[Interview] Mon RovÎa, la folk à fleur de peau

Image d'avatar de Shad De BaryShad De Bary - Le 23 octobre 2023

Découvert au milieu du brouhaha de Tiktok, l’artiste Américano-libérien Mon RovÎa impose sa dose de douceur en plein chaos. Nous l’avons rencontré avant la sortie de son dernier EP, à découvrir en profitant des derniers rayons de soleil de l’été indien.

Mon RovÎa interview
“Je ressentais une sortie de culpabilité. Comme si je n’avais pas fait honneur au temps qui m’a été donné“, confie l’artiste Mon Rovia. Crédit photo : Caity Krone

Depuis 2018, le musicien Mon RovÎa cherche sa patte. Fan de Bon Iver, celui qui est né au Liberia s’est trouvé dans une folk caressée sur un ukulele, qui lui permet de développer des réflexions intimes. Celui qui se dit introverti, timide, s’est aussi construit une solide communauté, depuis le Tenesse où il a prit racine, de 288 000 followers sur Tiktok, qui fait désormais partie de sa pratique artistique. À l’occasion de la sortie de son dernier EP “Act2: Trials”, l’artiste nous a offert un aperçu de son univers marqué par la résilience.

Quelle a été l’impulsion de ton projet porté par “Mon RovÎa” en 2018

Je travaillais déjà dans la musique, j’ai exploré plusieurs genres, mais mon cœur était toujours du côté de l’écriture et de l’interprétation. J’aimais me concentrer plus sur les paroles, pour mieux transporter le public. 

Et j’ai eu l’impression d’avoir beaucoup perdu de temps, ici aux Etats-Unis, en tant qu’immigrant africain. Je ressentais une sortie de culpabilité. Comme si je n’avais pas fait honneur au temps qui m’a été donné, au cadeau qu’est la vie qui m’a été offerte, en échappant à la guerre civile, entre autres.

Je me suis dit : “Je veux dédier tout ce que je fais avec ce cadeau à mon peuple, à ma terre, au pays dont je viens. Rien de tout ça n’est centré sur moi.” Pour moi, le sens de Mon RovÎa, provient de ce besoin de rendre, de partager, tout ce que je suis à mon continent, et au Liberia, qui a inspiré mon nom de scène (Monrovia est la capitale du Liberia, Ndlr).

Tu dis que tes paroles ne sont pas centrées sur toi, pourtant tu te montres très vulnérable dans tes textes, comment fais-tu le lien entre les deux ?

Mes chansons sont très personnelles. Je suis quelqu’un de très discret en dehors de la musique. Pour moi, la musique est comme un journal. Il m’est souvent arrivé de vouloir m’enfuir, peut-être fuir cet appel de l’univers. Je l’ai fui très longtemps parce que je n’aime pas du tout être dans la lumière ou être vu.


C’est ça que je veux dire quand je dis que ce n’est pas un projet centré autour de moi. Disons que j’avais le choix de fuir, mais j’ai décidé que si je me lançais, je le ferais en étant honnête avec les autres. Je me sentais souvent très seul. Et je pense que c’est important de réaliser qu’on n’est jamais vraiment seul, que beaucoup de gens ressentent la même chose, qui ont vécu des choses plus dures, qui ont besoin de se dire : “Oh, si quelqu’un a survécu à ça, alors je peux survivre à ce qui m’arrive.” J’ai envie de partager ma musique et ses résultats.

@mon_rovia_boy “War is coming” out now #folkmusic #monroviaboy ♬ War Is Coming – Mon RovÎa

Quand tu parles de partager les résultats de ta musique, c’est métaphorique ou pratique ? 

J’imagine qu’il y a plusieurs aspects à la notion “donner en retour”. Le monde de la musique est encore majoritairement blanc, et un certain nombre d’artistes africains et noirs américains ont tendance à aller vers le rap ou l’afrobeat. Mais je pense que c’est important pour nous de voir qu’on peut être à la fois Africain et faire différentes musiques. Je me dis que je prépare la voie à d’autres artistes à venir, qui seront meilleurs que moi. 

Et puis, pour moi “redonner”, c’est aussi au Libera. Je veux participer, sur place, au développement de communautés, que ce soit par la construction d’écoles, de complexes sportifs, des choses qui permettraient aux Libériens de s’ouvrir sur le monde et rendre le pays attractif. Je n’y suis pas encore, mais j’espère qu’avec le temps, si je continue à grandir financièrement, je pourrais y arriver. J’ai prévu d’y retourner. Je pense que c’est là que j’irais jouer mon dernier acte.

Tu t’exprimes beaucoup sur Tiktok. Quelle est la place de ce réseau social dans ton expérience artistique ?

C’est grâce à mon manager, qui m’a beaucoup poussé, que j’ai rejoint Tiktok. Je tiens à ma vie privée, mais il a insisté. J’ai commencé avec des duos sur des vidéos de musiciens, j’imaginais des paroles en même temps. Et ça a commencé à grandir, et j’ai commencé à jouer ma musique en live. Je me suis dit “on verra qui écoute“, et j’ai eu l’impression de voir se développer une espèce de communauté de gens à la recherche d’une forme de paix. C’est toujours très beau.

Pourtant, je n’y croyais plus. Pendant longtemps, personne ne me suivait. J’ai failli abandonner. Mais c’est devenu une grande partie de ce que je fais maintenant. J’organise même des live avec d’autres artistes.

@mon_rovia_boy Act 2 out next week 😎 #folkmusic #musictok ♬ Cleopatra – Mon Rovîa

D’ailleurs, quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Je dirais Bon Iver. Je me rappelle de la première fois que j’ai entendu “Bloodbank”, c’était la première fois que j’ai réalisé qu’on pouvait parler de sujets comme la mort et toucher le public sans avoir à se reposer sur des accroches extravagantes. J’adore Vampire Weekend aussi, et la manière de distiller du commentaire social dans leurs textes. Et je dirais, Fleet Foxes, avec cette énergie venue des montagnes. Leurs chansons sont hypehyperintéressantes ne comprenais pas tout au début, je m’étais dit “il faut vraiment que je creuse.” Plus récemment, je dirais Adrianne Lenker, la chanteuse de Big Thief. Son esprit est indubitablement différent. 

Et il y a qui dans ta playlist en ce moment ?

J’écoute pas mal Asake, un chanteur d’afrobeat du Niger, qui décolle en ce moment. Ma chanson préférée c’est 2:30, que j’écoute en boucle ! 

Découvrez l’actualité de Mon RovÎa sur Instagram.

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