La sculptrice israélienne Ronit Baranga donne la vie à des objets qui ne l’avaient jamais connue. Elle les transforme en des entités, ayant des caractéristiques apparentées au corps humain. Cependant, elle se concentre uniquement sur les bouches et les doigts ! Connu pour l’aspect « bizarre » de ses œuvres, elle les rend hybrides, moitié objets, moitié hommes ce qui donne un sentiment d’étrangeté, parfois de dérangement.
Sa principale source d’inspiration se trouvant dans les services à thés et les objets en céramique, elle leur sculpte des attributs et les met en scène dans des installations. C’est ainsi que l’on peut observer des tasses, théières et sucriers tenant debout grâce à des doigts parfaitement sculptés. Les objets interagissent entre eux, la tasse de thé s’agrippant au pot à lait, la théière infiltrant un doigts dans le sucrier. L’installation se nommant « Embraced » qui signifie « embrassé », renvoie à travers ces objets immobiles une émotion qu’on ne pensait pas possible pour un service à thé. Paradoxalement, on a plus l’impression que chaque objet s’accroche à l’autre pour le fouiller plus qu’il ne l’embrasse.
Ronit Baranga réalise le plus souvent ce genre d’installations qui se base sur des objets statiques, leur rendant vie et une capacité d’afficher des expressions réservées aux hommes. Elle explique d’ailleurs à propos de son travail : « L’utilité, passive, de la vaisselle peut être maintenant d’être perçue comme un objet actif, conscient de lui-même et de ses alentours – y répondant. Il ne permet pas d’être pris pour acquis, d’être utilisé. Il décide de sa propre manière de se comporter dans la situation. C’est comme cela que je préfère voir mes assiettes et mes tasses. » Ils s’attrapent, se lèchent, se donnent à manger entre eux, vivent. L’artiste prend simplement des objets utilisables, en céramique et y rajoute des membres en les sculptant directement dessus. Elle les dispose ensuite tel qu’il le souhaite et la scène prend vie. En 2014, elle a réalisé deux installations qu’elle a exposées en Belgique et en Slovénie, appelées « Breakfast » et « The Feast ». Et elles représentent toutes les deux fidèlement ce qu’elles incarnent. On peut même voir, dans la seconde, les grains de raisin qui peu à peu fusionnent avec l’assiette comme si celle-ci s’en nourrissait.
Breakfast, 2014

En 2010, elle a travaillé sur des vases en leur sculptant des bouches de l’intérieur qui mordent, avalent, crient ou parlent et tout ça en silence. Baranga a appelé cette série « Crowd », qui signifie « foule ». Pour elle, ces bouches qui restent passives gardent cependant cet aspect menaçant, qu’elle compare à une foule humaine, composée d’individus qui ne se confrontent jamais. En effet, les bouches sont au fond des vases et ne peuvent pas interagir, seulement afficher une expression.
Avec son travail, Ronit Baranga dérange autant qu’elle fascine. On peut même le comparer au conte de La belle et la bête, donnant vie aux même objets qui ont bercé notre enfance. La sculptrice ne se limite cependant pas seulement aux assiettes et aux théières mais pousse les limites. Elle est actuellement exposée à New-York avec une toute autre proposition : des sculptures de bébés maléfiques. Blancs comme la mort, coiffés de cornes diverses, ils sont, d’après elle, des “observateurs de tombes”. Et ils semblent transmettre les mêmes émotions que les nouveaux-nés normaux, puisqu’ils affichent des expressions de cris et de pleurs. Mais ils expriment tous la colère de manière assez effrayante.