Ateyaba, le pharaon ressuscité revient avec l’album “La Vie en Violet”

Image d'avatar de Thomas DagnasThomas Dagnas - Le 17 juillet 2023

Neuf ans après son premier album studio sobrement intitulé Ateyaba, le rappeur montpelliérain Ateyaba sort ce 14 Juillet son deuxième disque La Vie en Violet.

Photo où l'on voit Ateyaba avec un tee shirt blanc, une montre et des colliers devant un fond bleu.
Ateyaba © Fabien Montique

Sur 17 titres, l’artiste (qui aime se faire appeler Pharaon) s’amuse et fait encore un pas de côté par rapport au rap français. Très attendu par sa fan base et les observateurs curieux, comment réussir à combler le manque après autant d’années passées dans l’ombre ?

Retour sur neuf années galères…

En 2014, lorsque Joke (son ancien blaze de MC) sort Ateyaba, c’est le début des problèmes. Sur le splendide morceau Paris, on retrouve un sample du légendaire Blue in Green du jazzmen Miles Davis. Le souci ? Le label de Joke ne demande pas la permission à la famille de Davis pour utiliser le morceau, ce qui l’obligera à retirer tous les disques des magasins Fnac après seulement une semaine d’exploitation.

Tracklist originelle de l'album Ateyaba de Joke avec le morceau Paris en 15e position.
Tracklist originale de l’album “Ateyaba”, contenant le track 15 “Paris”

Après cette première embuche, Joke se relève et travaille discrètement avec Universal Music France sur son deuxième album Ultraviolet. La machine s’enclenche, les premiers singles sont publiés, tout semble aller parfaitement dans le meilleur des mondes. Le clip Vision, sorti en mars 2017, est même réalisé en collaboration avec la marque à la virgule Nike pour présenter leur nouvelle paire : la Vapormax.

Clip du morceau “Vision”, premier single d’Ultraviolet

Pourtant, en novembre 2017, un grain de sable vient enrayer la mécanique. Après avoir annoncé la sortie du disque pour le 24 Novembre et une tournée dans toute la France, Joke se défile. Il déclare via un post Instagram décaler la sortie d’Ultraviolet à 2018. Branle-bas de combat chez Universal. Oumardinho, son manager emblématique, celui qui l’a lancé il y a 5 ans dans son label Golden Eye Music, décide d’arrêter la collaboration avec l’artiste montpelliérain.

Après un changement de nom en 2018 pour Ateyaba, le prénom de son grand-père, on croit que la machine repart de plus belle. On fait fausse route. Si Ateyaba sort un nouveau clip Rock With You, acclamé par le public comme la critique, il laisse pour autant toujours l’album en stand-by.

Photo où l'on voit Ateyaba avec un tee shirt noir et des colliers devant un fond rouge.
Ateyaba © Fabien Montique

Depuis 2018, c’est la même rengaine. Le jeu du chat et de la souris entre son fameux album Ultraviolet et son public qui commence à s’impatienter. Ateyaba donne des interviews où il tease la sortie prochaine du disque, distille des extraits en story, sort des morceaux sur YouTube originellement présents dans la première tracklist de 2017… Malgré cette impatience, avec les quelques indices, ses fans les plus fidèles restent, conscients de la qualité certaine d’Ultraviolet.

Petit à petit, le public se rend tout de même compte que cet album est voué à sortir par bribes. Ateyaba sort en 2021 la mixtape Infinigga, où on retrouve la majorité des morceaux censés être dans Ultraviolet. La fréquence de sortie des singles ralentit et le rappeur montpelliérain repart dans l’oubli comme il aime le faire.

Photo où l'on voit Ateyaba assis, avec un tee shirt blanc, une montre et des colliers devant un fond bleu.
Ateyaba © Fabien Montique

Cap sur La Vie en Violet, le nouvel univers proposé par Ateyaba

Le 15 juin dernier, tremblement de terre lorsque sur son compte Instagram, le rappeur annonce la sortie de son deuxième album pour le 14 Juillet. En ouvrant les précommandes, on se rend compte qu’Ultraviolet n’est plus. Place à La Vie en Violet. Ateyaba prend une direction artistique totalement différente. Sur les visuels du projet, on retrouve une esthétique Y2K, influencée par les années 2000.

Visuels CD et vinyle de La Vie En Violet. De gauche à droite : édition Baby Koffi, édition Koffi et visuel holographique vinyle.
Visuels CD et Vinyle de l’album, réalisés par Studio 13h52

Au niveau du son, adieu aussi aux ténèbres machiavéliques des instrumentales d’UV et place à des mélodies ambiantes et parfois même enfantines. En guise de premier single, il s’accompagne d’une production catchy du beatmaker canadien Freakey! et sort Shenron. Bruits de sabre et synthétiseur se mêlent au bounce de la 808 et au refrain nonchalant mais très entraînant d’Ateyaba.

Quelques jours avant la sortie officielle du disque, le cauchemar se poursuit pour Ateyaba. On retrouve déjà les versions vinyles de La Vie en Violet dans les rayons de certains magasins FNAC et Cultura. Résultat : l’album fuite sur Internet. Tandis que certains patientent encore quelques jours après 9 ans d’attente, d’autres sautent sur le disque. Les premières réactions sont loin d’être dithyrambiques. Les auditeurs sont déboussolés par la proposition du montpelliérain. Ça promet…

Les influences américaines

Depuis l’arrivée d’Ateyaba dans le rap français, une certaine image lui colle à la peau. Il serait l’artiste le plus futuriste et avant-gardiste du game et aurait influencé, par sa musique, toute une génération de nouveaux artistes (Hamza, Laylow, Oboy…). Cette image, il en a lui même profité, en s’en vantant via des tweets piquants contre ceux qui reprendraient ses flows et son attitude. Pourtant, à double tranchant, cette description peut aussi être destructrice pour lui. On ne justifie et on n’encense pas toutes les propositions artistiques sous prétexte qu’elles sonnent novatrices. Ateyaba va donc devoir se détacher en partie de cette image.

