Pas de tabou pour Brittney Leeanne Williams. Dans un environnement précis, les corps nus y sont dessinés et se fondent entre eux et avec la nature qui les entoure. À travers ces figures brulantes, l’illustratrice esquisse les expériences traumatiques de la vie telles que le deuil.
La femme rouge
Les nus de Brittney Leeanne Williams sont d’un rouge ardent incomparable. L’idée de la femme rouge a émergé dans l’esprit de l’américaine alors qu’elle revient à Chicago après des études d’art dans le Maine. La transition entre la sérénité du Maine et l’activité de Chicago est brutale pour l’artiste. Elle réapprend à entendre le bruit sourd de la ville et surtout celui des sirènes rouges des ambulances qui semblent altérer la chorégraphie des rues, obligeant les véhicules et les piétons à s’arrêter.
Williams relate l’autorité de cette lumière à travers l’expérience de la femme Noire : comment les femmes de son entourage ont guidé les vies invisibles tout en étant le socle de leur famille. Les figures brulantes sont souvent représentées dans la position d’une mère enceinte en plein travail et épuisée. Le rouge vif et chaud transforme une figure cachée en sirène. Les peintures radient d’une chaleur palpable et remettent en lumière ces femmes qui ne peuvent plus être oubliées.
Les expériences de la vie : entre traumatisme et engagement
La technique de Brittney Leeane Williams explore le traumatisme, le deuil et la mémoire à travers le motif récurrent de ces figures livides et anonymes qui apparaissent dans des lieux surréels. Dans ses peintures, le deuil se manifeste dans un corps rouge et un paysage. L’artiste puise son imagination de son enfance passée dans le High Desert de la Californie. Le feu de ce désert s’associe avec la douleur de perdre afin de créer un terrain affligé de deuil. Dans sa série The Bridge From Garden to Desert (2020), un corps se tient entre un paysage aride et un jardin, un environnement s’inspirant directement du jardin de sa grand-mère comme un endroit de soulagement, de repos et d’espoir.
Le travail du corps de la peintre est également dirigé par l’influence de son entourage, de sa famille. Naomi and Ruth (2019-2020) repose sur des sources mythiques afin de brosser la relation mère-fille. Alors que ces dessins se réfèrent aux personnages bibliques de Naomi et Ruth, les figures rouges ne sont pas faites pour illustrer des personnes spécifiques, mais plutôt pour évoquer une expérience collective, celle de l’âge adulte de la femme et de la Blackness.
La forme rouge est devenue une icône des expériences, des émotions et des mémoires d’une femme pour Brittney Leeanne Willams. Diagnostiquée dyslexique, l’artiste s’est plongée dans l’art et le dessin, encouragée par sa mère alors qu’elle se sentait “brisée” par ce trouble : “Elle a commencé à chercher d’autres façons pour m’aider à identifier les cadeaux en moi” a-t-elle avoué pour Elephant.
Pour Williams, chaque peinture commence par une émotion et un questionnement sur celle-ci. À partir de cet état d’esprit, elle fait une ébauche d’idées en pensant à la composition, à la couleur – le rouge d’abord -, à la boucle du corps et à l’avantage du papier. Lorsqu’une connexion se créé entre tous ses éléments, elle les positionnera et les agrandira sur la toile. Tout cela, l’artiste ne le fait pas pour le public, mais pour elle en tant que femme Noire engagée : “Always me“.
La quarantaine comme nouvelle expérience à dépeindre
Pour beaucoup d’artistes, la quarantaine liée à la pandémie n’a été qu’une nouvelle source d’inspiration pour eux. C’est le cas de Brittney Leeanne Willams. Elle s’est retrouvée à dessiner des plans d’eau comme des sites d’interruption.
Elle décrit ce virage de l’imaginaire de l’eau comme un bain de glace stoppant la fièvre. Le thème des corps pliés ont aussi évolué dans la contorsion. Les corps entrelacés s’étreignent et se tirent mutuellement. Avec sa série sur Naomi and Ruth, Williams veut que nous entendions le craquement des os tout comme l’étreinte tendre et sensible.
Pour retrouver les peintures de Brittney Leeanne Williams, elles sont disponibles sur son site et sur Instagram. Et si vous avez apprécié ses œuvres d’art, vous aimerez sans aucun doute celles de Hanna Lee Joshi.