Sous leurs apparences douces et poétiques, les illustrations d’Elliana Esquivel invitent à une double réflexion ; à la fois introspective et sociétale. Nous y retrouvons ainsi notre quotidien mis en scène sous l’œil à la fois satirique, drôle et inquiétant de l’artiste.
Cette société dans laquelle nous vivons a-t-elle un sens ? N’est-on pas déconnecté de la réalité, et de soi avant tout ? Comment savoir qui nous sommes face aux injonctions continues à l’hyperconsommation ? Ne sommes-nous pas devenus des victimes de ce système pervers ?
Analyse d’une société absurde
C’est avec une étonnante subtilité que cette artiste transcrit sa vision critique de la société occidentale et de ses néfastes conséquences. Une société focussée sur la consommation de masse – promesse d’un bonheur chimérique -, la sur-stimulation, le gavage d’informations qui finit par nous abrutir et laisse une sensation de vide impossible à tarir. On retrouve ainsi une jeune femme que l’on imagine être son propre avatar acheter un cerveau sous vide en supermarché (Convenience) ou se faire nourrir l’esprit de force par des likes, des pages de bouquins et de pilules non identifiées (Too many cooks).
L’illustratrice renvoie ainsi à l’absurdité de l’existence (avec notamment Déjà vu), au besoin d’y donner du sens et nuance ses créations en mêlant paradoxalement pessimisme et optimisme pour ce qui suivra.
Des œuvres satiriques d’une société lunaire, déconnectée d’elle-même. Celles-ci dénoncent un quotidien au rythme effréné qui nous pousse à ne plus réfléchir et à nous conformer à ce qui est attendu, sans réflexion, sous le regard constant et intrusif de l’autre que l’on espère, au fond, approbateur.
Son talent est de réussir à donner aux sujets inquiétants une forme poétique et humoristique, dans des couleurs pastel qui adoucissent les thèmes abordés.
Différentes facettes de l’expérience humaine selon Elliana Esquivel
Les protagonistes mis en scène par l’illustratrice donnent corps aux problématiques qu’elle aborde. Des thématiques récurrentes se retrouvent alors, comme celle du vide – Missing piece et Imagoes book cover en sont des métaphores parlantes -, ou de la solitude (Solitude, One ou anti-social et les pages de son “Quarantine journal” y font référence).
Elle parle également de quête de soi et de sensation d’aliénation quand la jeune femme que l’on retrouve tente de se séparer de sa propre ombre (Dissociate) et perd littéralement la tête (Pothead).
La californienne mélange techniques traditionnelles et digitales pour des illustrations qui reflètent les différentes facettes de l’expérience humaine qu’elle vit, observe, analyse avec attention.
Ses personnages étouffent, se perdent, se cherchent. Ils semblent ne pas savoir comment gérer la relation qu’ils entretiennent avec eux-mêmes – les émotions qui les subjuguent, la solitude, le trop plein émotionnel – mais également avec le monde extérieur, remettant en question leur identité.
La promesse de meilleurs lendemains
Si un pan de l’œuvre d’Elliana Esquivel peut sembler pessimiste, nous découvrons qu’elle est également pleine d’espoir avec des planches qui parlent d’apaisement (optimist/pessimist, Being optimistic) ou bien avec sa série “Wallflowers” qui lie sa protagoniste phare à la nature et toute sa symbolique. Derrière le masque se cache une plante fleurissante, dans l’esprit des idées évoluent.
Elle illustre le réconfort que beaucoup d’entre nous recherche, dans un monde qui nous paraît parfois ne plus avoir de sens, et nous rappelle qu’après la tempête vient le temps de l’apaisement et de la reconstruction.
Son travail vous a plu ?