Photo où l'on voit Ateyaba avec une veste blanche, une casquette, des bagues et des grillz. Il est accroupis et fait un signe devant un fond violet.
Ateyaba © Fabien Montique

Sur le disque, il est accompagné de nouveaux producteurs, avec qui il n’a que rarement travaillé. Outre Freakey!, habitué du son du montpelliérain, on retrouve les américains Variedy, Flansie et le néerlandais Milanezie. Ces beatmakers ayant produit pour Yeat, Trippie Redd, Duwap Kaine ou encore Serane développent un son spécial. Entre plug et rage, les inspirations viennent tout droit d’Outre Atlantique.

Ateyaba se sert de leur expérience pour apporter sa patte sur les instrumentales. Effectivement, sur l’album, c’est un son que l’on a pas l’habitude d’entendre en France, mais ce n’est pas pour autant un son novateur.

Photo où l'on voit Flansie avec une veste Arc'Teryx, une casquette et une capuche devant un fond blanc.
Flansie

Une homogénéité sonore sur le disque

Sur 17 tracks et pendant environ trois quarts d’heure, l’auto-proclamé pharaon Ateyaba réussit à créer une ambiance homogène. Grâce à des sons courts (environ 2 minutes chacun) et des prods aux influences cloud, où les nappes sonores viennent envelopper l’oreille, il est difficile de sortir du mood général du disque. Sur le morceau Angelique, le jeune beatmaker français Kloud retranscrit à merveille le nom du morceau. Il parsème la production de notes qui s’apparentent à une pluie de diamants. Sur Ankh Nega, Serafim et Starlight Koffi (l’alias de beatmaker d’Ateyaba) créent une balade douce tout en conservant un côté brut avec la présence de basses 808 et d’une guitare électrique saturée.

Cover officielle de La Vie En Violet. On voit le logo et derrière Ateyaba enfant prendre une douche dans un village au Togo.
Cover de l’album “La Vie en Violet”

Au niveau des performances du rappeur montpelliérain, elles ne sont pas aussi énergiques que sur ses projets précédents. Lui qui déclare pourtant dans Cookies – Part II qu’« être daron [l’]a pas adouci » semble aborder ses performances vocales sous un autre aspect. Ateyaba privilégie sur le disque les flows planants et mélodieux aux flows rappés. Il se tient souvent à un unique flow sur un morceau (ex : 228, Aureole, Majestic). Pourtant, il réussit étonnement à éviter la redondance. Il se rapproche au contraire d’un côté envoûtant. Le rappeur américain Young Nudy, seul invité de l’album, vient l’épauler sur le banger Ghana, en lui offrant un couplet de grande qualité collant parfaitement à l’ambiance de La Vie en Violet.

Photo où l'on voit Young Nudy sourire avec un tee shirt blanc, ses dreads et des chaînes en diamant devant un fond blanc.
Young Nudy

Au niveau de la gestion du mix aussi, on est surpris par un style qui diffère du son habituel. L’album, en partie mixé et masterisé par l’artiste lui même et par la légende Anthony Kilhoffer (ingé son des albums de Kanye West et Travis Scott), n’est pas traité de manière commune. Ateyaba décide de mettre quasiment au même niveau sonore ses pistes de voix principales et ses backs. Résultat : l’auditeur baigne dans un lac de sons et de mélodies différentes mais qui fonctionnent bien ensemble. Des mélodies qui ne sont parfois même pas traitées avec un Auto-Tune. C’est le cas sur le morceau Aureole. Ateyaba préfère mettre en avant la pureté de sa voix naturelle, empreinte de fausses notes. Sans aucun complexe, cela donne alors un morceau qui surprend par la beauté du naturel et du réel, sans aucune retouche.

Photo où l'on voit Ateyaba avec un pull blanc, un durag et des colliers devant un fond floral.

En bref, après 9 ans d’attente pour ses fans, Ateyaba leur offre un album qui les prend encore de court. D’abord très critiques, les retours ont petit à petit évolué dans le week-end au fil des réécoutes, preuve de la capacité qu’à Ateyaba à bousculer, mais aussi à emmener son public dans son univers. Le propre de l’artiste. L’album se conclut d’ailleurs sur Soler, produit par le beatmaker Jaycee. Soler, c’est le nom de famille d’Ateyaba. Sur un sample de Manzanita de Bobby Hutcherson, le pharaon rappe avec les tripes et évoque son passé : « J’avais rien dans l’abdomen, rien dans la pocket » et son futur : « J’veux pas un jardin, j’veux une plage, j’veux un domaine ».

Ateyaba continue son voyage temporel infini entre la nostalgie de ses influences passées et les découvertes que lui offrent sa vision lointaine… Et ce pour le plus grand plaisir des auditeurs, trop longtemps laissés sur le bord de la route.

Pour suivre les actualités d’Ateyaba, suivez le sur son compte Instagram.

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Thomas Dagnas
Article écrit par :
Etudiant Grand amoureux de musique et de culture, je traite des sujets qui touchent aux variantes du rap et du RnB, mais aussi à la culture graphique.

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