cette fois-ci comme photo reporter indépendant. Il va ainsi tout mettre en œuvre pour développer un regard critique, loin de l’aseptisation de ses photographies “d’opération”, aspirant dés lors à éveiller les consciences sur l’enrôlement et le conditionnement déployé pour justifier la guerre.
” J’essaie de communiquer avec un auditoire qui ne veut pas entendre parler de la guerre”
Ben Brody, engage un dialogue avec une intime résistance et entame une joute éclairée avec l’information. Travaillant dans le camps du “non lucratif”, il façonne bout à bout des projets comme “Mass books”, livres photos et fruit de la collaboration avec le photojournaliste Peter van Agtmael, mettant en avant la démocratisation d’une réflexion photographique non instrumentalisée.
“Attention Servicemember” propose une vision sensible, la rédemption par l’art d’un photographe qui saisit l’urgence de donner à l’autre l’occasion d’apprendre, de comprendre, de faire sa propre lecture d’un des plus grands maux contemporains. En réaction au retour au pouvoir des talibans le 15 août 2021, il met à disposition gratuitement son livre, comme une réponse à l’obscurantisme.
Analyse :
Si Brody, nous livre un regard critique sur la guerre, mettant en lumière son absurdité cyclique à travers une juxtaposition de photographies de vie à la base militaire américaine, de combats quotidien sur le même fond que des images de jeux vidéo de guerre et de pubs pour la “grande distribution” il en va s’en dire que le propos du photographe nous pousse dans nos retranchements.
La guerre est un marché comme les autres”
Ben Brody
Loin de l’analogie entre constat et impuissance, l’œuvre de Ben Brody est introspective, mais n’excuse en rien ce que les photographies nous donnent à voir, isolément. Ensemble, ses photographies sont rédemptrices et renforcent notre intériorisation de la condition humaine, ses fêlures, ses maladresses. On l’apprivoise.
Il affronte l’aliénation avec des natures mortes, armes et arbres confondus. A travers cette œuvre, on ne côtoie rien de trop réel ni de trop fictif, à l’image de la guerre, instrument de l’épopée des vainqueurs.
Ben Brody a lui côtoyé ce qui nous semble le plus éloigné de notre existence, de son essence même. Il énonce :
Pour beaucoup de gens, la guerre est une partie normale de leur vie, pas une chose exotique et lointaine . “
De quoi ouvrir les carcans qui nous séparent de “l’ignorance” ?
Face à l’agitation médiatique de ces derniers jours, pour mieux comprendre on peut découvrir : “Attention Servicemember” de Ben Brody ou encore mater la série de documentaires Arte “Afghanistan, pays meurtri par la guerre”