Gerard Mas se réapproprie l’esthétique médiévale ou de la Renaissance par ses sculptures, en détournant avec humour les éléments du passé par des clins d’œil à notre quotidien contemporain.
Sous les mains de ce sculpteur qui travaille l’albâtre, le bois ou encore la résine, le passé et le présent s’envahissent mutuellement : coiffures d’antan, robes traditionnelles, corsages dissimulent tatouages, chewing-gum, crêtes punk… Gerard Mas chamboule notre réalité et nous fait réfléchir à l’évolution des codes, des tendances, des esthétiques.
Un artiste inspiré par le passé
Gerard Mas naît à Barcelone, où il vit encore. Il y étudie la sculpture en particulier entre 1994 et 2001, à l’école de la Llotja. Outre son métier de sculpteur, Gerard Mas est également restaurateur de monuments historiques, ces deux métiers étant bien sûr liés. Il dit commencer à se considérer comme un artiste à partir du moment où il parvient à vivre de son art.
Ses inspirations sont multiples, et traversent les époques : art égyptien, art gothique, quattrocento italien, dadaïsme… Leur pluralité témoigne de cet enjeu propre à l’artiste qu’est de faire s’articuler des influences très différentes culturellement et temporellement au sein d’une même œuvre.
Assumer ouvertement ses influences
Gerard Mas explicite parfois lui-même ses références, comme dans Suprematist Sheep (Homage to Malevich) (2014) qui représente un mouton où un carré est découpé dans sa toison. Comme le titre l’indique clairement, c’est un clin d’œil amusant à Carré blanc sur fond blanc (1918) de Malevitch, créateur du mouvement artistique du suprématisme.
Cela se voit également dans Hellenistic Fantasy, où l’on voit un enfant aux airs de chérubin rappelant les sculptures grecques aux prises avec un chien-ballon, qui fait écho à la célèbre série Balloon Dog de Jeff Koons, un plasticien mêlant kitsch et néo-pop. C’est comme si dans ce combat représenté se jouait une lutte entre trois périodes artistiques : celle de l’antiquité grecque, celle de Jeff Koons et celle de Gerard Mas.
En choisissant de laisser sa sculpture couleur de l’argile et non de la peindre en blanc ou avec des couleurs vives, Gerard Mas affirme d’autant plus son esthétique en tant qu’artiste, et son rôle : il n’est pas que spectateur de ce combat artistique et historique, il en est aussi un acteur. Peut-être pourrait-on voir dans cet affrontement agonistique un reflet du conflit intérieur qui anime l’artiste, entre influences passées et contemporaines, et qui se révèle si fécond…
Un détournement ironique des codes
Son intérêt pour le dialogue entre passé et présent ne s’arrête pas à ce qu’il représente, et il se fascine aussi pour les techniques artistiques de l’époque. Les utiliser lui permet de souligner d’autant plus la rupture et le détournement qu’il effectue dans ses œuvres entre deux périodes historiques, culturelles et artistiques. Ces emprunts à des techniques datées constituent donc une sorte de mise en dialogue de lui-même avec les artistes d’autrefois. Gerard Mas invite le présent à se produire dans le passé, et inversement.
Ses sculptures relèvent d’imitations ironiques de celles du passé, pour une vision « postmoderne de la femme fatale », comme il le dit lui-même sur son Instagram en voyant l’une de ses œuvres (la femme avec les cheveux-ruche) aux côtés de deux autres sculptures plus anciennes.
Représenter les animaux
Gerard Mas aime aussi à réaliser des sculptures d’animaux, seuls ou en compagnie d’êtres humains, surtout des femmes. Les relations qu’ils entretiennent sont souvent étranges ; une femme allaite un cochon, une autre tient un homard dans ses bras comme s’il s’agissait d’un bébé humain, une troisième écoute les yeux fermés un colibri lui murmurer des choses à l’oreille… Il reprend par ailleurs cette dernière position avec un homme également, mais dont l’expression n’est pas apaisée mais au contraire dérangée.
Cela peut nous faire penser au travail de Samantha Joy Groff, une autre artiste contemporaine qui interroge la tradition et la culture en mettant en scène femmes et animaux dans des positions encore plus osées peut-être, car explicitement sensuelles.
Son intérêt pour les animaux ne va pas sans humour et décalage également, comme en témoigne sa sculpture dorée Rat-deity, qui représente une divinité rat.